Les vacances ne sont plus si loin. Le moment rêvé pour oublier tablettes, smartphones et autres laptops, avec en point de mire une parenthèse hors ligne. C’est parti pour une digital detox…

« Aujourd’hui, on est censé être joignable 24 heures sur 24. Le plus dur, ce n’est pas de se passer de son portable, c’est la pression que vous mettent les autres.  » Lors d’une escapade au Canada, Marine a oublié son GSM de l’autre côté de l’océan. Le temps que celui-ci revienne par colis, elle a dû s’en priver une poignée de jours, découvrant ainsi qu’elle pouvait très bien survivre, et même vivre, sans ce petit boîtier, mais aussi que ses proches, eux, n’admettaient que difficilement qu’elle ne puisse être contactée dans l’instant.  » Aujourd’hui, la rentabilisation du temps et l’omniprésence de la technologie sont la norme pour un large pan de la société. Beaucoup d’entre nous sont disponibles et connectés la majeure partie de la journée, avec le sentiment que c’est normal « , confirme Alia Cardyn. Il y a quelques années, cette ancienne avocate belge, recyclée dans le coaching et donnant des conférences chez nous et à l’étranger, travaillait avec le CEO d’une grande entreprise qui ne parvenait pas à gérer son temps.  » Je me suis rendu compte qu’il consultait sa boîte mail huit fois par heure et je lui ai demandé de ne le faire qu’une fois, raconte-t-elle. Trois semaines plus tard, je le revoyais. Il m’a avoué qu’il avait essayé mais qu’il était alors sujet à des tremblements et avait du mal à respirer. J’ai compris qu’il y avait là une question à se poser.  »

C’est que notre besoin de connexion prend aujourd’hui une place plus qu’encombrante dans nos vies. Selon le Baromètre de la société de l’information du SPF Economie, publié en 2014, 95 % des particuliers belges usent d’un téléphone mobile – GSM ou smartphone -, tandis que l’Internet est présent dans 88 % des habitations. Ce qui est plus marquant encore, c’est l’augmentation de l’utilisation du Web à l’extérieur, qui a presque doublé entre 2012 et 2013, passant de 18 à 28 % des sondés. L’engouement est sans précédent… mais déjà en train de s’essouffler si l’on en croit certains observateurs.  » L’Homo connexus cherche à prendre de la distance et à remettre les outils numériques à leur juste place, confirme Carine Louart sur le site du Journal du CNRS. Comble du comble, ce sont les hyperconnectés de la Silicon Valley qui, les premiers, ont sauté le pas. Ils ont lancé depuis une dizaine d’années le mouvement des « off-liners », qui prône la diète numérique.  » Depuis, les initiatives qui visent à réduire cet esclavage 2.0. se multiplient… Alors pourquoi ne pas tenter nous aussi de lever le pied, ou plutôt les doigts, et de se recentrer sur l’essentiel ? Voici quelques clés pour décrocher.

– ÉTAPE 1 – UN BILAN NÉCESSAIRE

 » La prise de conscience n’est pas évidente, avoue Alia Cardyn. A l’heure actuelle, les gens voient généralement que leur conjoint est trop accro, mais pas eux ! Et puis, ils n’aiment pas dire qu’ils sont dépendants.  » Pour rationaliser tout ça, elle suggère donc, dans son récent Petit cahier d’exercices de digital detox (*), un test, histoire d'(auto-)évaluer la  » gravité  » de notre état : surmonter une fois par jour au moins la tentation de lire ses messages électroniques, fermer les yeux et observer ce que l’on ressent.  » Si le dénominateur commun est une tension, un stress, de la colère, une difficulté à résister ou un autre ressenti peu agréable, il est probable que vous ne soyez plus libre dans votre relation à la technologie « , conclut le coach. Dans un même ordre d’idées, elle nous incite à calculer le nombre de fois par jour où ces activités électroniques perturbent les interactions avec nos semblables. Si le résultat est supérieur à 5  » et que vous réalisez que votre présence aux autres est affectée – vous êtes distraits, moins réceptifs « , il est temps de prendre le taureau par les cornes…

