Notre Top 10 des adresses testées en 2018

Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

C’est l’heure du coup d’oeil dans le rétroviseur, de classer l’inclassable. Avec la régularité du métronome, nous vous servons notre Top 10 pour 2018.

Pour éviter les malentendus, on rappellera qu’il ne s’agit pas des « meilleurs restaurants de Belgique » mais bien des enseignes marquantes, tous genres confondus (le gastro jouxte le populo), parmi celles où la subjectivité, le bouche-à-oreille et parfois un soupçon de hasard nous ont conduit durant l’année écoulée.

Rien d’universel, rien de prétentieux, ni de gravé dans le marbre – la plupart des adresses n’ayant été visitée qu’une seule fois (ce qui on en convient est incroyablement injuste mais à comprendre au regard des conditions matérielles d’existence d’une profession concurrencée par les nouvelles formes de promotion du moi) – juste un classement modeste et jouette donc opéré de manière conforme aux règles de déontologie les plus élémentaires, du moins à nos yeux : travailler le plus possible dans l’anonymat et, à tout le moins, payer ses additions.

10 – La Popote (Nivelles)

Notre Top 10 des adresses testées en 2018
© MICHEL VERLINDEN

Le fait s’avère troublant : on pousse la porte de ce restaurant de poche – 14 couverts – et l’évidence que tout y sera délicieux nous tombe dessus avec la force d’une guillotine. D’où nait cette certitude ? De la voix. Celle-là même qui appartient à la jeune femme officiant seule derrière sa jolie cuisine ouverte carrelée de blanc. Placée, cette voix enchante, émet sur une fréquence rassurante. A juste titre car les suggestions qui suivent, deux entrées et trois plats, entonnent la mélodie du bonheur. On en prend la mesure par le biais de deux filets de dorade accompagnés de polenta et de bouillon de chou frisé au lard fumé (22€).

Une bouchée suffit pour que le bavardage des tables voisines ne nous atteigne plus. Un silence intérieur s’installe, signe d’une cuisine qui chatouille les affects. Un crumble de chou pourpre vient ajouter une note de croquant à l’ensemble, le ravissement est total. On ne sort de ce moment de grâce que pour prêter attention à ces petits détails qui réjouissent le coeur : une salière en forme d’ananas, une carte des bières petite mais remarquable – en provenance de Ça brasse pour moi -, ainsi qu’une bande-son rétro régulièrement fredonnée par l’intéressée – « Da Doo Ron Ron » des Crystals ou « God only knows des Beach Boys.

La Popote, 1, Rue du Pont Gotissart, à 1400 Nivelles. Tél. : 067 37 07 77.

9 – Le Lieu (Genappe)

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© MICHEL VERLINDEN

Le lieu, on peut dire que c’en est un. Vertigineux. Logé dans une ancienne ferme brabançonne scrupuleusement rénovée, l’adresse a opté pour un parti-pris radical, celui d’installer le restaurant du projet – il est aussi question d’une galerie d’art et d’un lieu de torréfaction – au coeur d’une pièce charpentée comme une cathédrale. Où est la radicalité promise ? Dans le refus de rentabiliser le moindre centimètre carré : une vingtaine de couverts. Le genre de ratio qui défie la raison. Froid ? Un peu… mais seulement au premier abord.

L’accueil d’une implication totale se charge de briser la glace. On aime le soin d’orfèvre apporté aux détails : assemblage champenois concocté pour la maison, beurre de la Ferme de la Goyette, pain délicieux, gestes en salle… La cuisine ? On redoutait un chef grandiloquent se sentant obligé de jouer de l’orgue. A la faveur d’un menu unique (70 euros), Thomas Henaut, 29 ans, donne dans la musique de chambre. Tapenade de girolles émulsion de chèvre, sashimi de bar de ligne sauce ponzu, encornets fourrés aux légumes, pigeonneau cuit sur coffre flanqué d’un aligot truffé sur lequel est râpé de la ricotta salée… Le tout pour des notes subtiles qui laissent un souvenir ému. Et l’envie de réécouter cette mélodie dont la partition change tous les 15 jours.

