Road trip et safari en Namibie, en communion avec la nature sauvage

© Philippe Berkenbaum
Philippe Berkenbaum
Philippe Berkenbaum Journaliste

Elle condense tout ce qu’offre l’Afrique australe en termes de paysages, de faune, de flore, d’expériences et de populations. La sécurité en prime et un réseau de pistes bien entretenu pour y circuler librement toute l’année. Nous l’avons vérifié en famille, sous tente, en communion avec la nature sauvage. Sensations garanties.

La veille, le briefing avait duré une heure mais se résumait finalement à une seule injonction: « S’il se passe quoi que ce soit, vous restez derrière nous et vous ne bougez pas! » Le « nous » désignant les trois rangers chargés à la fois de nous accompagner, de nous protéger et de débusquer l’animal pour nous permettre de l’approcher d’assez près. Le soleil hésite encore à se lever sur le Damaraland, une région désertique et pastorale d’une beauté sauvage au coeur de la Namibie, quand nous partons « traquer le rhinocéros noir ». D’abord en 4×4 puis à pied, sans fusil pour nous défendre mais bien armés de nos appareils photo et d’une bonne dose d’adrénaline.

Montagnes rougeâtres, vallées profondes, roches chaotiques, bush aride et rivières éphémères dont on suit le lit accidenté… Nous sommes encore dans le véhicule, subjugués par la force du paysage quand nos guides débusquent une femelle qui gambade tranquillement à quelques centaines de mètres. On s’apprête à quitter le véhicule pour s’approcher précautionneusement lorsqu’elle s’arrête brusquement, lève le museau comme pour flairer notre présence… et entame un sprint dans notre direction! Le choc est violent, les cornes défoncent toute l’aile du Defender sous nos yeux ébahis, mais nous n’avons pas eu le temps d’avoir peur et la Jeep en a vu d’autres. Elle en sera quitte pour une sérieuse réparation. « Heureusement que ce n’était pas la nôtre », souffle une des filles, hilare. Les guides rient jaune, eux. Si nous avions été à pied, ils auraient gesticulé pour détourner la bête, nous assurent-ils…

Prologue: inventaire et provisions

Posée sur l’Afrique du Sud et bordée par l’océan Atlantique, la Namibie offre les paysages les plus contrastés du continent africain. Et le plus souvent vides de population sédentaire, puisque cette ancienne colonie allemande, qui en a cruellement subi le joug au XXe siècle, en est aussi la nation la moins habitée. Les déserts (Namib, Kalahari, Skeleton Coast…) couvrent plus de la moitié du territoire. Le reste se partage entre zones montagneuses, réserves animalières et régions peuplées par différentes ethnies semi-nomades qui perpétuent leurs traditions ancestrales. Comme les Himbas, les Damaras ou les San, ces « hommes du bush » (Bushmen) qui s’expriment en claquant la langue.

On circule facilement à travers tout le pays sur un réseau de pistes bien entretenues. Nous avons donc choisi l’option road trip en self drive et sous la tente, histoire de profiter du plus étroit contact possible avec la nature. Un type de voyage idéal pour les familles, qui garantit aux enfants – deux adolescentes dans notre cas – et à leurs parents un parfum d’aventure plus exaltant que le confort feutré des lodges. Mais qui n’empêche pas de s’y offrir une nuit de temps en temps, voire un dîner plus raffiné que l’ordinaire des campeurs. D’autant que les emplacements dédiés aux tentes tout au long du périple, toujours bien équipés de sanitaires et d’espaces prévus pour le feu et la cuisine, sont souvent situés à proximité des hébergements plus luxueux et permettent de bénéficier de leurs infrastructures. Y compris leurs piscines, pendant les grosses chaleurs…

Prise en main du solide (bien assez pour résister à la charge d’un pachyderme énervé…) pick-up Land Cruiser double cabine dans la capitale Windhoek, revue de détail de l’équipement de camping complet fourni avec le véhicule, approvisionnement en nourriture et boissons au centre commercial… Et nous voilà partis pour trois semaines d’aventures à la découverte des principales attractions de cette destination unique par la diversité de ses paysages, la richesse de sa faune endémique et les traditions de ses peuples hospitaliers. Tout ce que peut offrir l’Afrique australe de plus original, condensé dans un seul pays.

