Rivages paradisiaques et mer couleur cocktail, le décor est planté pour une immersion tropicale de rêve entre héritages africain, hollandais, espagnol, juif et portugais.  » Danki « , vous remercient les Curaçaoans.

Poser le pied dans les Antilles néerlandaises, c’est fouler avant tout de belles plages de sable blanc baignées par une mer cristalline où, même sans masque ni tuba, on peut admirer une multitude de poissons multicolores. Chaleur, bonne humeur et palettes survitaminées, Curaçao a tout du paradis tropical. Pourtant, en journée, sous le soleil, un calme surprenant nimbe ses 444 km2 d’exotisme élégant.

Ici, loin de la frénésie de ses lointaines voisines, Cuba et République dominicaine, de l’autre côté de la mer des Caraïbes, les radios émettent calypso, salsa, tambú et reggae en sourdine.  » Bon bini  » (bienvenue) sur une jolie langue de terre de 61 km, sertie dans des eaux couleur cocktail.

Rassasiée de soleil et de sieste, il est doux de partir d’un pas nonchalant à la découverte de Willemstad, capitale pastel. à l’origine blanches, ses maisons baroques répertoriées au patrimoine mondial de l’Unesco furent repeintes en 1817 sur ordre du gouverneur, aveuglé par la réflexion du soleil sur leurs façades. Pour aller du quartier Otrobanda à celui de Punda, il faut emprunter l’admirable pont flottant Queen Emma Bridge, autre monument incontournable de la ville. S’il s’entrouvre partiellement en moyenne 20 fois par jour pour laisser passer de petites embarcations, il faut attendre l’arrivée de pétroliers et paquebots de croisière pour avoir la chance de le voir se rabattre complètement le long de sa rive droite. Gare au piéton indolent !

L’importance d’importer

Sur la rive gauche du chenal, côté Punda, un marché original se tient tous les jours sur les lanchas (bateaux) des vendeurs de légumes et de poisson, venus tout droit du Venezuela, à 25 km au large. À part ses oranges particulières, dont on tire la célèbre liqueur, pas grand-chose ne se cultive sur Curaçao. Ses nappes phréatiques taries depuis longtemps obligent les résidents à récolter l’eau de pluie et à acheter à des prix exorbitants leur eau potable aux usines de dessalement. L’activité principale est le shopping, et le faible taux de taxation sur les produits importés fait ressembler les quelque 200 commerces de Heerenstraat et Breedestraat à des temples du duty free. Baskets, porcelaines de Delft, bijoux en or et en argent sont les achats préférés du vacancier. Mais un trésor insoupçonné se tapit sur le Dr Martin Luther King boulevard : au Bert Knubben Black Koral Art Studio, on trouve des bijoux en corail noir dont l’exploitation a été prohibée de tout tempsà sauf pour ledit Bert.

Margaritas et balletjes

Curaçao est titulaire du C des îles ABC (ou îles Sous-le-Vent), les autres étant Aruba et Bonaire. Sans eau mais non dénuée d’histoire, c’est une terre de contrastes qui a su façonner la richesse de ses origines multiples dans une seule identité chaleureuse. Siroter un cocktail au bar de la plage du chic Hilton en grignotant quelques balletjes dont la saveur rappelle celle de nos fricandelles nationales est un des amusants paradoxes locaux.

Curaçao : corazón ou curazion ? L’origine du nom se perd dans la nuit des temps. D’aucuns prêtent à l’île une forme de c£ur, d’autres rappellent qu’elle était la destination finale des marins victimes du scorbut, laissés ici à l’abandon par leur capitaine Alonso de Ojeda et miraculeusement retrouvés guéris un an après. Lorsqu’il découvrit les îles ABC en 1499, Ojeda, lieutenant de Christophe Colomb, ne trouva sur celle-ci que des Indiens Arawaks, des Caiquetos de grande taille, qu’il déporta pour les faire travailler sur l’île d’Hispaniola. En 1634, les Hollandais s’emparèrent de Curaçao, devenue portugaise.

Plaque tournante des négriers hollandais dans les Antilles, l’endroit a vu débarquer plus d’un demi-million d’esclaves africains entre 1640 et 1863. Dès 1659, plus de 2 000 juifs fuyant l’Inquisition espagnole embarquèrent à Amsterdam pour Willemstad. Nombre de Français, Anglais et Sud-Américains immigrèrent également sous ces latitudes, sans compter le commerce florissant et les nombreuses attaques de pirates qui favorisèrent un colossal brassage de populations. On ne s’étonne donc pas que la langue nationale, le papiamento, greffe mots néerlandais, français et espagnols sur une solide base portugaise.

Après un lunch typique au Marsche Bieuw (Vieux Marché), une visite du Kura Hulanda Museum, musée anthropologique, s’impose afin de bien s’imprégner des racines ethniques de la population. La cale de navire reproduisant à l’identique celles des négriers donne le frisson. Le guide ponctue sa visite d’anecdotes comme celle qui veut que les aristocrates blanches n’arrivant pas à payer leurs dettes étaient, elles aussi, vendues comme esclaves par leurs créanciers.

à voir également à Willemstad, la synagogue Mikvé Israel-Emanuel et son sol recouvert de sable pour rappeler les 40 jours de traversée du désert ou, sur Smallesteeg, les tournesols géants qui semblent pousser sur les murs des maisons. Ils sont signés des artistes Nena Sánchez et Esteban Ferrales, qui les sèment partout sur les maisons en ville, au grand dam des propriétaires n’appréciant pas ces fleurs apposées sur leurs biens.

Poissons et beauté

En termes de faune locale, Curaçao compte deux espèces protégées, l’iguane et le cerf, que l’on croise dans le parc national Grand Christoffel. Mais la contrée présente d’autres attraits animaliers, sinon uniques du moins universels. Le premier et le plus accessible à tous, la Dolphin Academy, laisse les touristes jouer avec les dauphins. Le passage obligé par une séance d’information sur ces gentils mammifères de 150 kg vous apprendra que, malgré leur douceur, ils restent imprévisibles (comme tous les animaux), qu’ils n’ont pas de pouvoir de guérison spécial (si ce n’est le privilège de les fréquenter qui induit un sentiment de joie chez la personne malade) et que voir mourir un dauphin n’entraîne pas la réincarnation de son esprit dans le corps du spectateurà

Les amatrices de cosmétique naturelle opteront quant à elles plutôt pour une balade dans les jardins de Dinah Veeris, herboriste. Sous son très beau préau  » maloca « , réalisé par des Indiens, Dinah révèle les secrets des plantes. Comme la calebasse qui aide les cheveux à conserver leur couleur naturelle. Après cette leçon de beauté, un petit tour au Zanzibar Bar, le long de la plage, permettra aux plus sportives d’emprunter un VTT pour effectuer le tour du Jan Thiel Lagoon. Les moins courageuses, elles, préféreront rester là à siroter un verre en comparant le turquoise de la mer à la couleur de leurà curaçao, of course.

Par Ludivine Brandt

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