Skinification: pourquoi votre cuir chevelu mérite toute votre attention

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Le cuir chevelu fait l'objet de tous les soins désormais © Getty Images
Isabelle Willot

Faut-il croire aux bienfaits de la «skinification»? Cette tendance qui désigne l’art de soigner ses cheveux et son cuir chevelu comme on chouchoute son visage est bien plus qu’un coup marketing. Elle bouscule nos habitudes et peut nous faire du bien.

Tout est parti d’un constat assez simple finalement : une chevelure épaisse, abondante et soyeuse est un signe de jeunesse, au même titre qu’une peau ferme et éclatante. Si longtemps l’attention se portait surtout sur le paraître immédiat, boosté par une multitude de produits de styling, la santé de notre cuir chevelu dont dépend par extension celle de nos cheveux est désormais au centre de nouvelles routines qui s’inspirent directement de celles des soins visage.

Cette tendance baptisée “skinification” s’accompagne d’un changement progressif dans nos habitudes quotidiennes. De nouveaux produits et de nouveaux gestes qui découlent directement de l’univers du skincare sont ainsi apparus progressivement. L’impact de la pandémie a là-aussi laissé des traces: privé pendant des mois de son coiffeur, le consommateur a trouvé le temps et l’envie de prendre soin de ses cheveux chez lui.

Un shampoing à 60 euros

Les budgets se sont déplacés vers des produits de plus en plus premium dont le prix peut aujourd’hui dépasser les 60 euros rien que pour un shampoing. Dans son rapport annuel Predicts 2023 qui se penche sur les recherches ces derniers mois de ses 400 millions d’utilisateurs, le réseau social Pinterest pointe d’ailleurs un engouement visible – avec des pics allant jusqu’à + 70% d’intérêt – pour tout ce qui touche aux soins du cuir chevelu.

La beauté des cheveux est condtionnée par la santé du cuir chevelu  © Getty Images

Le constat n’a pas échappé à l’industrie de la beauté qui voit dans le marché des soins capillaires – celui-ci représenterait aujourd’hui 21% des achats de cosmétiques – un terrain de jeu prometteur. Il devrait peser d’ici 2024 plus de 100 milliards de dollars à l’échelle mondiale. Plus question donc de se limiter à un shampoing – souvent trop agressif – et un conditionner qui ne s’intéresse qu’aux longueurs. Exfoliations et massages s’imposent désormais comme les étapes centrales de rituels de plus en plus complexes.

Le scalp agressé

“Tout cela n’a rien d’étonnant finalement puisque le scalp peut être vu comme la prolongation de la peau du visage, pointe le docteur Françoise Guiot, spécialisée en dermatologie esthétique. Cette zone est très sensible et particulièrement innervée. Elle subit elle aussi toute sorte d’agressions extérieures – UV, pollution, stress… – qui peuvent l’impacter négativement.

Penser à son cuir chevelu en priorité si l’on veut prendre soin de ses cheveux a donc bien tout son sens et ne relève pas du simple discours marketing. Tout ce qui peut activer la circulation sanguine ne sera que bénéfique pour une bonne croissance du cheveu ».

Pour notre spécialiste, « gommer en douceur un cuir chevelu qui démange ou qui desquame facilite aussi l’élimination des cellules mortes. C’est encore plus bénéfique sur des cuirs chevelus gras : quand vous faites un massage ou un gommage avec un pré-shampoing, vous exprimez tout le sébum qui est en quelque sorte latent dans les glandes sébacées. Cela rendra non seulement votre shampoing plus efficace. Mais vous éliminez ainsi préalablement le sébum qui viendrait regraisser votre cheveu dans un ou deux jours”.

Skinification: un vocabulaire issu du skincare

Pour mieux crédibiliser le propos, c’est tout le vocabulaire propre au soin du visage que l’on retrouve désormais sur les étiquettes de nos produits cheveux. Et cela va du sérum anti-imperfections, au “sheet masks” aux allures de charlotte en passant par le shampoing micellaire. Un récupération dont TikTok se fait aussi l’écho à grand renfort de hashtags.

Les soins se donnent aussi dans les instituts  © Getty Images

Comme le souligne l’agence de consultance parisienne Nelly Rodi dans l’un de ses derniers rapports de tendance, la théorie du “cycling” s’applique tout aussi bien à la peau qu’aux cheveux. “On parle maintenant de « hair cycling ». Soit un cycle de soins qui s’étend sur plusieurs jours et recommande d’hydrater son cuir chevelu, de le masser avec une brosse dédiée, d’effectuer un gommage, le tout avant le lavage, pointent les auteurs de l’étude.

Le lavage reste encore ce qu’il y a de plus important. Notre cuir chevelu est sale. Et comme la barbe il peut très vite devenir un nid à bactéries s’il n’est pas entretenu convenablement. L’eau pour cela ne suffit pas. Je conseille toujours un double nettoyage : le premier – qui peut être remplacé par pré-shampoing exfoliant va dégraisser – et le second laver pour de bon.

