Retrouvez Frédéric Brébant chaque lundi matin, vers 9 h 45, dans l’émission  » Bonjour quand même « , de Jean-Pierre Hautier, sur La Première (RTBF radio).

Notre pays est-il menacé de  » chavisation  » ? En clair : le mouvement  » chav « , exclusivement ancré en Grande-Bretagne, risque-t-il un jour de traverser la Manche ? Encore faut-il que cette nouvelle forme de  » culture  » soit exportable. Car le  » chav « , finalement, est fortement imprégné de références britanniques. Jamais entendu parler de ce néologisme anglophone ? Ces derniers mois, il a pourtant défrayé la chronique sur le territoire de la perfide Albion et continue encore de semer le trouble au sein de quelques marques de luxe. Le phénomène est tel que le  » chav  » a même fait son entrée officielle dans l’Oxford Dictionary û la bible de la langue anglaise û en 2004 et que la linguiste Susie Dent l’a désigné mot de l’année dans son très respectable  » The Language Report « . Alors, quèsako ? Si l’on en croit la définition de cet honorable dictionnaire, le  » chav  » désigne  » une jeune personne qui n’a pas un niveau d’éducation très élevé et qui suit une certaine mode vestimentaire « . Dans les faits, le  » chav  » est d’origine très modeste, ne revendique pas grand-chose, aime le football et affiche certains codes vestimentaires précis. Concrètement, il se doit de porter obligatoirement un accessoire Burberry comme signe de ralliement (écharpe, casquette ou ceinture) avec un polo Ted Baker et/ou un survêtement de sport magnifié par de superbes baskets d’un blanc immaculé. Son équivalent féminin û la  » chavette  » û arbore, quant à elle, la minijupe la plus courte possible et de gros bijoux en or clinquant (surtout les boucles d’oreille créoles) qu’elle porte sur une peau toujours bronzée. Leur point commun : cette appropriation caractéristique de certains signes extérieurs de richesse censés leur faire oublier leur condition ouvrière. Si l’origine du mot semble remonter au xixe siècle (il viendrait du tsigane  » chavi  » qui veut dire enfant), l’appellation  » chav  » identifie clairement aujourd’hui toute une génération de jeunes Britanniques connotés  » sans style personnel ni culture « . Leur idole ? Le footballeur Wayne Rooney, 19 ans, attaquant surdoué du mythique Manchester United et dont les revenus gravitent autour des 300 000 euros par mois. Volontiers qualifié de beauf par ses détracteurs, Rooney est l’antithèse de l’autre star britannique du ballon rond, David Beckham, incarnation parfaite du courant métrosexual qui a secoué l’univers de la mode masculine ces derniers temps. Toute l’ampleur du phénomène  » chav  » est là : après la glorification d’un hétéro raffiné û footballeur de surcroît û qui prend soin de son corps au point de se vernir les ongles, voici le retour du gros gars bien balaise, proche du peuple et de ses rêves basiques de richesse étincelante. Prévisible, le phénomène dépasse aujourd’hui le simple effet de mode et devient carrément sociologique au point d’alimenter toute une littérature et une série de sites Internet à la gloire du  » chav  » (entre autres www.chavworld.co.uk et www.chavscum.co.uk). Pourtant, les marques de prestige glorifiées par cet engouement soudain de la masse pour leurs produits de base font toutefois mine d’ignorer l’ampleur du mouvement. Ainsi, à l’instar de Lacoste subitement prisé par les jeunes Parisiens de banlieue dans les années 1990, Burberry tente aujourd’hui de minimiser l’effet  » chav « , histoire de ne pas voir son image dévalorisée par cette nouvelle clientèle inattendue. Pour l’instant, le phénomène se limite à la Grande-Bretagne û ouf ! û, mais rien ne dit que les  » chav  » ne finiront pas par envahir un jour le Vieux Continent… Aux abris !

Frédéric Brébant

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