Mélangeant allègrement les notions d’individu et de groupe, la tendance  » egollective  » semble gagner du terrain, portée par la multiplication des communautés virtuelles.

Retrouvez Frédéric Brébant chaque lundi matin, vers 9 h 45, dans l’émission  » Bonjour quand même « , de Jean-Pierre Hautier, sur la Première (RTBF radio).

Vous n’y serez sans doute jamais. Moi non plus. Sur www.asmallworld.net (une adresse Internet que l’on pourrait traduire par  » un petit monde « ), seuls les jet-setters fortunés ont le droit d’entrer. D’ailleurs, il faut absolument être parrainé par un des membres déjà inscrits pour oser espérer faire partie de ce cercle très privé. Car cette communauté virtuelle joue évidemment la carte de l’exclusivité mondaine. Sur ce site très glamour, on s’échange ses bonnes adresses 5-étoiles, les soirées people à ne pas rater et les événements superhype du moment. Le tout dans une cinquantaine de capitales et de cités branchées qui vont de Berlin à Rio de Janeiro, en passant par New York, Courchevel, Moscou et même Bruxelles ! Bien sûr, on peut aussi y lancer des appels à l’aide du style  » Quelle est la meilleure baby-sitter de Saint-Barth ? »,  » Où trouve-t-on du caviar à New Delhi ? » et  » Dans quelle boîte de nuit a-t-on la chance de croiser Gwen Stefani ? » En deux clics de souris, les précieux abonnés de www.asmallworld.net ont la réponse immédiate à ces questions existentielles. Jaloux ? Ce genre d’espace très VIP a pourtant toujours existé. La nouveauté est qu’il se tient désormais dans l’univers cyber et qu’il fait exploser la notion même d’espace géographique. Grâce à lui, l’information convoitée circule en temps réel et le monde devient effectivement tout petit. Que ceux qui ne font pas partie du gratin se rassurent : ce genre de concept existe aussi pour le commun des mortels et se décline aujourd’hui dans une flopée de communautés virtuelles qui reposent sur le même principe d’exclusivité, que l’on soit nanti ou pas. Ainsi, sur le site belge www.parano.be ( lire aussi Le Vif/L’Express du 11 février dernier), n’importe qui peut a priori devenir membre de cette corporation fantôme qui navigue entre jeu de rôles et espace de rencontres. Là aussi, il faut être parrainé pour obtenir le précieux sésame et goûter enfin à cet indescriptible sentiment d’appartenir à  » l’élite « . Enivrant. Les exemples sont évidemment légion sur la grande Toile mondiale. Petit à petit, les communautés virtuelles se développent, ratissant les passions et les centres d’intérêt, au nez et à la barbe des frontières et des fuseaux horaires. La tendance peut sembler anodine, mais elle révèle cependant un nouvel état d’esprit au sein de la génération émergente. Après les années 1970 qui étaient très  » communauté peace and love  » et les années 1990 qui se sont révélées très individualistes, il semblerait que l’on se dirige tout doucement vers une fusion de ces deux extrêmes, à savoir une attitude qui navigue entre égoïsme et partage des mêmes valeurs, une pensée qui privilégie le  » seul mais ensemble « , bref un sentiment général que l’on pourrait baptiser  » egollectif « . En clair : l’individu de ce début de xxie siècle pense avant tout à lui, mais se rattache volontiers, par écran interposé, à une communauté qui a plus ou moins le même profil que lui. Histoire de partager pleinement ses passions sans aller trop loin dans la complicité  » physique « . Rassurant, l’écran est précisément le lien qui unit les contraires, le tremplin qui permet de dépasser son petit cocon tout en gardant le contrôle de la situation, l’outil idéal qui fusionne joliment l’ego et le collectif. Bienvenue dans un monde paradoxal. Bienvenue dans une nouvelle dimension du moi cybermélangé aux autres.

Frédéric Brébant

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