L’artiste

David Powell est né en 1969 à Cardiff, au pays de Galles. Il vit et travaille actuellement à Amsterdam après avoir habité à Londres où il fut successivement l’assistant de l’irrésistible duo iconoclaste Gilbert & George puis de Sarah Lucas et feu Angus Fairhurst (1966-2008), deux noms rattachés à la génération des Young British Artists qui électrisa l’art contemporain britannique des années 90 avec les Damien Hirst, Tracey Emin et consorts. Parallèlement ce jeune peintre encore méconnu a développé une £uvre personnelle qui mérite aujourd’hui que l’on s’y attarde. Pétri de la pensée de Samuel Beckett sur la destitution de l’homme moderne, David Powell diagnostique une forme de solitude tragique et persistante chez nos contemporains. On ressent chez lui un trouble diffus, parfois même un grand malaise. Hagards, égarés ou carrément dévitalisés, les personnages qui peuplent ses toiles récentes semblent en effet perdus dans un monde qu’ils ont eux-mêmes édifié, un endroit familier qui a fini par leur échapper jusqu’à les disloquer intérieurement. La tension entre l’architecture et la nature est, comme on le constate particulièrement ici, un des thèmes favoris de ce peintre qui aime à explorer les notions de frontières, de bords, de séparations, de cloisonnement. Qu’il s’agisse de catégorisations théoriques et stylistiques dont l’histoire de l’art est friande (voir sa série After Paintings, citations de grands maîtres) ou de concepts philosophiques comme le public et l’intime (voir sa série Townscapes/Interiors), David Powell traque les espaces de dialogue qui subsistent aux intersections. Un lieu de conversation forcément tendu.

L’expo

Il s’agit de la quatrième exposition de l’artiste chez Sabine Wachters, galeriste (trop) discrète qui se partage entre son espace bruxellois et un autre à Knokke. Bien qu’intitulée Out There (Là-Bas), l’univers que nous présente ici David Powell n’a rien de très lointain, d’étranger. D’étrange, peut-être, mais rien qui ne nous soit inconnu. Dans un subtil équilibre de naturalisme et d’abstraction, le peintre construit un monde onirique indéfectiblement chevillé au réel. Dans ce décor, où la nature et l’architecture empiètent l’une sur l’autre dans un équilibre incertain, on croise des individus visiblement déboussolés, inadaptés à cet environnement conflictuel et bancal. Tous sont au mieux agenouillés, au pire couchés dans un état de léthargie, abattus, du plomb dans l’aile. Une sensation d’impuissance se diffuse et finit dans la foulée par étreindre le spectateur à la manière d’une silencieuse et encombrante angoisse nocturne. Malaise intelligemment amplifié par les pastels printaniers, la joliesse de certains motifs et le coup de pinceau sans bruit de David Powell.

David Powell : Out There, Sabine Wachters Fine Arts, 26, avenue de Stalingrad, à 1000 Bruxelles. Jusqu’au 10 février prochain.

Chaque mois, Le Vif Weekend vous propose le décryptage d’une exposition. Parce que l’art contemporain est souvent taxé d’hermétisme, nous vous donnons les clés de lecture pour passer les portes des galeries et apprécier le meilleur de l’art vivant.

Baudouin Galler

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