La chronique de Grégoire Polet: Place du peuple

Toutes les deux semaines, l’écrivain Grégoire Polet nous dévoile ses coups de coeur et coups de griffe.

Ils ont profité d’une semaine électorale pour suivre l’exemple du printemps arabe, à la mesure d’un pays européen : via les réseaux sociaux, ils se sont massivement rassemblés, sans préparation, sur la Puerta del Sol à Madrid, sur la Plaza de Catalunya à Barcelone. Puis, personne ne voulant partir, ils sont restés et un campement s’est spontanément mis en place. Je m’attendais à la typique manifestation de ras-le-bol antisystème. Et puis, surprise. Des milliers de personnes réunies, sans chef, sans responsables, vivant ensemble plusieurs jours comme à l’époque de la multiplication des pains, fonctionnant sur les valeurs modernes des jeunes, gratuité, égalité, partage (ces valeurs qui font la vraie énergie humaine d’Internet). Bricolage, recyclage, tout le campement est un chef-d’oeuvre d’arte povera, chacun mange à sa faim, il y a des commissions cuisine, santé, infrastructure, pas d’inscription ou d’enrôlement, aucune règle n’est écrite et toutes sont respectées. Un forum politique permanent est remonté à la Pangée mythique d’avant la tectonique des partis. C’est une miniutopie de l’autogestion, une expérience in vivo de la société mutuelle et de l’économie solidaire. C’est plein d’énergie, et c’est calme. Assez impressionnant. Ces contestataires ne réclament pas qu’on leur apporte le changement; ils sont le changement, ils se contentent au fond de se montrer et de demander pacifiquement aux politiques d’ouvrir les yeux et de prendre la mesure des nouvelles visions du monde. D’ailleurs, leur slogan n’était pas : « Indignez-vous. » C’était, répété et répété : « Ils ne nous représentent pas ! »
J’ai écrit ceci le 19 mai dernier. On verra comment ça évolue, si ça évolue. Mais ce moment fut incontestablement beau.

Grégoire Polet

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