Le Lieu, 1, rue Dernier Patard, à 1470 Genappe. Tél. : 02 851 77 36.

8 – Minnie & Frenchie (Lasne)

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© Michel Verlinden

Je dîne chez une copine. Avec la ferveur que certains mettent à aspirer le tabac par les narines, ces colonnes prisent les hors-venus de la restauration qui en sont le sel. En la matière, Minnie & Frenchie est un sommet né des aspirations d’une comédienne rasée de tourner des pubs et d’un peintre déçu par les logiques du marché. Dans une belle maison du BW, ces deux-là évoluent dans la plus parfaite inconscience.

Le couple joue les éclaireurs du vin nature – Alessandro Viola, Domaine Jolly Ferriol… – en des terres supposées gagnées à la cause bordelaise. En vrac on aime aussi : le beau cadre à étage, les tabourets en tartan, le service familial, la trancheuse Berkel qui boulotte et la cuisine ouverte. De là sont envoyées une foule de petites préparations qui citent les nouveaux classiques – Ottolenghi – façon aubergine fumée grenade (8 euros), caressent l’artisan dans le sens du poil de vache – assiette de charcuteries belges Dierendonck (13 euros) -, voire tirent une larme – émouvantes pdt écrasées et crevettes grises (13 euros).

Minnie & Frenchie, 7, route de Genval, à 1380 Lasne. Tél. : 02 582 83 52.www.minnie-frenchie.be

7 – Blahblah Wine (Charleroi)

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© MICHEL VERLINDEN

On pensait ne plus jamais avoir de nouvelles de Sylviane Meneghello et Yannick Jassin. Une épine dans nos coeurs. Les sachant reconvertis dans d’autres carrières, on pleurait de ne plus s’installer devant une table pilotée – l’une aux fourneaux, l’autre au vin – par ce duo de « machinistes » carolos. Inouï : le tandem est de retour, signant une adresse improbable dans une rue prometteuse de Charleroi.

Le principe est celui d’un bar à vin imparable – 11 euros le droit de bouchon, ce qui nous fait le Morgon de Marcel Lapierre à 37,10 euros, qui dit mieux ? – joliment carrossé et emballé dans le service prévenant d’une ancienne vestale du Prieuré Saint-Géry. C’est canaille, juteux et surtout ça part dans tous les sens à la faveur de propositions décalées envoyées depuis une cuisine d’appoint. On retient une « mortelerie » d’artichaut breton farci à la féta, aux crevettes grises, aux poireaux et aux radis (16 euros) mais également la ventrèche de thon mémorable (24 euros) ainsi que le plateau de charcuteries (dont le prix s’est perdu dans la nuit). La déco est bien tapée et tout en longueur. Le conseil ? Réserver la table haute dans le cellier. Cela dit, on a l’air de bien s’amuser aussi, avec l’assiette sur les genoux, dans le coin abritant un vieux canapé défoncé.

Blahblah Wine, 6, rue de Marcinelle, à 6000 Charleroi. Tél. : 0493 749 194.

6 – Le Pesage (Bruxelles)

Une enseigne signée par Lionel Jadot, en soi, cela vaut déjà le détour… mais si en plus le ramage est à la hauteur du plumage alors c’est carrément la fête aux petit cochons. Bonne nouvelle, au Pesage, la carte fait place à une polyphonie dont la restitution flirte avec la haute-fidélité. Le principe est celui d’une nourriture à partager misant sur les cuissons basse température et un passage sur la braise, un gril au charbon de bois aux contours ibériques, au moment d’envoyer. Au bout de la commande, c’est une table généreuse qui surgit, envahie par les assiettes et les accompagnements.

