Le quotidien de la vie à deux n’est pas toujours fleur bleue. Parsemé de petites embûches, comme de vérités parfois bien difficiles à révéler. Comment dire ces choses pas faciles sans vexer, blesser ou perdre son alter ego ? Des experts du coeur nous aiguillent.

C’est formidable : vous vous aimez. Mais voilà qu’un beau jour, vous ne supportez plus ce  » détail « , chez l’autre ou chez vous : comment confesser cette évidence qui va inévitablement blesser votre moitié ? Dans ce domaine, il y a les partisans de la transparence absolue et ceux du petit jardin secret entretenu. Mais commençons par le début : toutes les vérités sont-elles bonnes à sortir de l’ombre ?  » Non, répond Catherine Mainguet, psychothérapeute familiale. Lorsqu’on est jeune, on est dans cet idéal de tout confier à l’autre, de ne rien lui cacher. Mais avec la maturité, on apprend que tout n’est pas bon à dire.  » Sophie Mercier, conseillère conjugale et familiale, partage cet avis :  » Il y a pas mal de choses que l’on doit garder pour soi, que l’autre n’est pas en mesure de comprendre ou qu’il est préférable de cultiver en solo. Etre un couple, ce n’est pas se fondre en un seul individu. Les personnes qui rêvent de cela recherchent sans doute l’état de grâce du lien nourrisson-mère, que nous avons tous perdu.  »

Cette fusion crée aussi des obligations qui peuvent finir, à terme, par étouffer l’autre et l’amener à… mentir, cacher, tromper. Yvon Dallaire, psychologue québécois et auteur d’une trilogie sur le bonheur conjugal, estime toutefois qu’il vaut mieux avouer ce qui pourrait hypothétiquement compromettre l’intimité du tandem :  » Chaque personne doit avoir ses activités, ses amis, ses passions et ses secrets. Mais ceux-ci ne doivent pas nuire à la relation d’intimité avec son partenaire.  » Selon le professionnel, les couples heureux évitent les points sensibles et s’arrangent pour vivre avec leurs désaccords.

Oui mais comment fait-on quand on n’en peut plus de ce petit secret qui nous pourrit le quotidien ? On réfléchit à deux fois.  » Si ma blonde a quelques vergetures en plus, est-ce que je lui en parle ? Vaut mieux pas… Surtout si je sais qu’elle est sensible à son esthétisme « , image Yvon Dallaire. Et si l’on opte pour le secret, on s’assure d’abord qu’il soit bien gardé. Pour toujours. Parce que l’apprendre par quelqu’un d’autre ou des années plus tard fait doublement mal. Prêt à passer aux aveux ? Il faut attendre le bon moment.  » Il y a un temps pour le mensonge par omission, voire le mensonge, puis viendra la vérité, si nécessaire, explique Catherine Mainguet. Attendez que votre moitié soit dans une bonne disposition d’esprit, qu’elle ne soit pas en difficulté. Parce que cette révélation, elle va devoir l’encaisser…  » Derniers conseils : prendre des pincettes, positiver son message, utiliser le  » je  » et non le  » tu  » et, si possible, ajouter un peu d’humour et toujours beaucoup d’amour. Mode d’emploi en quelques cas concrets.

 » JE N’AIME PAS TA FAMILLE  »

Avant de vous jeter dans la gueule du loup, Catherine Mainguet vous conseille d’abord d’essayer de relever les chouettes côtés de votre belle-famille.  » Après tout, c’est elle qui a produit cet homme ou cette femme que vous aimez. Ensuite, ayez de la tendresse pour les traits de caractère qui vous insupportent, comme vous en avez pour vos propres parents.  » Mais il va de soi que vous n’êtes pas obligé de vous taper la smala toutes les semaines. Sophie Mercier propose de réduire votre présence aux fêtes principales et de laisser votre compagnon y aller sans vous le reste du temps. Quant à Yvon Dallaire, il confirme que ce sujet de discorde est un classique :  » La belle-famille est la troisième source principale de dispute dans un couple – après l’argent et l’éducation des enfants. La meilleure façon d’aborder le problème est de déclarer :  » Je comprends que tu aies envie d’y aller, mais je ne tiens pas à être présent à chaque fois… parce que je me sens mal à l’aise.  »  » Le conflit le plus récurrent ? Comme dans les vaudevilles, la belle-mère qui explique à sa bru comment s’occuper de ses enfants.  » Il n’y a pas de solution miracle, mais il existe une stratégie efficace, explique le Québécois. Monsieur prendra systématiquement la défense de sa femme devant sa maman, et ce, même s’il pense qu’elle a tort ! Pourquoi ? Parce que sa mère sera toujours sa mère, même si elle est fâchée contre lui, alors que son épouse…  » Enfin, il faudra garder à l’esprit que  » vous n’êtes pas contraint d’avoir des affinités, souligne Catherine Mainguet. Les familles recomposées où cela marche le mieux, c’est quand on dit aux enfants : « Vous n’êtes pas obligés de vous entendre, vous devez vous respecter, mais vous ne devez pas vous aimez. » C’est pareil pour la belle-famille.  »

