Dans L’Âge des ténèbres, comédie acide du cinéaste québécois Denys Arcand, elle campe une héroïne fantasmée, qui peuple les rêves d’un quadra insignifiant. Dans Weekend, elle se confie…  » Je suis la reine des dinner parties à la maison « , lâche-t-elle avec bonne humeur Sa spécialité gourmande ? Le risotto à la truffe.

Une fille délicieuse : voilà l’impression qui se dégage quand on croise Diane Kruger, visage aquilin et parfait, poupée de porcelaine animée se prêtant avec grâce et une extrême gentillesse au jeu du  » Livrez-vous « . Hollywood, qui la comble, ne lui a pas tourné la tête : elle se moque gentiment du physique commun de Brad Pitt, mais aussi de sa propre rigueur très allemande, témoignant d’une autodérision rafraîchissante et inattendue.

Weekend Le Vif/L’Express : Dans L’Âge des ténèbres, vous incarnez Véronica Star, un fantasme de femme, une héroïne onirique qui sauve la vie médiocre d’un fonctionnaire. Jouer un personnage de rêve, au sens propre, ça fait quel effet ?

Diane Kruger : Jean-Marc, l’antihéros, rêve d’un rêve de cinéma. Il fantasme une vraie star, dans sa caricature, et imagine la vie qui va avec. Je joue une fille parfaite, toujours maquillée et attentionnée. Même en robe de chambre, je suis irréprochable ! Mais mon personnage est le seul qui comprenne vraiment Jean-Marc, sa vie médiocre et ses frustrations.

Être une femme de rêve, ce n’est guère un rôle de composition pour vous…

Ce n’est pas moi, mais le métier que je fais, qui suscite le rêve ! Et je ne conçois mon travail que comme ça. J’aime le décorum du cinéma, jouer le jeu à Cannes avec de belles robes, etc. Je veux que, grâce à moi, à mes rôles, les spectateurs s’échappent de leur vie pendant deux heures, ou même, j’ai espoir qu’un film puisse influer sur leur existence. Qu’il les fasse réfléchir et peut-être changer. Mais je ne me vis pas comme une icône glaciale, je me sens très proche des gens.

Pour la première fois, vous abordez le registre de l’humour, avec une tragi-comédie grinçante…

Oui, j’étais ravie de toucher à ce registre avec un dialoguiste aussi génial que Denys Arcand. Tourner avec lui m’a permis de me moquer de moi-même, ou plutôt de l’image qu’on peut avoir d’une star, se plaignant d’être traquée par les paparazzi… C’est tellement hypocrite ! Certes, il m’est arrivé de me sentir horriblement volée dans ma vie privée, mais c’est la rançon du succès : si des gens ne m’abordaient pas dans la rue, ça voudrait dire que personne ne voit mes films, non ? Et il me semble facile d’éviter les dérives des grandes stars hollywoodiennes se mettant en scène pour attirer les flashs. A Paris, on est préservé de cette folie. Je me souviens du tournage de Troie : on devait arrêter les prises à cause du bruit des hélicoptères tournoyant au-dessus de nos têtes pour tenter de prendre Brad Pitt au téléobjectif ! A côté de ça, je mène une vie tout à fait tranquille. Et, comme je ne risque pas d’être fiancée à Brad Pitt de sitôt…

C’est-à-dire…

Il est charmant, mais il ne m’a jamais fait rêver. Et, quand on tourne avec un acteur, le charme se dissout assez vite. Sauf pour Angelina Jolie !

Votre carrière a démarré de façon fulgurante. L’ambition est-elle une qualité à vos yeux ?

J’ai certainement de l’ambition pour moi personnellement, mais pas de plan de carrière. Mon but est d’arriver à travailler avec de grands réalisateurs. J’admire Jacques Audiard, Steven Soderbergh, Fernando Meirelles.

Vous aimez les défis. On se souvient du casting de Troie, pour lequel vous avez bricolé une cassette, seule dans votre chambre d’hôtel, avant d’être choisie parmi 3 000 candidates… Avez-vous été éduquée pour gagner ?