Une journée mémorable en compagnie des Himbas, tribu semi-nomade du nord du pays.
Une journée mémorable en compagnie des Himbas, tribu semi-nomade du nord du pays.© Philippe Berkenbaum

Première étape: le trou noir du monde

Cap au sud en direction du Namib Rand, la plus grande réserve privée de cette moitié du continent. Elle couvre quatre écosystèmes différents entre dunes, montagnes, savane et affleurements rocheux dignes du film Le Roi Lion. Particularité: elle a été constituée par quelques dizaines de grands propriétaires fermiers qui ont uni leurs terres dans un but de conservation et de repeuplement animal de la région, sur une superficie de 172 000 hectares. Riche en mammifères, reptiles et oiseaux, elle n’abrite pas (encore?) de fauves, ce qui autorise le camping non clôturé et les grandes randonnées pédestres ou chevalines. On ne s’en prive pas, avec nos ados cavalières, après l’installation rapide de notre campement sur un promontoire à la vue dégagée sur un paysage de rêve.

Au menu de notre première halte: hyènes et chacals, oryx – l’antilope emblème du pays – et gazelles, zèbres et girafes, autruches et rapaces… Les plus chanceux croiseront l’espèce endémique et rare d’éléphants du désert, longtemps menacée. Mais le choc vient du ciel. Pas seulement lorsqu’il se pare au coucher du soleil de la plus large palette de couleurs vives qu’on puisse imaginer, apéro local à la main tandis qu’on prépare le braai (le barbecue des Afrikaners) sur le feu de camp. On se trouve, paraît-il, dans la partie du monde la moins polluée par les lumières humaines. L’expression « dormir à la belle étoile » prend tout son sens dès la nuit tombée: on se sent presque enveloppé dans le délicat ouaté de la voie lactée, tant on peut l’observer distinctement. Même à travers la toile des tentes, au son des innombrables bruits de la jungle en éveil.

Un rare point d'eau est un lieu idéal pour observer les animaux à la tombée de la nuit.
Un rare point d’eau est un lieu idéal pour observer les animaux à la tombée de la nuit.© Philippe Berkenbaum

Deuxième étape: un océan de sable

Des dunes à l’infini forment le désert du Namib sur près de 1 500 km le long de l’Atlantique, offrant le spectacle saisissant d’un océan ocre plongeant dans le bleu à perte de vue. En y pénétrant par la terre, on découvre la vallée mythique de Sossusvlei, dont le sable chargé d’oxyde de fer lui donne une teinte qui hésite entre le rose orangé et le rouge profond. On plante nos tentes à l’entrée du site pour passer les premiers la porte d’entrée du parc national à l’ouverture et parcourir de nuit les 65 km qui nous séparent des dunes les plus hautes. Comme Big Daddy, dont gravir les 300 m de sable pour jouir du matin naissant face aux 360° d’un paysage grandiose. Avant de se laisser glisser ou rouler tous ensemble en riant dans la pente pour atterrir dans Dead Vlei, la Vallée de la Mort en afrikaans. Cette ancienne oasis asséchée est parsemée d’acacias brûlés par le soleil et un air si sec qu’ils ne se sont jamais décomposés en mille ans d’existence. Une casserole d’argile craquelé entourée de dunes, un chaudron où tout photographe amateur passerait des journées entières s’il ne craignait de cuire à petit feu.

C’est à Sossusvlei que le Belge Denis Hesemans est depuis vingt ans le seul opérateur autorisé de montgolfières et organise le survol du désert en ballon. Décollage à l’aube en nacelle de douze personnes, deux bonnes heures de vol à des hauteurs variant d’une dizaine à plusieurs centaines de mètres pour une expérience époustouflante. On s’émerveille autant des sensations que du paysage, ses formes, ses couleurs et l’abondance d’une faune qui hésite sur l’attitude à adopter quand elle nous voit approcher par le ciel. Champagne et copieux petit-déjeuner nous accueillent à l’atterrissage, c’est la tradition.

Aux bons soins du Belge Denis Hesemans pour un survol du désert en ballon.
Aux bons soins du Belge Denis Hesemans pour un survol du désert en ballon.© Philippe Berkenbaum

Troisième étape: des vagues de dunes

L’incursion dans le désert est aussi impressionnante en 4×4 à partir de la côte, en mode Dakar. On passe entre les mains expertes de Richard, pilote local qui nous entraîne dans un rodéo des sables style montagnes russes, qui exige des coeurs bien accrochés et fait la joie de tous les occupants secoués du véhicule. Chaque arrêt sur une crête de dune offre un autre point de vue terre-mer magique et permet de reprendre son souffle, avant de choisir celle où l’on déploiera le pique-nique.

On séjourne cette fois à Walvis Bay, ville portuaire incontournable pour ses activités nautiques, ses salines multicolores, ses colonies de flamants roses et ses troupeaux de lions de mer. Ces otaries imposantes squattent par milliers d’immenses bancs de sable que l’on rejoint en bateau avant d’embarquer dans des kayaks de mer pour jouer à cache-cache entre les vagues. Gare à celui qui chavire: c’est arrivé aux filles au beau milieu des mammifères joueurs. Elles sourient encore de leur stupeur du moment.