– ÉTAPE 2 – DE BONNES RAISONS

Pour entamer cette drôle de mise au régime, il est primordial de se persuader de son bien-fondé. Si ce monde virtuel nous file de fiers services –  » mais comment faisait-on avant ?  » -, il a par ailleurs de lourdes conséquences sur notre existence. Si l’on met de côté les polémiques en termes de santé liées aux ondes, on peut pointer d’autres signes alarmants. A commencer par le fait de nous éloigner de ceux que nous aimons. Durex a mené une enquête, avec le Center of Sex de l’université de Durham, qui révèle que 40 % des couples ont déjà retardé une relation sexuelle à cause de la technologie et qu’un tiers des répondants a même déjà décroché son téléphone pendant l’acte ! Face à ce constat, le label a lancé une campagne axée sur cette problématique. Dans un premier temps, le groupe a annoncé avoir trouvé une innovation  » révolutionnaire  » pour booster la vie intime des amoureux. Il a ensuite publié sur YouTube une vidéo dans laquelle une experte affirmait, à une série de couples, que la marque de préservatif avait mis au point une fonction, compatible avec tous les portables, pour amplifier le plaisir sexuel. Face aux mines intéressées de ces geeks d’interlocuteurs, elle leur avouait finalement qu’il s’agissait… du bouton  » Arrêt  » !

Un autre point négatif : ce pianotage intempestif nous impose un mode  » multitâche  » qui, finalement, diminue notre efficacité à agir et penser. Mais surtout qui, à la longue, nous rend incapable d’accomplir une action de bout en bout, sans s’interrompre. Pour Cédric Biagini, auteur de Comment Internet et les nouvelles technologies ont colonisé nos vies (éditions L’échappée) cité par Alia Cardyn,  » ces sursollicitations cognitives favorisent un état de constante distraction « . La spécialiste évoque également les travaux du docteur Glenn Wilson du King’s College University of London qui ont montré que ces interruptions réduisent temporairement le quotient intellectuel, tout autant qu’une nuit blanche, et bien plus qu’après l’usage de marihuana !

– ÉTAPE 3 – LE PREMIER GESTE

Convaincu ? Le processus de désintoxication peut commencer par un geste symbolique, celui de virer sur-le-champ l’objet du malheur de la chambre à coucher et de le remplacer par un réveil old school. De cette manière, la première chose touchée lorsqu’il sera temps de quitter les bras de Morphée ne sera plus  » ce doudou numérique  » – une expression utilisée par les psys. Envolé dès lors le désir irrépressible, au saut du lit, d’ouvrir sa boîte mail ou d’aller regarder si des amis ont commenté leurs fins de soirées ou leurs insomnies sur Facebook. D’ailleurs, franchement, combien de messages ultra-importants arrivent au petit matin ? Le corps et l’esprit bénéficieront d’un agréable sursis pour se mettre en route en douceur.

– ÉTAPE 4 – DES OUTILS BIEN UTILES

Il est maintenant temps de s’attaquer à ses petits protégés numériques pour qu’ils arrêtent de se rappeler à chaque instant à nous… Ainsi, on désactivera les notifications push qui tintent à chaque micro-news. Les propriétaires d’iPhone peuvent en outre actionner, dans leurs Réglages, l’option  » Ne pas déranger  » (avec un symbole de lune) qui permet de rendre l’appareil muet, pour une tranche horaire fixée à l’avance, par exemple, entre 22 heures et 8 heures du matin. Il est même possible de préciser si l’on désire entendre tout de même les appels de certains proches, ou être prévenu si une même personne téléphone plusieurs fois d’affilée. Parfait pour les inquiets pathologiques !

L’autre plan : télécharger des applis permettant de modérer l’utilisation des nouveaux médias en avertissant l’utilisateur s’il dépasse une durée de surf préalablement fixée, etc. On pense à Freedom pour les adeptes de la marque à la pomme ou à Phone Detox ou Offtime sur Android.

