Trop souvent considérée comme une simple étape vers la découverte du pays, la capitale du Venezuela séduit par son architecture coloniale, la nonchalance de ses habitants et l’effervescence de sa vie nocturne.

On a trop souvent tendance à réduire Caracas à une mégapole tentaculaire. Certes, avec les 4 millions d’habitants de son agglomération, la capitale du Venezuela, située dans une étroite vallée et distante de quelques kilomètres de la côte, ne compte plus les gratte-ciel construits grâce aux revenus du pétrole. Sa réputation, en partie justifiée, de ville  » chaude  » n’incite pas les voyageurs à y séjourner. Pourtant, fondée par le conquistador Diego de Losada en 1567, Caracas recèle bien des richesses et offre aux amateurs d’architecture coloniale, de douceur de vivre et de vie nocturne tous les agréments d’une capitale latina.

Toute découverte de la métropole commence par la Plaza Bolivar, au coeur de la cité coloniale. Lieu de prédilection des habitants, les Caraqueños, qui s’y livrent à des discussions sans fin à l’ombre de la végétation tropicale, cette place est le centre historique, politique et social. Depuis le XVIIe siècle, elle constitue un lieu d’échanges et de débats, de combats et de spectacles. Et c’est aujourd’hui le point de départ d’une balade à travers l’Histoire, où édifices religieux et palais témoignent de la richesse architecturale de l’époque coloniale.

A commencer par la cathédrale : modeste par ses dimensions, l’édifice renferme une copie de la croix qu’a apportée Christophe Colomb lors de son voyage à Saint-Domingue en 1498, ainsi qu’une magnifique collection de toiles de maîtres, comme  » La Résurrection du Christ « , de Rubens. L’omniprésence de l’Eglise est d’ailleurs symptomatique à Caracas. Dépourvu de mines d’or et d’un intérêt stratégique relatif, le pays n’a jamais eu la faveur des conquistadors, qui ont rapidement laissé aux autorités religieuses le soin d’occuper le terrain. Sans oublier la crainte des effroyables tremblements de terre qui frappaient regulièrement le Venezuela.

L’un des rares bâtiments à avoir échappé à ces catastrophes naturelles, le Palacio Arzobispal (palais épiscopal), où réside l’archevêque de Caracas, est situé, lui aussi, sur l’un des côtés de la Plaza Bolivar. Tout près, le musée Raul Santana permet de découvrir les différentes étapes de la croissance d’une ville longtemps demeurée un gros bourg colonial avant de se transformer, en quelques décennies, en une immense agglomération. D’autres bâtiments d’importance sont concentrés ici. Parmi eux, le Capitolio (l’Assemblée nationale), un ancien couvent confisqué aux catholiques vers la fin du XIXe siècle, est devenu le symbole de la démocratie vénézuélienne. On rencontre d’autres vestiges de cette époque coloniale dans le quartier San Bernardino par exemple, au nord de la ville : la Quinta Anauco, musée d’Art colonial, expose de magnifiques meubles et bien d’autres chefs-d’oeuvre artistiques. Près du Parque central, d’autres musées présentent, pour leur part, des oeuvres plus récentes : Picasso, Léger, Miro et Matisse au musée d’Art contemporain, Botero au musée des Beaux-Arts, ainsi que les créations de jeunes artistes vénézuéliens à la Galeria de arte nacional. Le Museo de los niños (musée des Enfants) propose, lui, sur trois étages, une série de découvertes présentées sur le mode ludique.

Impossible de découvrir Caracas sans évoquer le personnage le plus important de l’histoire du pays : Simon Bolivar, le Libertador. Acteur principal d’indépendance, il demeure encore aujourd’hui la fierté de toute une nation. La ville regorge de lieux où est évoqué ce héros. De la Casa natal, où il naquit en 1783, à la Plaza San Jacinto, où il déclara, après un grave tremblement de terre en pleine guerre de l’Indépendance :  » Si la nature s’oppose à nous, nous la combattrons et la forcerons à nous obéir « , jusqu’à l’église San Francisco, où il reçut le titre de Libertador, en passant par le Panteon nacional, qui abrite ses restes, le culte qu’on lui voue demeure extrêmement vivace.

Attachés à leur histoire, les habitants de Caracas n’en sont pas moins tournés vers l’avenir et la société de consommation. Il suffit, pour s’en convaincre, d’arpenter les nombreux centres commerciaux du centre-ville ainsi que Sabana grande, l’artère centrale livrée aux piétons. Boutiques à la mode, restaurants luxueux, coiffeurs, couturiers sur plusieurs étages, les habitants préfèrent oublier dans la culture du paraître la pauvreté des barrios, ces quartiers pauvres comparables aux favelas de Rio, qui montent à l’assaut des collines encerclant la ville. Friands en particulier de produits cosmétiques et de chirurgie esthétique, dont ils sont parmi les plus gros consommateurs au monde, les Caraqueños consacrent d’ailleurs une bonne partie de leur budget à suivre la mode et à cultiver l’apparence d’une population branchée, sensible à la frivolité et aux plaisirs nocturnes.

La capitale reste une cité latine, une cité de la nuit. Quand Caracas s’éclaire, on a coutume de dire ici que c’est une tout autre ville qui s’éveille. Loin des embouteillages et de la pollution. Loin des soucis du quotidien. La fête et la danse sont des institutions, les orchestres de son, de salsa, de mérengué et autres rythmes du continent sud-américain ont trouvé naturellement leur place. Les soirs de fin de semaine, à partir de 23 heures, bars et restaurants se remplissent, et la fiesta commence, expression d’une manière d’être et d’un mode de vie. On peut danser sur les rythmes latino-américains les plus endiablés : El Maní es así, Palladium, Weekend’s, El Attico ou encore Oz, partout s’exprime la fougue latine. Caracas offre, à ce moment-là, son visage le plus joyeux, celui d’une population où les générations communient dans le seul plaisir de se déhancher sur une piste, jusqu’à l’aube.

Vient ensuite le moment de flâner, l’autre sport national. Les Caraqueños ont le choix entre se rendre sur les plages situées à une demi-heure de voiture ou déambuler dans les nombreux parcs que compte la capitale. Que ce soit au Parque Los Caobos animé par de jeunes artistes en herbe ou au Jardín botanico à l’ombre des palmiers, la population étale volontiers de grandes nappes pour y grignoter en famille ou entre amis un pabellon criollo, plat national composé de viande de boeuf, d’oignons émincés, de tomates, agrémenté d’ail et de coriandre, le tout accompagné de riz blanc et de haricots noirs. A moins que les habitants ne préfèrent se balader en pédalo au Parque del Este ou grimper jusqu’à El Calvario, le plus vieux parc qui surplombe Caracas, pour rester en forme, avant une nouvelle nuit endiablée.

Jean-Claude Gerez

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