Avec un peu de chance, on croise un rorqual ou des dauphins avant de rejoindre la terre. Notre voyage se poursuit sur la légendaire Skeleton Coast et ses épaves de navires échoués, surpris par des écueils de l’océan en furie. D’autres cohortes d’otaries occupent les plages désertes qui se succèdent. Les arrêts sont nombreux, la route est longue et les paysages impressionnants de tourments et de couleurs vers le pays montagneux des Himbas. Posé aux frontières de l’Angola, le long de la rivière Kunene et des spectaculaires chutes d’Epupa, le Kaokoland est notre nouvelle destination.

La
La « Côte des Squelettes », connue pour ses épaves de navire échoués.© Philippe Berkenbaum

Quatrième étape: des animaux et des hommes

Owen Kataparo Muhenje est à la fois himba, militant écologiste et défenseur des droits de son peuple sur sa terre ancestrale, à cheval sur les deux pays et convoitée par les compagnies minières. Après une longue traque aux crocodiles le long de la rivière (baignade vivement déconseillée!), c’est lui qui conduit notre petite famille à la rencontre des siens. Dans ces villages de huttes en torchis où les hommes emmènent paître les troupeaux de chèvres et de vaches tandis que les femmes s’occupent de leurs petits, cuisinent et fabriquent les bijoux dont elles aiment parer leurs corps nus.

Notre visite est un petit événement: les villageoises se pressent autour de nous tandis que leurs enfants s’amusent des images de leur pays qu’ils font défiler habilement sur nos smartphones et des carnets à dessin qu’on leur distribue. De jeunes adolescentes aux parures abondantes, à la peau et aux coiffures savantes enduites de terre rougeâtre mêlée de graisse entraînent nos filles dans leur case, pour les orner des précieux colliers qu’elles ont confectionnés. Et qu’elles refusent de nous vendre, seul compte le contact qu’elles nouent à travers leur savoir-faire. Nous passons la journée à tenter de dialoguer par l’intermédiaire de notre guide, mais les sourires en disent bien plus que les mots. Encore un moment fort.

Notre voyage s’achève au bout de trois trop courtes semaines dans les réserves animalières. Le safari reste bien sûr l’une des motivations principales des visiteurs de la Namibie, qui a tant d’autres merveilles à offrir – on ne vous en a décrit qu’un petit aperçu. On traque les « big five » (lions, léopards, éléphants, buffles et rhinocéros) pendant trois jours dans le parc national d’Etosha, où l’on peut circuler librement sans avoir besoin de guide. Pour les guépards, il nous faudra attendre une incursion dans la réserve privée proche de la capitale Windhoek où la fondation Brad Pitt & Angelina Jolie a investi dans un centre de réhabilitation d’espèces menacées et une école pour les enfants de la région. Patience récompensée: nous avons pu nous promener en pleine savane au côté d’une femelle peu farouche, le temps d’une rencontre qu’aucun de nous n’oubliera de sitôt.

Balade avec une femelle guépard.
Balade avec une femelle guépard.© Philippe Berkenbaum

En pratique

Organiser

Un voyage en Namibie ne s’improvise pas, exigeant une expérience sérieuse et une très bonne connaissance du terrain. Ne fût-ce que pour réserver (longtemps à l’avance) les meilleurs emplacements de camping qui sont très demandés. L’agence belge Inspiration Africa connaît particulièrement bien l’Afrique australe en général et la Namibie en particulier. C’est le spécialiste des voyages sur mesure dans la région. inspirationafrica.travel Tél.: 0499 33 46 83.

Y aller

Ethiopian Airlines, la meilleure compagnie africaine dont les standards de qualité et de sécurité n’ont rien à envier à ses concurrentes européennes, dessert Windhoek cinq fois par semaine via Addis-Abeba depuis Bruxelles. Aller-retour dès 542 euros. ethiopianairlines.com/aa

Climat

Le climat de Namibie est généralement très sec et plaisant – il est bon de visiter le pays toute l’année. L’été austral (décembre à mars) est plus humide, l’hiver (juin à septembre) est sec et relativement frais (il peut geler la nuit dans certaines régions) mais le soleil et les ciels bleus sont garantis.

A ne pas manquer

Le survol du désert du Namib en petit avion de tourisme ou en montgolfière. Le couple belge Eric et Nancy Hesemans le propose depuis vingt ans à Sossusvlei avec sa compagnie Namib Sky Balloons Safaris. namibsky.com

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