Présentée au Salon de Milan, la première cuisine signée Giorgio Armani complète l’univers maison du créateur italien. Mais son empire du goût compte aussi des restaurants, des boutiques de fleurs et de chocolats. Sans oublier l’hôtel qui ouvrira à Dubaï dans la plus haute tour du monde.

Il avait fait courir le bruit qu’il viendrait. Prendre le petit déjeuner dans ses meubles à lui. Et il l’a fait. Détournant ainsi des allées de la  » Fiera « , le tout nouveau centre de congrès où se tenait pour la première fois, en avril dernier, l’incontournable Salon du meuble de Milan, la crème des journalistes de la planète design. En arrivant devant l’entrée de l’Armani Teatro, la vue des hommes en noir accrochés à leurs oreillettes, la fébrilité des jolies hôtesses épluchant la liste des invités, laisse très vite penser que  » monsieur Armani  » comme tout le monde l’appelle ici, tiendra bien sa promesse.  » Il a un peu de retard, le trafic à Milan est devenu ingérable « , s’excuse son attachée de presse parisienne en nous invitant à prendre un café serré et un croissant parfumé à la fleur d’oranger. Devant le bar est posée la maquette de ce qui sera un jour  » la plus haute tour du monde « . Et le premier hôtel estampillé Armani, du penthouse au lobby.

Annoncé par le crépitement des flashes, le maître des lieux, vêtu de noir des pieds à la tête, comme il se doit, arrive enfin. Bien décidé à mettre en avant la vraie star du jour : le premier concept de cuisine intégrée signée Armani. Baptisée  » The Bridge  » ( NDLR : le pont), la pièce manquante dans le puzzle élégant d’Armani / Casa partage les mêmes caractéristiques que le reste de la collection : attention particulière portée aux finitions, sélection de matériaux précieux et inattendus, harmonie des couleurs…  » Chaque pièce que je conçois doit être belle pour elle-même, souligne le créateur italien. Mais c’est encore mieux quand on les combine. Elles créent un véritable univers.  » Doté de cette  » Armani Touch  » qu’il nous décrira plus tard  » comme un mélange subtil de légèreté et d’énergie où le mieux est l’ennemi du bien. C’est ma philosophie de vie et elle s’applique à tous les secteurs d’activité. Si vous voulez créer quelque chose de beau, ne faites que ce qui est nécessaire. Et pas plus. C’est préférable d’éviter tout ce qui est inutilement élaboré : une ligne subtile est plus élégante et plus raffinée « .

En pratique, cela se traduit ici par un îlot central  » à deux visages  » : l’un, plus glamour, qui ouvre sur la zone repas et l’autre plus fonctionnel qui interagit avec les blocs (rangement, chaud, froid) pratiques. Au-dessus de ce plan de travail en pierre, un pont en bois de sukupira (une essence rare du Brésil) qui fait directement écho au style de nombreux articles du reste de la collection Casa, intègre un volet coulissant cannelé couleur brun havane, qui, ouvert ou fermé, permet de réunir ou de séparer les deux espaces.

Côté techno, les grands noms du secteur – Siemens et Sub-Zero en tête – sont de la partie, mais de la façon la plus discrète possible. Un peu comme s’ils avaient enfilé un tailleur aux lignes simples et épurées. Seul le frigo à vin – porte vitrée, of course, c’est la grande tendance – fait un peu de son nez pour mieux mettre ses pensionnaires en valeur.  » Je n’aime pas les cuisines hyper-technologiques et aseptisées qui ressemblent à des infirmeries « , justifie Giorgio Armani. Quand on lui demande s’il l’a testée lui-même, il avoue :  » Non. De toute façon, les mécanismes de ces équipements sont les mêmes où qu’on les installe. La recherche ici porte avant tout sur l’esthétique.  »

Avec toujours, jusque dans l’assiette, la même quête de simplicité.  » Je préfère des plats frais à base d’ingrédients naturels plutôt qu’une cuisine compliquée, nous confie-t-il. A l’image des Tortelli alla Piacentina, aux beurre, parmesan, épinards et ricotta, que préparait ma mère.  » Des recettes sans chichis qu’il aime proposer à ses amis et qu’il avoue franchement ne pas préparer lui-même :  » Je préfère que d’autres cuisinent pour moi. Un long « Aperitivo », accompagné de petites choses à grignoter, ajoute encore Giorgio Armani. Après une longue journée, j’aime dîner en agréable compagnie. Cela me détend.  » Une soirée qui commence très souvent, lorsqu’il est à Milan, par une pause au bar du Nobu, l’un des restaurants installés dans son flagship store de la via Manzoni.

