Une production de Steven Spielberg qui s’installe à Liège, ça laisse des traces. Si pas sur le terrain – un décor saccagé, c’est plutôt ce que l’on cherche à éviter à tout prix lorsqu’on dirige un bureau d’accueil de tournages… -, au moins dans les mémoires de ceux et celles qui ratissent la région à longueur d’année à la recherche de lieux susceptibles de satisfaire les rêves les plus fous des réalisateurs.  » Lorsque le staff de The Fifth Estate (NDLR : le biopic de Bill Condon produit par Dreamworks, consacré à la vie de Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks) nous a fait savoir qu’il voulait tourner pendant une journée dans la gare des Guillemins, c’était la première fois que nous travaillions avec une équipe américaine, se souvient Jean-François Tefnin, manager du bureau d’accueil liégeois. Ils sont arrivés avec 200 techniciens, tous plus spécialisés les uns que les autres, là où même une grosse production européenne n’a besoin que d’une quarantaine de personnes. Nous avons dû leur fournir un  » camp de base  » capable d’accueillir tous les semi-remorques. Vers deux heures du matin, les camions ont débarqué sur le terrain vague sécurisé que nous leur avions trouvé. C’est de là que sont partis ensuite de plus petits véhicules chargés de transporter le matériel jusqu’à la gare, selon un itinéraire bien précis que nous avions déterminé, afin de leur garantir qu’ils puissent passer sans encombre sous les ponts et dans les rues étroites de Liège.  »

Si le bâtiment de Calatrava, reconnaissable entre mille, est l’un des plus demandés aujourd’hui, la plupart des réalisateurs recherchent au contraire des décors anonymes.  » C’est tourné en Wallonie, mais les spectateurs ne s’en rendront jamais compte, constate Marc Bossaerts, en charge du bureau hennuyer. C’est aussi ça, la magie ou la tricherie du cinéma : à l’écran, vous êtes dans une rue de Paris, vous poussez la porte et vous vous retrouvez dans une maison de maître à Namur. A l’inverse, vous êtes en extérieur à Liège et la scène suivante aura été tournée chez KeyWall à Marcinelle, dans un studio entièrement équipé d’écrans verts.  »

Sur à peine 18 000 km2 – un atout lorsque l’on sait ce que cela coûte de déplacer une équipe de tournage -, la Wallonie concentre une variété de décors à la cinégénie éprouvée. Qu’il s’agisse de ses châteaux et petits villages pittoresques particulièrement prisés des réalisateurs de films  » historiques « , de ses paysages sauvages ou de ses sites industriels ravagés.  » Pour tourner une impressionnante scène de cascade au début de Largo Winch 2, Jérôme Salle nous avait demandé, et je le cite,  » un site sidérurgique pourri qui pourrait se trouver en Ukraine « , se souvient Marc Bossaerts. Et il a trouvé son bonheur chez Carsid, même si le patron de cette entreprise carolo n’a pas du tout apprécié la comparaison ! Récemment, nous avons été contactés par l’équipe de Transformers 4 qui avait flashé sur Internet sur la tour de refroidissement d’une ancienne centrale désaffectée près de Charleroi. Il leur fallait aussi plus de vingt kilomètres de tunnels de métro à immobiliser pour plusieurs semaines, ce que nous n’avons pas pu leur trouver. Du coup, le projet est tombé à l’eau.  »

Tout aussi improbable sur papier, le souhait de Yann Moix de mettre la main sur un bout de forêt qui puisse passer pour une jungle africaine sera contre toute attente exaucé !  » Les scènes de Tarzan de Cineman se sont tournées au Caillou-qui-bique, dans la vallée de la Honnelle, ajoute Marc Bossaerts. Nous avions déniché un petit vallon dans lequel la déco n’a eu qu’à rajouter quelques lianes et deux ou trois faux palmiers. En prime, nous avions dégotté une tour de laquelle Franck Dubosc pouvait descendre et tomber dans l’eau lorsque qu’il se changeait en héros de cape et d’épée.  »

Coup de bluff toujours avec Voleurs de chevaux, de Micha Wald. Alors qu’il met en scène un Cosaque dépouillé de sa monture par deux frères au milieu du XIXe siècle, le long-métrage du cinéaste belge est en réalité tourné au domaine militaire d’Elsenborn, en plein coeur des Fagnes.  » C’est l’un des rares endroits en Belgique où l’on peut encore faire un tour sur soi-même sans apercevoir un pylône ou un bâtiment, lâche Jean-François Tefnin. Il y fait toute l’année 5 à 6 degrés de moins que dans le reste du pays. Le tournage a eu lieu en hiver, il faisait glacial et l’illusion était parfaite.  »

Autre repérage mémorable : celui qui allait amener l’équipe de Rien à déclarer à tourner à Macquenoise, en Hainaut, après un passage en revue minutieux de tous les postes frontières situés entre Adinkerke et Momignies.  » Le village était aussi  » daté  » que le voulait la production, avec, en bonus, de beaux dégagements le long de la route qui leur ont d’ailleurs permis de construire quelques fausses façades « , rappelle Marc Bossaerts.

Preuve qu’il y en a pour tous les styles, c’est en partie à Beloeil, en partie à Attre, que Gérard Lanvin s’est glissé dans les bottes de Joffrey de Peyrac pour le remake signé Ariel Zeitoun d’Angélique, Marquise des anges, au casting duquel on retrouvera également Nora Arnezeder dans le rôle de la belle, mais aussi Tomer Sisley, Eric De Staercke et même Mathieu Kassovitz, que, a priori, on n’attendait pas vraiment sur ce type de production.

Dans la veine historique toujours, Une promesse, le dernier film de Patrice Leconte, adapté d’une nouvelle de Stefan Zweig, censé se passer en Allemagne un peu avant la Première Guerre mondiale, a été intégralement tourné à Bruxelles et en Wallonie.  » On y reconnaîtra l’opéra de Liège, le château de Durbuy mais aussi la gare de Binche, un véritable joyau qui n’a pas bougé depuis cent ans « , énumère Jean-François Tefnin.

A ce jour, nos deux baroudeurs de proximité sont toujours en recherche d’une rue dans laquelle on pourrait reconstituer un bar PMU –  » mais attention, insiste Marc Bossaerts, sans briques rouges, car en France il n’y en a pas  » – voire d’un bâtiment fin XIXe qui ressemblerait à l’Institut du radium, à Paris, pour un biopic sur Marie Curie !  » Mais ce qui nous donne le plus de difficultés finalement, ce sont les intérieurs, conclut Jean-François Tefnin. Google Maps ne vous dira rien sur ce qui se cache derrière les murs des maisons ou pire encore des appartements ! Nous sommes toujours en demande.  » Dans la base de données des bureaux d’accueil de tournage, on dénombre pourtant pas moins de 2 334 décors en tous genres, de la fermette au bar branché en passant par les caves voûtées ou les.. cimetières ! Si l’envie vous prend d’accueillir un jour Spielberg et ses 200 techniciens dans votre salon – le cinéma, c’est du rêve après tout – il ne vous reste plus qu’à vous y inscrire…

www.cinemawallonia.be

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