Entre parenthèses

© NICOLAS BALMET

Il y a des signes qui ne trompent pas : la semaine dernière, j’ai failli ranger mon garage. Je répète. J’ai failli. Ranger. Mon garage. Ça s’est vraiment joué à peu de choses. Mais juste avant que je ne passe à l’acte, mon cerveau a réussi à m’envoyer un message me murmurant :  » Ne fais pas ça. Ce serait montrer à ce satané virus qu’il a gagné.  » Je me suis donc abstenu, évitant in extremis de tomber dans les griffes de la secte Marie Kondo. Bien sûr, du coup, il me fallait une autre activité, puisqu’en ce moment, tous les journaux le disent : il faut aller de l’avant. Ne surtout pas se mettre en mode  » je n’en touche pas une, je reste en pyjama toute la journée et je regarde Koh Lanta à la télé « . Non, on doit rester plein d’entrain, ouvert sur le monde et faire des choses constructives. C’est à ce moment précis qu’un miracle se produisit. Comme par magie, alors que je commençais malgré tout à songer à m’ennuyer, mon beau-père m’envoya un lien vers l’une de ses récentes et passionnantes découvertes : le site Internet baptisé Fold N’ Fly. Qui, comme son nom l’indique à peine, répertorie des tutoriels, des plans détaillés et même des vidéos permettant de réaliser des dizaines… d’avions en papier.

Notre vie sociale déchante, mais le printemps chante. En attendant que les violons s’accordent, on pimente notre quotidien comme on peut… et comme on veut.

Quarante-quatre modèles, pour être précis. Autant dire un bonheur absolu. Le nirvana suprême en ces temps d’oisiveté imposée et, par extension, de paresse abusive. Le Graal d’Indiana Jones, l’Amérique de Christophe Colomb, le diamant vert de Michael Douglas. Quelques heures plus tôt, j’étais encore en train de jalouser ce roi de Thaïlande qui, pour vivre son confinement en toute décontraction, est parti s’installer dans un luxueux hôtel de Bavière en compagnie de ses serviteurs et de son harem (je vous jure que c’est authentique). Mais brusquement, ma convoitise s’évanouissait, me laissant avec cette envie frénétique de prendre ma vengeance sur les nombreux échecs de mon enfance, où je n’étais jamais le dernier pour façonner des avions en papier qui, hélas, dépassaient rarement la fameuse distance sociale d’1,5 mètre aujourd’hui en vigueur. En me (re)mettant à l’ouvrage, des frissons me parcoururent le corps et l’esprit. Je virevoltais de joie en découvrant des prototypes inconnus et des techniques de pliage totalement inédites. Quand je propulsais mes oeuvres dans les airs, elles volaient de mon salon à ma véranda, en passant par ma salle à manger et ma cuisine, tout cela sans escale. Ce confinement prenait enfin un peu de hauteur, et cela me remplissait d’allégresse. La seule question qui me taraudait était néanmoins légitime : sur quel collègue allais-je pouvoir tenter de faire atterrir ces drôles d’oiseaux ? A la nostalgie de l’enfance, succéda alors la nostalgie d’il y a seulement quelques semaines…

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