Puisque le lieu était celui où l’on pesait autrefois les jockeys avant la course, on en retient arbitrairement trois. Dans l’ordre : le coquelet jaune mariné au paprika (15€) dont la chair est infusée au romarin ; l’épatant poulpe (19€) cuit à la perfection et accompagné de pimentos de la Vera ; les délicieuses rillettes de sardines accompagnées d’une sorte de « pa amb tomàquet », le pain catalan frotté à l’ail et à la tomate. On notera aussi la jolie sélection de vins qui ne cède pas au conformisme habituel – remarquable riesling allemand (33€) venu du domaine Seehof. Et le décor ? Il est flamboyant, activiste et provocateur… mais on vous en laisse la surprise.

Le Pesage, 51, chaussée de la Hulpe, à 1180 Bruxelles. Tel : 02 242 81 38.www.lepesage.be

5 La Ligne Rouge (Lasne)

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© Michel Verlinden

Le chef Benjamin Laborie a trouvé ses marques, il déploie une cuisine limpide. On en a eu la preuve lors d’un repas du soir à La Ligne Rouge, adresse brabançonne où il fait des étincelles. Calibré pour une clientèle qui ne compte pas, le lieu affiche des tarifs dissuasifs à la carte. Une série de formules rectifient le tir, comme le menu « Courbe » à 59 euros (4 services). Celui-ci est garanti sans coup tordu, un ravissement du début à la fin. Une grosse asperge verte de Perthuis ouvre le bal, elle est soulignée par un très juste sabayon qui contient l’ardeur de l’ail des ours. De fines lamelles de bar mariné ajoutent fraîcheur et texture à l’ensemble. Ensuite, une langoureuse langoustine joue un accord majeur inédit avec du manioc en fécule. Le plat est d’une gourmandise absolue : une tendre volaille servie avec morilles fraîches, du vin jaune et des asperges. Idem pour le dessert, une jolie variation sur la rhubarbe, qui laisse léger. Le conseil à suivre ? Réserver la table la plus proche des cuisines, celle qui s’ouvre sur la campagne environnante.

La Ligne Rouge, 38, chaussée de Charleroi, à 1380 Lasne. Tél. : 02 385 05 31. www.lalignerouge.be

4 – Gramm (Bruxelles)

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© Diane Hendrikx

Gramm a des allures de cantine flamboyante et lumineuse comme une oeuvre de Claude Lévêque. Gramm, c’est d’abord un décor modeste et génial – formidables panneaux « lunaires » qui font du plafond une installation. C’est ensuite un repaire à vins naturels qui s’apparente aux « TAZ » d’Hakim Bey, ces zones libres où l’on se sent moins seul et où la vie semble plus festive. Les flacons ? Une syrah veloutée venue du Bout du monde, des bulles pour arroser le facteur.

Mais Gramm culmine surtout en un menu unique 5 services à 55 euros qui arrache des larmes de bonheur. L’enchaînement nous fût thérapeutique, entre bouillon de crustacés profond comme un baiser et coucou de Malines délicat comme une caresse. Même l’ananas, dont on se méfie rudement, se fit imparable entre les mains du chef ayant eu le génie de faire d’un miso une sorte de crème brûlée ponctuée de fleur de muscade.

Gramm, 86, rue de Flandre, à 1000 Bruxelles. Tél. : 02 324 99 66.www.grammrestaurant.be

3- Le Vieux Château (Flobecq)

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© Michel Verlinden

Tanguy De Turck évolue dans le cadre d’une veille demeure de 1620 entourée d’une végétation abondante. On débarque un midi dans la salle qui répond aux vieilles pierres par une sobre modernité. Tableaux tout en texture, chaises feutrées de gris, tables en bois et goût pour la ferronnerie… le décor met en confiance. Le soufflet, quant à lui, arrive avec un menu à 32 euros d’une incroyable générosité.

