Révélé par Spielberg, le duo de créateurs parisiens passe avec bonheur du clip à l’illustration, de la mode aux génériques de film. Une approche virtuose, arty et artisanale. Oui, mais qui fait quoi ?

Puisqu’il faut bien en parler, commençons par ça. Le générique de Catch Me If You Can (2002) de Steven Spielberg : 2 min 30 d’élégance pour l’une des plus fameuses intros animées du 7e art. Il est signé des créateurs Kuntzel + Deygas. Le  » +  » qui les lie aurait pu s’écrire  » &  » si cela n’avait pas fait cabinet d’avocats. Voilà vingt ans que l’un et l’autre ont juxtaposé puis superposé leurs talents. Olivier et Florence pour les amis, couple à l’écran comme à la ville.

À eux deux, ils ont devancé la mode du  » motion design  » – le graphisme animé par ordinateur – qui abonde aujourd’hui dans la pub et sur le Net. Et depuis leur incursion hollywoodienne, remportée sur concours, pour beaucoup, K + D = Steven S.  » Cela nous a un peu collé à la peau ce générique « , s’amuse Florence Deygas, juvénile et coupe de cheveux électrique.  » On a refusé beaucoup de propositions similaires mais l’expérience nous a ouvert des portes « , enchaîne Olivier Kuntzel, derrière ses lunettes en aluminium poli.

Assis dans un canapé de leur atelier du xviiie arrondissement de Paris, ils disent l’importance de travailler en petite équipe dans un cadre qui ressemble à un cottage friendly. Une ancienne miroiterie tout en bois, remplie de Mac et de tasses à café, de tubes de gouaches et de vinyles, tendance électro car la musique est la grande affaire d’Olivier. Dernière création en date : une vanité de 200 kilos en forme de tête de mort avec deux enceintes à la place des orbites. Une  » sculpture acoustique  » qui ne comptera que 4 exemplaires.

Si leur carnet de commandes (American Express, Jaeger-Lecoultre…) a explosé suite à leur collaboration avec le réalisateur de E.T. , les deux Français n’en étaient pas, il y a dix ans, à leurs débuts. Avant Catch Me, il y a eu la réalisation de nombreux clips, des pochettes de disque et quinze ans de service qui, bout à bout, ont dessiné les contours de leur style. La touche K + D ? Un cocktail glamour puisé dans les arts décoratifs anglais, la culture pop et le chic parisien. Ils se complètent, s’équilibrent.

 » Le côté girly, c’est moi, admet Florence en évoquant son goût pour les arabesques, les tailles fines et les jolies jambes. Olivier est plus dans un travail calligraphique, avec des tatouages et un côté « bold ».  »  » L’ours c’est lui « , ajoute-t-elle en désignant au mur un dessin du plantigrade récurrent dans l’univers de son partenaire…. Et ce n’est pas la seule bestiole que l’on compte dans la maison. Il y a Cap & Pep, les deux chiens plus signes typographiques que personnages de BD, déclinés en textile pour Lacoste ou Azzaro, la vache Winney ou le chat MiCha, une lampe de bureau en forme de matou, conçue avec soin et fabriquée au compte-gouttes.  » Mon père était affichiste, poursuit Olivier. Il a dessiné de nombreux personnages comme l’ours Tobler, les chaussettes Dédé ou le canard Pulmol. Cela m’a certainement influencé. « 

Obsédés par l’art du mouvement, les duettistes revendiquent un art poétique de l’économie. Car  » devant une grosse boîte de Caran d’Ache, la richesse ne consiste pas à utiliser le plus grand nombre de crayons de couleurs « . Pour le générique de La panthère rose (2006), ce sera le rose et rien d’autre. Et le refus de donner dans la 3D  » médicale  » où l’on compte chaque poil façon Shrek. Sony, le producteur, hurle et fait refaire le boulot par d’autres créatifs. Leur  » court- métrage  » sera intégré dans les bonus du DVD.

 » On aime bien quand les choses n’ont pas l’air trop finies, même si en réalité cela demande énormément de travail.  » Originaux, ils utilisent des tampons encreurs pour créer leurs animations ou s’inspirent des pop-up pour renouer sans régression avec le monde de l’enfance. L’univers des adultes, lui, parfois leur fait peur.  » Les grosses équipes de fabrication, c’est bien mais on perd vite son âme.  » Dans la mode, on appelle ça la haute couture.

Antoine Moreno

On aime bien quand les choses n’ont pas l’air trop finies, même si en réalité cela demande énormément de travail.

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