Ma détermination me vient de la conviction qu’en effet je n’ai rien à perdre. Et je n’ai qu’une vie ! Alors, essuyer un refus, on s’en remet. J’ai confiance en moi. Pas en mes talents, au contraire, il m’arrive de douter terriblement. Mais je pense que si je travaille avec passion et sincérité il n’y a pas de raison que je ne réussisse pas. A 13 ans, j’étais danseuse au Royal Ballet de Londres, avant d’être blessée. J’en ai gardé un goût de la discipline, du travail. Ajoutez à cela la fameuse  » rigueur allemande « …

Avez-vous encore peur que tout s’arrête du jour au lendemain, comme c’était le cas à vos débuts ?

Moins, mais je suis toujours angoissée. Il m’arrive de me trouver médiocre, de juger que j’en ai trop fait dans une scène… Et je fais encore le rêve récurrent de perdre toutes mes dents. C’est horrible. Une amie m’a dit que c’était signe d’une rentrée d’argent. Je préfère la croire aveuglément ! Aujourd’hui, mes plus profonds questionnements sont intimes : suis-je quelqu’un de bien ? Suis-je assez bien ? Assez attentionnée ?

Vos priorités sont-elles également personnelles, désormais ?

Oui, ma vie privée, amoureuse et amicale, a une grande importance. J’ai un chez-moi à Paris, dans le VIe arrondissement, que j’aménage en m’amusant beaucoup. Je vis entre Paris et Los Angeles, où vit mon ami ( NDLR : l’acteur canadien Joshua Jackson). Sur le plan professionnel, j’attends toujours le rôle qui va changer ma vie, celui où je serai complètement en fusion avec le personnage. Jusqu’à présent, j’ai eu de beaux rôles, mais parfois un peu  » déco « . J’ai joué de jolies femmes, point. Je rêve d’un rôle écrit pour moi, éventuellement à contre-emploi. D’un scénario où je pourrais tout donner, jouer sur toutes les palettes. Pourvu qu’un réalisateur fasse preuve de fantaisie…

En tant qu’ancien mannequin, vous avez un rapport à la beauté qui doit vous faciliter les choses face à la caméra. Vous ne connaissez pas la peur du  » mauvais profil « , par exemple…

Ça, c’est sûr ! Je suis à l’aise avec mon corps, même si je n’accepte la nudité que quand elle est nécessaire au rôle. Quel soulagement de pouvoir montrer mes rides, mes cernes… C’est plus frais, sincère et touchant de ne plus être parfaite. Quant au cliché du top devenant comédienne, donc forcément mauvaise, ce n’est pas mon problème, mais celui des autres ! Et le temps va faire son travail. En outre, la France est nettement plus tolérante que les Etats-Unis. Ici, il y a du travail pour tous les types de beauté. Et on peut encore admirer une Catherine Deneuve à 60 ans…

Qui porte sur vous le regard critique le plus précieux ?

Ma mère. Elle est capable de me lancer :  » T’étais nulle !  » Ça ramène à la réalité… Quant à mon père, je ne le vois plus depuis des années. Parfois, je me demande s’il sait ce que je suis devenue… L’opinion de mes grands-parents m’est essentielle. Mon grand-père aurait voulu devenir acteur, et il a pleuré en me voyant dans Joyeux Noël, qui évoquait la Première Guerre mondiale, où il s’était battu. J’aime aussi être abordée dans la rue quand les gens sont sincères et me livrent spontanément leur enthousiasme. C’est très gratifiant… plus qu’une belle robe sur tapis rouge ! Et j’ai un cercle d’amis très précieux. Aucun n’est dans le milieu du cinéma, où je n’ai que des copains. Les soirées entre acteurs dans les boîtes à fumer des pétards et parler nombril, ça me gonfle. D’ailleurs, ma grand-mère me disait toujours :  » Une femme chic n’allume jamais une cigarette en public « …

Si vous ne sortez pas en boîte, que faites-vous pour changer d’air ?

Je suis la reine des dinner parties à la maison ! Je fais le marché, j’invite mes amis tôt, et chacun est mis à contribution pour préparer le dîner. Je mitonne ma spécialité, le risotto à la truffe. Et, quand j’ai vraiment le temps, je fais même un tiramisu. Je veille au vin avec la plus grande attention : j’ai une petite cave chez moi ! Voyez, je suis une fêtarde, mais dans l’intimité…

Propos recueillis par Katell Pouliquenn

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