La place nous manque pour conter par le détail ce festin. On ne dira donc qu’approximativement les moments les plus intenses : le crabe que réveille un dripping de poivron et des pâtes à l’encre de seiche ; l’agneau cuit au big green egg, un barbecue d’intérieur rappelant le kamado japonais, qui embarque vers l’Orient ; et surtout la promenade dans la fraîcheur des sous-bois suggérée par une composition mêlant fruits rouges, sorbet basilic-citron vert-estragon et chocolat.

Le Vieux Château, 23, rue Docteur Degavre, à 7880 Flobecq. Tél. : 0496 75 36 79. www.levieuxchateau.be

2 – Old Boy (Bruxelles)

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© MICHEL VERLINDEN

C’est d’abord la profession de foi qui séduit. Une enseigne reposant sur « des souvenirs d’enfance inspirés et des repas familiaux dégustés du côté de la Thaïlande et de Taïwan », ce n’est pas rien. Cette trame en or axée sur le partage, les deux patrons l’ont moulée dans un décor de bistro futuriste enrobé dans un treillis de métal blanc. Le soir, le lieu pulse sous des rythmes électro – du coup, pas question de venir ici pour s’offrir un tête-à-tête pépère. Non, on entre au Old Boy comme dans un club, un ring.

Derrière la cuisine ouverte, le chef enrubanné manie l’aigre et le doux, le frit et le mou, le chaud et le froid. Inflexible, il se fait ninja de vos papilles, vous maltraite et vous en redemandez. Wontons de boudin noir (6€), bao de canard à la pékinoise (6€), entrecôte grillée à la sauce satay (14€)… c’est à la fois brutal comme de la street food et délicat comme de la gastronomie de haut vol – l’ombre du chef Yoth Ondara (Crab Club) plane sur la carte. Et le vin ? Il tue à l’image du Vinel-Lo blanco (37€), une perle nature venu de Catalogne.

Old Boy, 110, rue Tenbosch, à 1050 Bruxelles. Tél. : 02 544 15 55 (pas de réservation).www.oldboyrestaurant.be

1 – And the winner is… Les Petits Bouchons (Bruxelles)

Tom Algoet, chef des Petits bouchons à Uccle
Tom Algoet, chef des Petits bouchons à Uccle© Michel Verlinden

Dans un décor idéal pour ce genre de fricot canaille – murs lambrissés de bois, appliques murales Art Nouveau et carrelage d’époque – « Major » Tom et Sylvie, un couple qui a roulé ses casseroles tant à Mouscron qu’au Guilvinec, relève le défi en déballant une cuisine pleine de gouaille. Côté carte, c’est un véritable régal pour l’amateur, d’autant plus que les prix restent raisonnables, au regard de la qualité servie, ce qui est peut-être le plus grand défi actuel de l’Horeca. Hareng super gourmand de la maison David servis avec des pommes à l’huile, os à moëlle rôti au thym, couteaux juste sautés dans l’ail et le vin blanc… Sans oublier, à nos yeux la seule du genre dans la capitale, l’andouillette beaujolaise de fraise de veau. Vous avez dit « rêve bistrotier » ?

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© Michel Verlinden

Certes, car le bonheur ne s’arrête pas en si bon chemin : saint-nectaire affiné par Julien Hazard servi avec ses petits compagnons odorants ou, pour clore cette messe gastro-populaire, un trop bon riz au lait maison. En toute logique, les boissons sont à la hauteur du savoir-faire déployé, qu’il s’agisse du choix exemplaire de bières d’artisans – saison Cazeau au sureau en direct de la pompe, XX Bitter, Brasserie de la Senne… – ou des vins d’auteurs façon Clos Tue-Boeuf, Fleurie de Marcel Joubert ou Chardonnay 16 de Thomas Pico.

832, chaussée d’Alsemberg, à 1180 Bruxelles. Tél. : 02 378 09 90.www.lespetitsbouchons.be

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