– ÉTAPE 5 – UN PLAN CIBLÉ FAMILLE

 » Beaucoup de gens vont sur Facebook en présence de leurs enfants, juste pour entrer dans leur bulle un moment et se connecter à eux, un peu comme on lisait le journal dans le temps. C’est dangereux car cela délivre un message contradictoire. Cela dit au môme : « A l’instant cet appareil est plus important que toi » ou « cette machine me fait du bien » « , s’inquiète Alia Cardyn. C’est en effet au sein du foyer que les mauvaises habitudes se prennent le plus rapidement… mais peuvent aussi facilement être enrayées, les passages sur le Web étant a priori moins indispensables qu’au boulot. Ainsi tablettes, GSM et télévisions pourraient aisément être supprimés du champ visuel durant les repas. L’idée : couper le Wi-Fi tout simplement ! Une motivation : quand on mange sans distraction, on est davantage conscient de ce que l’on fait et on goûte mieux les aliments. On peut en parallèle passer un accord entre les membres de la tribu pour poser son mobile sur la table du déjeuner le soir et ne le récupérer qu’avant de quitter la maison le lendemain… Ou mieux, dans le hall d’entrée !

– ÉTAPE 6 – LA GESTION DES MAILS

Inutile de se mettre trop la pression : ce combat est perdu d’avance… Selon un article du Monde sur la thématique, paru en mars dernier, un cadre reçoit au bureau en moyenne 50 mails par jour et 70 % des Français vérifient leur messagerie toutes les cinq minutes. Ses chiffres concernent nos voisins de l’Hexagone mais ne doivent pas être bien différents chez nous. Si l’envie de tourner le dos à cette invasion virtuelle est vive, la mission semble donc parfois impossible sous peine d’accumulation irrémédiable de courrier. Mieux vaut relativiser, ne pas s’imposer un délai trop court pour répondre – il ne faut pas confondre l’important et l’urgent – et revenir à une gestion non compulsive de son cher Outlook. Dans son carnet, Alia Cardyn propose de compter le nombre de fois par jour qu’on le consulte. Si l’on dépasse 15, on passerait quotidiennement 30 minutes à ouvrir et fermer sa boîte – sans compter le temps de traitement de ces messages ni celui nécessaire pour se reconcentrer après coup -… Soit 15 heures par mois de perdues minimum. De quoi se motiver à modifier le cap !

– ÉTAPE 7 – COMPRENDRE SA DÉPENDANCE

Une fois ces premières règles établies, le plus important est de mettre des mots sur son ressenti, de trouver ses failles et surtout ses forces, pour rendre le plan détox plus durable.  » Il faut essayer de comprendre pourquoi on est dépendant, souligne Alia Cardyn. Cela peut-être parce qu’on n’est pas heureux dans sa vie de famille, parce qu’on manque de confiance en soi au boulot…  » Parce qu’on s’ennuie tout simplement aussi. Reste alors à traiter le problème à la source. Sans non plus en faire une fixation.  » Je ne suis pas pour une déconnexion totale mais plutôt pour appliquer de saine e-attitudes « , avertit Alia Cardyn. Ce qu’appuie, dans un article du New York Times, Levi Felix, qui a lancé aux Etats-Unis des cures de détox (lire par ailleurs) :  » Je suis moi-même geek, je n’ai pas peur de la technologie, au contraire, j’aime la façon dont elle fait évoluer notre société. Mais nous devons apprendre à l’employer à bon escient et ne pas la laisser nous utiliser.  » Y’a plus qu’à, comme on dit…

(*) Petit cahier d’exercices de digital detox, par Alia Cardyn, Jouvence, 64 pages. www.aliacardyn.com

PAR FANNY BOUVRY

 » L’Homo connexus cherche à prendre de la distance et à remettre les outils numériques à leur juste place.  »

 » Ces sursollicitations cognitives favorisent un état de constante distraction.  »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content