Françoise Guiot

Dermatologue

Le « slugging » de la peau qui consistait à se couvrir le visage de vaseline avant d’aller dormir inspire également le « hair slugging », une technique invitant à huiler ses cheveux et à les emballer dans un foulard de soie ou dans une chaussette pendant toute la nuit”.

Des soins en salon

Qui dit skinification dit aussi mise en avant dans les soins pour cheveux d’ingrédients stars de l’industrie cosmétique. Ainsi Kérastase vient d’entièrement reformuler son “soin de transformation capillaire instantané” Fusio-Dose. Proposé exclusivement en salon, il inclut justement des actifs comme l’acide hyaluronique ou lactique, le niacinamide, les céramides ou les peptides dans les concentrés et les boosters que le client pourra combiner à sa guise comme il le fait le matin avec ses sérums dans sa salle de bains.

Loin de rester cantonnés dans les salons de coiffure ou les gondoles de supermarchés, ce hair care d’un nouveau genre a envahit les parfumeries de luxe. Arguant de leur expertise de la peau, des marques dont le savoir-faire était jusqu’ici dédié aux soins du visage et du corps sont de plus en plus nombreuses à développer des gammes cheveux ultra premium.

Guerlain qui avait mis sur le marché l’an dernier son tout premier sérum dédié au cuir chevelu proposera dès le 12 juin prochain une gamme complète scalp & hair qui inclut même une brosse spéciale dans sa franchise bestseller Abeille Royale.

Sur le même segment haut de gamme, on retrouve également Barbara Sturm et Augustinus Bader – la marque hype du moment – qui totalise déjà pas moins de 6 produits et un peigne détoxifiant. Pionnier en la matière, Hair by Sisley lancé en 2018 a connu un succès fulgurant : en deux ans d’existence, elle faisait déjà le même chiffres d’affaires que sa “grande soeur” Sisley avait mis 15 ans à atteindre. Elle propose à ce jour pas moins de 17 références et des soins dans des cabines dédiées.

Un cheveu mort mais réparable

“S’il n’est peut-être pas nécessaire d’aller jusqu’à 8 étapes dans son rituel comme vous le conseillent certaines marques, il est essentiel en revanche de bien distinguer les produits que l’on va poser sur son cuir chevelu ou sur ses cheveux, souligne Françoise Guiot. Les textures huileuses qui sont idéales sur les longueurs sont à proscrire sur le scalp. Surtout si vous avez tendance à avoir des démangeaisons ou des pellicules. Celles-ci peuvent provenir d’un excès de sébum et de la présence de levures… qui se nourrissent du gras.

En revanche, même si le cheveu est “mort”, cela n’empêche en rien de le réparer en surface et d’en améliorer l’apparence… comme on le fait lorsque l’on “nourrit” un canapé en cuir ou un meuble en bois ». Le cheveu étant composé de 90% de kératine et de 10% d’eau. Tous les traitements qu’on lui fait subir – brushing, lissage, décoloration… – vont écarter les écailles.

« Et fragiliser les cuticules qui sont un peu comme la couche cornée de la peau, poursuit notre experte. Si celle-ci est abîmée, elle laisse l’eau s’évaporer. C’est la même chose ici : le cheveu devient sec, rêche et cassant. Il y a donc bien un intérêt à recréer une forme de gainage, en utilisant un produit qui agira à la manière d’un crème hydratante”.

Nuxe qui a fait de la maîtrise des huiles végétales son corps business vient ainsi de développer une ligne volontairement courte de trois produits composée à 94% au moins d’ingrédients d’origine naturelle et intégralement dédiée à la nutrition du cheveu proprement dit.

Des outils comme des peignes de massage sont aussi proposés  © Getty Images

Dix années de développement ont été nécessaires pour mettre au point une huile de camélia fermentée capable d’agir de manière démontrée par des essais clinique sur les cuticules abîmées. Et ce pour tous les types de cheveux du plus fin au plus épais et au plus bouclés. Un souci de naturalité que l’on retrouve également chez les acteurs traditionnels de la coiffure qui ont bien sûr également adopté la tendance de la skinification.

Le cuir chevelu, un nid à bactéries

C’est aussi le cas d’Aveda dont la toute nouvelle gamme végane Scalp Solution est entièrement dédiée au bien être du cuir chevelu. Elle est l’une des premières à véritablement s’interroger sur l’impact du vieillissement prématuré de celui-ci induit par des facteurs extérieurs comme la pollution. Un traitement capillaire dispensé en salon a également été mis au point.

“N’oublions pas toutefois que le lavage reste encore ce qu’il y a de plus important, conclut Françoise Guiot. Notre cuir chevelu est sale. Et comme la barbe il peut très vite devenir un nid à bactéries s’il n’est pas entretenu convenablement. Et l’eau pour cela ne suffit pas. Je conseille toujours un double nettoyage : le premier – qui peut être remplacé par pré-shampoing exfoliant va dégraisser et le second laver pour de bon.

Si vous utilisez des produits surtout de styling que je compare un peu au maquillage des cheveux, rien de tel qu’un peu de bicarbonate de sodium ajouté au shampoing pour faciliter l’élimination en douceur de tout ce qui s’accroche au cheveu”.

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