DES CLICS (ET DES CLAQUES)

© INGRID OTTO

 » C’est un point de vue argumenté qui a le droit d’être exposé. Vous êtes fermée au débat « , me suis-je vu répliquer, alors que je m’étonnais sur Twitter qu’un prof d’univ enseigne à des petits chats de 18 ans que l’avortement est encore plus immoral que le viol. Je reconnais tout à fait le droit à ce monsieur – et à ses défenseurs – de penser que l’avortement constitue le crime d’un innocent. Ils peuvent, s’ils le veulent, tricoter une échelle de l’immoralité sur laquelle un crime reconnu – le viol – deviendra moralement moins grave que le droit des femmes à disposer de leur corps. Je reconnais également le droit à tous ces gens de manifester pour leurs idées, en agitant des cintres, si ça les amuse. D’ouvrir des blogs, d’écrire des livres, de donner des conférences, de se faire tatouer  » IVG = génocide  » sur le front si ça les chante. Mais si possible pendant leur temps libre, pas quand ils sont payés par la collectivité. Et s’ils pouvaient exposer leurs thèses à des gens qui ne leur sont pas, par nature, subordonnés, je serais la plus heureuse des femmes.

A propos de femmes, je m’étonne encore que les nombreuses personnes qui ont tenu à m’expliquer que mon utérus ne m’appartenait pas vraiment s’appellent Arnaud, Guillaume, Daniel, Bertrand, Boris, Joseph, Yeronimo, Dominique, Eliot. Pas un seul utérus numérique pour faire la morale au mien. Pas une seule femme pour me dire de me taire, au nom de la liberté d’un professeur à s’exprimer. Elles existent, pourtant, les femmes qui estiment que l’avortement est une abomination. Et c’est leur droit de le penser. Bonne nouvelle, personne ne les y oblige.

Je pense souvent à cette photo que j’ai vue passer, au moment où, en octobre dernier, des milliers de Polonaises sont descendues dans les rues pour empêcher leur gouvernement d’adopter une loi interdisant l’avortement. On y voit une vieille dame assez chic. Elle tient un panneau qui dit :  » I can’t believe I still have to protest this fucking shit.  » Littéralement :  » Je n’arrive pas à croire que je doive encore manifester pour cette connerie.  » J’espère ne jamais devoir être cette délicate dame avec son panneau un peu grossier. Mais je n’en mettrais pas ma main à couper.

PAR FLORENCE HAINAUT

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