 » JE NE VEUX PAS D’ENFANT (OU J’EN VEUX UN AUTRE)  »

Attention, projet de vie. Le sujet est ultradélicat. Selon Catherine Mainguet, il peut être un motif de séparation et doit s’aborder sans tarder.  » Dès la période de fréquentation, précise Yvon Dallaire. Même si généralement, on est dans le rêve de la lune de miel et on dit à l’autre ce qu’il veut entendre, il faut être clair sur ses envies. On prétend que l’amour est aveugle, mais c’est la passion qui l’est… Le mariage fait recouvrer la vue assez rapidement. Parfois brutalement.  » Sophie Mercier confirme :  » Il est important de ne pas mentir. Le conflit ne représente pas vraiment un danger, par contre, faire un enfant sans la permission de l’autre ou prendre la pilule sans le prévenir serait plus dérangeant pour l’histoire du couple. Si ce sujet est délicat, on peut recourir aux aides extérieures, dans un planning familial ou chez une conseillère conjugale, par exemple.  » Un professionnel permettra en effet de faire entendre certaines choses…  » De comprendre la volonté qui s’inscrit souvent dans un passé, une histoire familiale « , conclut Catherine Mainguet.

 » JE NE TE DÉSIRE PLUS PARCE QUE TU AS GROSSI, MINCI, EST DEVENU(E) CHAUVE, POILUE  »

Si votre partenaire se laisse aller et que vous perdez en désir, c’est important de le souligner, mais délicatement.  » Pourquoi pas en faisant référence à des photos d’avant et en les trouvant belles ? « , invite Sophie Mercier.  » Nous avons tous tendance à prendre du poids, il est primordial de rappeler à l’autre l’intérêt de rester en forme en affirmant : « Je t’aimais mieux quand tu étais comme ça », suggère Catherine Mainguet. N’attaquez pas d’emblée en déclarant que vous trouvez ses sandalettes au comble de l’anti-sexy. Quand on est bien avec l’autre, on peut aussi faire ça sous forme de jeu « Qu’aimes-tu chez moi ou pas ? » – C’est le moment de reconnaître que le pyjama « vache » vous coupe la libido…  »

Pour tout ce qui a trait au physique, essayez de communiquer positivement. Préférez le  » j’aime quand tu es rasé de près  » plutôt que  » cette barbe de trois jours, c’est laid  » ; le  » J’adore cette odeur de savon  » à la place de  » tu sens la transpiration « .  » Le renforcement positif reste l’outil le plus performant en matière d’éducation ou de relation « , explique Sophie Mercier. Toutefois, rappelez-vous que vous ne changerez pas l’autre.  » C’est votre regard qui doit changer ! Si vous l’avez choisi trop mince, trop gros, trop velu… C’était le deal de départ.  »

 » TU AS UNE HALEINE DE PONEY, TU PUES DES PIEDS, TON HYGIÈNE EST DOUTEUSE  »

 » L’odeur, c’est la chose la plus intime, donc la plus difficile à concéder, explique Catherine Mainguet. Si votre conjoint pue des pieds, c’est moins compliqué parce que c’est terriblement commun : cela arrive à tout le monde. Mais l’haleine ou la transpiration, c’est plus complexe, parce que c’est quelque chose qu’on ne peut pas contrôler. Il faut ménager les gens…  » Pour Sophie Mercier, si cela pollue votre relation, il est mieux de l’avouer mais avec énormément de délicatesse. La discussion pourrait commencer par  » Il faut que je te parle de quelque chose de délicat. Je ne désire pas te blesser, mais je voudrais qu’on trouve une solution pour…  » Remettez également la faute sur votre nez :  » Je suis très sensible, je suis un peu incommodé, probablement que quelqu’un d’autre ne le serait pas…  »  » On ne sent pas tous la même chose et notre odorat n’est pas formaté de la même manière, confirme Catherine Mainguet. Comme dans un cours d’oenologie où les personnes découvrent qu’elles n’ont pas la même sensibilité au goût de l’amer ou du sucré…  » Lors de ses consultations, Yvon Dallaire a été régulièrement confronté à des patientes lui demandant de suggérer à leur partenaire de prendre soin de leur hygiène.  » Dans ce cas-là, je leur dis : « Savez-vous que les femmes ont un odorat jusqu’à dix fois plus développé que le nôtre ? Lors d’une expérience où l’on avait enveloppé dix bébés dans une couverture, toutes les mamans ont su reconnaître le leur. Pas les hommes. »  »

