Mira Glodeanu (violon) et Frédérick Haas (clavecin) sont deux figures bien connues du monde de la musique ancienne. Fondateurs de l’ensemble Ausonia, ils ont également formé un duo, dont l’enregistrement des six  » Sonates pour clavecin et violon obligé « , de Jean- Sébastien Bach, vient d’être publié.

Comment est né ce projet ?

Frédérick Haas : On nous a un jour demandé de jouer l’intégrale dans un même programme, ce qui nous paraissait un peu fou au départ. Mais nous nous sommes aperçus qu’il s’agissait en fait d’un voyage fascinant : chaque pièce prend une signification particulière par rapport aux autres, dans l’ordre précis des tonalités où Bach les a placées. Rien ne semble arbitraire dans ce recueil qu’il a lui-même conçu comme tel… même si rien indique qu’il souhaitait voir les six sonates jouées comme un cycle. En vivre l’expérience – et la partager avec le public – nous entraîne dans un périple passionnant, où l’on sent que tout se complète à travers le contraste et la diversité d’écriture.

Il faut souligner le fait que les instruments utilisés s’harmonisent de façon parfaite.

Le violon que joue Mira a été construit à Cracovie en 1604, le clavecin que j’utilise est du facteur Henri Hemsch et a été fabriqué en 1751. Un siècle et demi sépare ces deux instruments, mais ils se marient à merveille : ils sont dotés d’une grande plénitude sonore, avec des graves très présents, mais ils ont en même temps une remarquable clarté de timbre. Ils disposent donc tous les deux d’une superbe définition du son, qui est à la fois chaleureux et précis. Ces deux instruments vont ensemble, comme deux couleurs peuvent aller ensemble, bien qu’elles ne soient pas les mêmes.

Quelles pistes les instruments vous ouvrent-ils ?

Il s’établit entre nous un rapport complexe : l’instrument nous invite à aller dans certaines directions plutôt que d’autres, il nous pousse dans notre recherche, notre désir d’aller plus loin. Et, en même temps, il nous confronte à nos limites. L’interprétation musicale tient de l’utopie : il faut qu’un interprète s’absente en quelque sorte de l’£uvre pour que la musique passe à travers lui, mais cela n’est possible que s’il est totalement présent à ce qu’il fait. Chercher à la fois la présence et l’absence, c’est le paradoxe du musicien.

Bach : Sonates pour clavecin et violon obligé. Un double CD Ambronnay Editions (distribution : Harmonia Mundi).

Michel Debrocq

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