Il est un peu le chef d’orchestre de l’ombre. Celui qui habille la dramaturgie de son regard expérimenté. Dans les coulisses de l’Opéra royal de Wallonie, à Liège, le créateur et réalisateur de costumes a confectionné, avec son équipe, les tenues de La Bohème, présentée en juin prochain.

Il est 14 heures. Dans l’atelier de Fernand Ruiz, l’atmosphère est paisible. Bercé par un fond de musique provenant de la radio, chacun s’attelle à sa tâche. Couture, repassage, pliage… tous sont concentrés sur leur mission du jour. Fernand Ruiz, lui, discute avec l’un de ses employés. Dessiner, imaginer, créer les costumes et les façonner, c’est la passion de ce Liégeois depuis près de quatre décennies. Tout petit déjà, il aimait habiller les poupées chaque fois que l’occasion se présentait. Il faut dire que dans une famille de filles, il n’était pas coutumier des parties de petites voitures… A l’âge de 12 ans, son plaisir de vêtir étant toujours aussi fort, il prend conscience qu’il veut en faire son métier. C’est alors naturellement qu’il se dirige vers l’école de tailleurs de la Cité ardente. Très vite, son amour pour la coupe se fait remarquer. Une fois sa spécialisation terminée à 17 ans, l’un de ses professeurs lui propose le job de réalisateur de costumes à l’Opéra de Liège. Un poste qu’il accepte et ne quittera plus jamais. Trente-sept ans plus tard et plus de deux cents productions jouées, il continue à se définir comme un  » vieux stagiaire  » qui n’a pas fini d’apprendre.

Pas nostalgique et toujours tourné vers l’avenir, et même s’il garde de très bons souvenirs de sa carrière, quand on lui demande de pointer les meilleurs moments de sa vie, il répond :  » Ceux que je n’ai pas encore vécus.  » Parmi les instants qu’il n’oubliera jamais : son tout premier opéra, en réalité une opérette comme on en faisait à l’époque, intitulée No, no, Nanette. Créée en trois actes, l’histoire est celle d’une romance d’adolescents remplie de rebondissements, dont Nanette, 16 ans, incarne le personnage principal. Par la suite, suivront beaucoup d’autres spectacles, tels que les célèbres Attila de Verdi, Tosca de Puccini ou encore Guillaume Tell de Rossini. Des pièces classiques mais aussi de moins connues, comme La Voix Humaine de Francis Poulenc ou Le secret de Suzanne d’Ermanno Wolf-Ferrari…  » Moins réputées certes, mais tout aussi intéressantes « , d’après le quinqua émérite qui revoit idéalement chaque show deux, trois ou quatre fois –  » Un peu comme un film que l’on apprécie et que l’on regarde à nouveau pour y repérer les petits détails qui nous ont échappé précédemment.  » Pour Fernand Ruiz, chaque représentation reste un instant magique, une part de rêve jouée sur scène une fois le rideau levé, permettant au public de s’évader.

Dans les ateliers de l’Opéra royal de Wallonie, à l’avant-veille de la représentation générale de La Bohème, l’homme est d’un calme étonnant.  » Tout est prêt, annonce-t-il. Nous travaillons déjà sur la saison prochaine, pour Turandot de Puccini.  » Le secret de son efficacité ? Une très grande expérience du milieu lyrique, une organisation méticuleuse et une bonne cohésion d’équipe. Celle-ci se compose de huit couturières, trois personnes à la coupe, une qui s’occupe des patines, teintures, bijoux et masques, une qui entretient, transforme et distribue les chaussures et enfin une modiste. Sans compter celle qui gère la réserve de costumes comportant quelque 15 000 modèles ! Notre hôte du jour, lui, conçoit les patrons avec deux de ses collaborateurs. Au total, une production est constituée d’une moyenne de cent-cinquante tenues, chacune d’elles composée de trois à cinq éléments. Si l’on multiplie tout cela par le nombre de nouveaux spectacles présentés chaque année par l’opéra de Liège, le tout sur trente-sept années de carrière : Fernand Ruiz a déjà confectionné plus de 83 250 vêtements pour la scène.

La Bohème de Puccini, Opéra royal de Wallonie, place de l’Opéra, à 4000 Liège. www.operaliege.be Du 17 au 26 juin prochain.

PAR PRISCILLA DUBUS

 » LES MEILLEURS MOMENTS DE MA VIE SONT CEUX QUE JE N’AI PAS ENCORE VÉCUS.  »

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