Équilibre parfait

Un sentiment de sérénité et de légèreté envahit le visiteur dès qu’il pénètre dans la maison de Martine Vanderhoven. L’ambiance lumineuse décline des teintes pastel, relevées par quelques touches plus vives. Meubles et objets, disposés selon une esthétique recherchée, rythment subtilement l’espace. Les oeuvres de la sculptrice s’invitent, çà et là, et font partie du décor. Le regard est rapidement attiré par un opus délicat et filiforme d’1 mètre de hauteur, juché sur quatre « pattes » très fines. Encore au stade du prototype, l’oeuvre amorce une nouvelle série d’installations, en vue d’un tout prochain rendez-vous avec le public (*). Mais une chose est sûre : cette série sera une suite logique de l’exposition présentée en 2008 chez Pascal Polar, son galeriste bruxellois fétiche. Les sculptures aux formes mouvantes, entrelacs de fils en plâtre, envahissaient alors l’espace à l’horizontal. La future mise en scène, elle, sera plus verticale. Plus allongées, les pièces se déploieront davantage en hauteur, telle une forêt au milieu de laquelle le visiteur pourra déambuler et se perdre. Un nouveau chapitre est donc en voie d’aboutir dans le travail de la sculptrice, nourri par cette inlassable recherche d’équilibre entre, d’un côté, le matériel, le solide, la masse et la géométrie et, de l’autre côté, son contraire, l’immatériel, le sentiment, l’informe, l’impalpable et l’indicible.

Née à Herstal d’un père industriel et d’une mère au foyer, Martine a grandi dans une ambiance dynamique où il n’y avait pas de place pour la routine ni le train-train quotidien. « Mon père, ingénieur de formation, était un inventeur. Il a automatisé l’usine où il travaillait comme directeur technique. Passionné par la mécanique, il était capable de démonter et remonter une voiture. Ma mère, en revanche, était très attirée par la culture. Curieuse de tout, ouverte, elle lisait, chaque jour, plusieurs journaux. » Martine est la parfaite synthèse de ces deux personnalités. Passionnée par l’art, elle ne se considère toutefois pas comme une artiste. « Je me sens bien dans le « faire ». Le statut d’artiste ne m’a jamais épatée, je suis assez affranchie vis-à-vis du milieu artistique, je n’ai pas l’ambition de devenir mondialement connue. J’aime l’art comme j’aime la vie, sans prise de tête. Cela dit, l’art n’est pas un loisir, c’est un besoin viscéral. » Avant d’oeuvrer assidûment dans son propre atelier, Martine se forme à la sculpture à l’Académie des beaux-arts à Liège, pendant sept ans, en cours du soir. Douée et motivée, elle apprend et, parallèlement, elle partage son savoir dans la mesure où, très vite, elle commence à enseigner le dessin et la sculpture. Son statut d’étudiante-enseignante ne l’empêche pas de poursuivre son propre travail et de le présenter lors d’expositions collectives ou personnelles. Au début, son style est plutôt figuratif. Puis, il évolue vers l’abstraction. Les formes s’allègent, deviennent libres et aléatoires, s’ouvrent à la lumière. « Les équilibres précaires correspondent bien à ma personnalité. Quand on est souple, on résiste mieux aux aléas de la vie. Ma sculpture n’est pas faite de grands mouvements ni de grandes démonstrations artistiques. J’aime l’art de proximité. »

Espace et aussi intimité Une ancienne bergerie transformée en un atelier de mécanicien, flanquée d’une petite habitation… Voilà ce qui a motivé la location, puis l’acquisition de l’ensemble ! Si l’atelier était un atout, il a fallu, bien entendu, repenser l’habitation. Entièrement tournée vers la rue, elle offrait une façade aveugle sur une prairie indépendante, sans accès direct. Dans l’impossibilité de l’agrandir au sol, l’architecte Maurice Genin a imaginé, avec le concours de Martine et de son mari, une extension moderne surplombant carrément la vieille maison. L’entrée se fait par la partie ancienne, et il faut emprunter tout de suite un escalier pour accéder à l’espace de vie qui se distribue sur trois niveaux et est relié directement au jardin. Le couple souhaitait une grande hauteur pour avoir du « souffle », mais aussi des coins plus intimes ainsi qu’une belle lumière côté jardin, sans recourir pour autant à une façade entièrement vitrée. L’architecte Maurice Genin, doté d’une bonne capacité d’écoute, s’est montré d’une redoutable efficacité. Le résultat correspond pile-poil aux désirs des maîtres d’ouvrage.

Dans l’aménagement général, les vides prédominent et mettent d’autant mieux en valeur les pièces de mobilier rares, telles que cette méridienne tendue d’un drap violet, ce fauteuil un peu baroque qui mixe le bois sculpté et le tissu rouge, un lustre et un poêle finement ouvragés au début des années 1900 et, dans la salle à manger très contemporaine, une table en Inox structuré de Fabiaan Van Severen et les chaises Louis Ghost de Philippe Starck, en plastique transparent délicatement coloré. Un collage de Martine et une oeuvre abstraite de sa soeur Marie Clair, peintre à Bruxelles, dialoguent aux murs dans un face-à-face de couleurs douces et pastel.

Deux endroits plus confidentiels invitent à l’intimité et à la détente : la salle de lecture située sur la mezzanine et, juste en dessous, le coin télé et musique. Bien pensée, la cuisine est située face au jardin. Tapissée de placards blancs, ni trop grande, ni trop petite, elle est parfaitement fonctionnelle et ergonomique. Le petit déjeuner est pris dans une adorable « niche » autour d’une ancienne table d’école et face à la nature. Dans la chambre, une oeuvre de Léopold Plomteux (1920 – 2008), artiste abstrait liégeois et une gravure très rythmée de l’Argentin Antonio Seguí, pimentent de touches de couleur le décor immaculé.

L’ancienne prairie, elle, s’est transformée en un superbe jardin, sobre et sculptural, en vert et blanc. Des massifs d’ifs, de thuyas, de noisetiers et de rhododendrons blancs forment un cadre touffu et rassurant. Une rangée de bouleaux blancs ponctue le gazon sur toute la longueur et un beau catalpa, placé au centre, sert en été de parasol. Comme à l’intérieur, la mise en scène a été réalisée avec peu de moyens en privilégiant un seul luxe : l’espace.

Par Barbara Witkowska / Photos : Renaud Callebaut

(* ) Martine Vanderhoven expose ses oeuvres à la galerie Pascal Polar, 108, chaussée de Charleroi, à 1060 Bruxelles. Du 6 février au 3 avril prochains, du mardi au samedi de 14 à 19 heures.. Tél. : 02 537 81 46.

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