 » Je suis particulièrement fier de cet endroit, assurait le parrain de la mode italienne à un reporter de CNN en juin dernier. Il en existe très peu de semblable au monde. A Milan, c’est un lieu de rendez-vous ! Les gens viennent ici le samedi, ils regardent, ils se promènent, parfois même ils achètent quelque chose ! J’adore venir ici, m’installer au balcon… et regarder, tout simplement. Cela me fascine.  » Dans cet  » emporium « , tout, absolument tout, est  » brandé  » Armani : des jeans aux livres en passant par les fleurs ou les chocolats.  » On peut y passer la journée, sourit Danila Toneli, chargée de la communication du groupe pour la Belgique. Lorsque je séjourne à Milan, j’ai des amis qui me passent des commandes spéciales. De pâte à tartiner au chocolat, particulièrement !  »

Par petites touches, l’ensemble de ces concepts définit Armani davantage comme un style de vie qu’une griffe de mode…  » Tout cela s’intègre dans une stratégie, explique-t-il. C’est intéressant de voir comment une philosophie, une approche particulière de la création peut devenir un fil rouge qui parcourt des secteurs d’activités aussi différents que la mode, le design, les accessoires, les parfums pour finalement donner vie à une esthétique, à un style de vie plus complexe. Une  » attitude  » Armani qui s’affiche aux quatre coins du globe. Du lipstick signé à la maison entièrement pensée par une équipe de designers qui conçoivent alors toute l’ambiance intérieure d’une résidence… ou d’hôtels de grand luxe comme ceux que la société EMAAR Properties a décidé de construire dans les mégapoles hype comme Milan, Londres et New York, bien sûr, mais surtout Dubaï où les fondations du premier  » Armani Hotel  » sont déjà sorties de terre.  » Nous ouvrirons fin 2008, détaille avec enthousiasme Mohamed Ali Alabbar, le PDG d’EMAAR. Nous pourrions le faire plus tôt, mais nous ne voulons pas accueillir des clients alors que l’on travaille encore aux finitions dans les étages supérieurs.  » Installé dans le Burj Dubaï, cette tour qui devrait être la plus haute du monde –  » elle aura 2 000 pieds ( NDLR : environ 610 mètres) de plus que tout ce qui a jamais été construit jusqu’ici « , insiste l’élégant chairman, costume noir et sneakers blanches aux pieds -, l’hôtel comptera 175 chambres et suites, équipées de produits spécialement créés par Armani/Casa, pour cet établissement particulier.  » Mon but n’est pas d’en faire des showrooms permanents, insiste Giorgio Armani. L’ambiance est très importante et elle est totalement différente d’une ville à l’autre.  » L’hôtel de Milan, qui ouvrira lui en 2009 dans l’immeuble de la via Manzoni, ne sera donc pas le modèle réduit de celui de Dubaï.  » Nos goûts ont évolué, poursuit Mohamed Ali Alabbar. Nous ne voulons plus d’une chambre d’hôtel standardisée. Nous voulons aujourd’hui qu’elle ressemble à l’endroit où nous nous trouvons. C’est paradoxal. Les gens nous demandent à la fois : « Pouvez-vous vous assurer, lorsque nous nous éveillons, que nous nous sentions comme à la maison mais aussi que nous sentions immédiatement où nous nous trouvons. »  » Fort d’un investissement de plus d’un milliard de dollars ( NDLR : 780 millions d’euros), Giorgio Armani pourra durant les dix années à venir s’atteler à cet exercice de style dans sept hôtels et trois resorts dont les localisations sont encore tenues secrètes. Et designer ainsi un empire à ses couleurs sur lequel le soleil ne se couchera jamais…

Isabelle Willot

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