Le chroniqueur atypique du Grand Journal sur Canal +, faux glandeur et vrai fan de hip-hop, croit plus dans les hommes que dans les politiques. Revenu de la cause militante mais pas de ses rêves de gosse.

La capuche ou pas la capuche ? Au moment de tirer le portrait de celui qui officie en prime time dans le Grand Journal de Canal +, on se pose fatalement la question. Voilà un de ces accessoires vestimentaires dont Mouloud Achour, 30 ans, se méfie au plus haut point.  » La capuche, ça fait un peu cliché, non ?  » Lui qui se réjouit qu’un comédien comme Tahar Rahim, révélé dans Un prophète, soit enfin présenté comme un acteur français, ne voudrait pas être réduit au  » mec d’origine arabe issu du 93 « .

 » Je déteste les gens qui se servent de la banlieue pour prendre la parole ou qui s’en servent comme d’une valeur marchande pour se faire briller « , confie-t-il dans le taxi qui l’emmène vers les studios de Canal +. Même s’il a grandi à La Boissière, un quartier chaud de Noisy-le-Sec, en région parisienne. Un père ouvrier, une mère qui s’occupe d’enfants en difficulté. Il se souvient de Malika Moulai, 13 ans, tuée, en 1988, d’une balle perdueen pleine tête lors d’une bavure policière : elle était dans son école. Il avait 8 ans.  » Si j’habitais Neuilly, je parlerais du bouclier fiscal avec enthousiasme. On vient tous de quelque part. J’ai appris à me méfier de la doxa et des appareils politiques. À 18 ans, j’ai milité dans des associations très engagées à gauche, j’en suis revenu… Je n’aime pas être instrumentalisé ni suivre le troupeau. « 

Pur produit de la culture hip-hop –  » Quand j’étais ado, mes modèles s’appelaient Public Enemy, Spike Lee et Kassovitz  » -, il en a gardé le goût du sampling où musique, images et discours politique ne font qu’un.  » Même sur Canal +, dans ma chronique ( Daily Mouloud), j’essaie de faire passer des choses. Pas de manière chiante ou doctrinaire mais en douce. Je préfère glisser un message que de l’imposer.  » Fan de platines et du rappeur Booba, producteur de musique, copain de la bande de Romain Gavras (réalisateur du clip Stress de Justice), il se mue régulièrement en DJ Mouloud la nuit venue.  » J’ai un gros défaut : je mixe jusqu’à ce que la boîte ferme, après je vais dans une autre boîte où je vais mixer à l’improviste.  »

Hier, il était 5 heures du matin quand il a poussé les portes de son appartement parisien du Marais.  » J’y vais à fond sans doute parce que je suis hypercasanier. Pour me sortir de chez moi, c’est une épreuve. On pense que Canal +, c’est la fête et le show-biz permanents. C’est faux, je ne vis pas du tout dans ce fantasme-là. Le soir, je regarde Laurent Ruquier à la télé ou je suis sur Facebook avec mon chat sur les genoux ! « 

Avant d’être la nouvelle coqueluche de la chaîne cryptée, Mouloud avait déjà pris ses quartiers dans le PAF. Sur MTV, où il anima une émission sur la musique en compagnie de China, la fille de Dee Dee Bridgewater. Sa dégaine de vendeur de kebab, sa manière de se mouvoir, son sens de la répartie qui ne se fait jamais aux dépens de ses interlocuteurs tapent dans l’£il de Canal + qui ne tarde pas à le recruter. Une chronique en matinale pour commencer, puis en 2008, le début de soirée, la tranche horaire la plus regardée. Il n’en revient toujours pas d’être arrivé là. Comme d’avoir été choisi par les studios Warner l’an passé pour un second rôle dans la méga-production Le Choc des Titans.  » C’est un truc de dingue, comme un rêve de gosse. Un jour on va me demander : rends-moi tout ça ! « lâche-t-il hilare.

Longtemps adepte de la roue libre, il dit s’être professionnalisé au contact de Michel Denisot, le big boss du Grand Journal.  » Il m’a appris la rigueur de travail. No pain, no gain. Si tu ne travailles pas, ça se verra un jour ou l’autre. Ma chronique cache un gros boulot au quotidien.  » Son refus du cynisme et de l’arrogance étonne, séduit, au risque de paraître un rien moralisateur…  » Quand, sur le plateau, je dis que la drogue ce n’est pas bien, cela me semble le minimum. Je ne vais pas en faire l’apologie tout de même.  » Mouloud bientôt en tournée avec les Enfoirés ? On rigole. Allez, c’est l’heure de la photo. Capuche ou pas capuche ?

ANTOINE MORENO

« Je n’aime pas être instrumentalisé ni suivre le troupeau. »

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