 » TU ES UN(E) MAUVAIS(E) AMANT(E)  »

Mieux vaut discuter de ce point assez rapidement. Pour Yvon Dallaire, on peut opter pour une méthode radicale.  » On achète une paire de menottes et on lui fait l’amour comme on aimerait qu’il nous fasse l’amour, rigole le conférencier. Ou alors, on propose une alternance du pouvoir : « les jours impairs, c’est moi, les jours pairs, c’est toi qui me fais l’amour. » De cette façon, les deux acceptent de se mettre à l’écoute de l’autre.  » Et plutôt que de déclarer  » Je n’aime pas ça « , soulignez les gestes qui vous font du bien. Pourquoi ne pas se plonger dans un livre ou dans une activité qui permet d’évoluer ?  » Faire l’amour, cela s’apprend, raconte Sophie Mercier. Si cela semble désespéré, essayez la sexothérapie ou le conseil conjugal qui accompagnent les troubles du désir et de la libido…  » Un point de vue confirmé par Catherine Mainguet :  » Excepté lors d’un coup de foudre, où les phéromones fonctionnent à plein tube, il est nécessaire d’apprendre à connaître les endroits qu’il ou elle aime. Parler de ce qui plaît ferait perdre en charme et en romantisme ? Alors proposez un jeu… « Et quand je te touche là, ça te fait quoi ? »  » Les blocages sexuels peuvent également venir de l’éducation inculquée par les parents. Pour vous en débarrasser, rien de tel que l’aide d’un professionnel.

 » JE T’AI TROMPÉ  »

Une vérité difficile pour le couple. L’idéal serait d’analyser la tromperie : est-ce un accident de parcours ou une véritable relation parallèle ?  » Une infidélité n’est jamais banale : vibrer sexuellement peut amener à vibrer au niveau du coeur, explique Yvon Dallaire. Si l’on est fidèle à soi-même, fidèle à son engagement, que le couple s’épanouit mutuellement au lit, logiquement l’on reste fidèle. J’aime beaucoup le conseil d’une de mes copines à son fils de 24 ans, troublé d’avoir trompé son amie lors d’un séjour Erasmus et qui ne savait pas s’il devait être sincère ou non. Sa mère, lui a rétorqué : « A 20 ans, je t’aurais affirmé que, bien sûr, tu dois le dire, t’as fait une connerie, une entaille au contrat implicite, tu l’assumes. A 50 ans, je pense que cela ne sert à rien de lui faire du mal pour rien. Cela va être dur et compliqué pour toi, mais ce serait trop facile de le lui avouer. Si tu es sûr de ton choix, que c’est elle, alors ne la fais pas souffrir. Par contre si tu es ambivalent, il ne faut pas le cacher… »  »

Toutefois, quand on sent que le secret n’a pas été bien gardé, que l’autre commence à avoir des soupçons et pose des questions, mieux vaut jouer cartes sur table. Car si vous niez et que la vérité éclate, le fait d’avoir été doublement trompé fera plus mal.  » Lorsqu’un infidèle avoue un coup de canif, le taux de divorce consécutif serait de 43 %. Souvent parce qu’il y a un déséquilibre dans le couple et que le cocu utilise la tromperie comme prétexte pour rompre. A contrario, si le conjoint a posé la question et qu’on lui a menti, puis qu’il découvre l’infidélité, le taux de séparation passe à 86 % ! « , évalue Yvon Dallaire. Rassurez-vous donc : cet aveu ne signe pas nécessairement la fin du monde.  » Mais il faudra du temps pour guérir de cette blessure qui peut être vécue très différemment d’une personne à l’autre, explique Sophie Mercier. Le mieux, c’est de consulter, afin de mettre au clair la raison de l’infidélité, la culpabilité de celui qui a fauté et enfin la blessure narcissique et la rupture de la confiance que ce genre de découverte provoque très fréquemment chez le partenaire. Pour moi, les deux personnes du couple sont en souffrance dans cette situation.  »

PAR VALENTINE VAN GESTEL / ILLUSTRATIONS : CAROLE WILMET

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