Au terme d’un imbroglio juridique, cet artiste s’est vu confier les clés du pavillon belge à l’occasion de la prochaine Biennale de Venise. En mai, il y programmera Personne et les autres, une exposition collaborative conviant une douzaine d’artistes étrangers.

Vincent Meessen, 1971, Baltimore. D’emblée, l’esprit s’arrête sur ce lieu de naissance étonnant pour un artiste sur le point de représenter la Fédération Wallonie-Bruxelles à la 56e Biennale de Venise (*). Par quel mystère ?  » Au retour de son service civil à Dakar à la fin des années 60, le travail promis à mon père à l’hôpital universitaire de Liège n’était pas au rendez-vous. Ce fut l’exil familial et économique aux Etats-Unis où je suis né. J’ai la double nationalité car là-bas, c’est le droit du sol qui prime.  » Exactement le genre d’expérience qui marque.  » Cette double appartenance m’a rendu très conscient de l’arbitraire juridique lié à la nationalité.  » De fait, de 2000 à 2005, aux côtés de sans-papiers et d’autres compagnons de route, Vincent Meessen fonde l’Ambassade Universelle, une plate-forme installée dans l’ex-ambassade de Somalie à Bruxelles.  » Ce projet social, fondateur dans ma pratique, fut une expérience d’hospitalité radicale tout autant qu’une alternative pragmatique au scandale des politiques d’asile de la forteresse Europe. Ce fut aussi l’invention d’une forme d’action collective apte à traduire en actes une citoyenneté sans frontières, qui conférerait des droits égaux à tous les résidents présents sur le même territoire.  » Avant cette aventure, Vincent Meessen craignait la  » haute mer « , comprendre une  » perspective artistique élargie aux approches conceptuelles « . En effet, jusque 30 ans, ce parfait bilingue s’en tenait sagement à la photographie documentaire. Pourtant, sa conscience était régulièrement mise à l’épreuve, comme en 1997, lorsqu’il visite la Documenta X de Kassel.  » Cela m’a littéralement soufflé et convaincu que seul le champ de l’art me permettrait de faire l’expérience de gestes et de formes avec la liberté et l’indépendance nécessaires. Ce fut la rencontre physique avec les oeuvres d’artistes que je continue à suivre de près, celles de Jean-Luc Moulène, Peter Friedl ou Stan Douglas.  » En 2001, Vincent Meessen participe à Ici et Maintenant. Sous le commissariat de Laurent Jacob, l’exposition rassemble à Tour et Taxis, à Bruxelles, le gratin des artistes vivant en Belgique. Dans la foulée, il accomplit une résidence de deux ans au Hoger Instituut voor Schone Kunsten (HISK) à Anvers.  » J’y disposais d’un atelier, j’avais des réunions régulières avec mes pairs et des professionnels. Ce fut alors le début d’un parcours intense en Flandre, tant au niveau du rythme des expositions que du soutien financier de centres d’art flamands et des fonds publics.  » Ces subventions sont cruciales dans le cas de sa pratique – qualifiée de  » discursive  » – qui  » ne repose pas sur la fabrication d’icônes pour les salons, ni de messages pour les foules « . Celui qui voit dans le fait de ne pas appartenir à une galerie l’un des signes les plus encourageants de sa sélection pour Venise possède une vision claire de sa mission :  » Etre artiste aujourd’hui consiste peut-être avant tout à produire de la différence et du différend. Ruser avec les règles qui conditionnent nos conduites et imposent des univers de référence auxquels se conformer.  » A ce titre, Personne et les autres, l’exposition qu’il signe en compagnie d’artistes étrangers, tape dans le mille.  » A rebours des discours identitaires, le Pavillon belge participera à énoncer de manière polyphonique ce « Je est un autre » de Rimbaud. La multiplicité d’autres qui habitent chacun d’entre nous déborde de toutes parts nos identités individuées. Pour combattre les grandes constructions narratives paranoïaques, celle de la terreur terroriste et de la criminalisation des étrangers qui font la Une, il faut arriver à élaborer des contre-récits qui sont à la fois opérationnels et poétiques.  » Ceci, malgré sa contestation par un autre artiste, Charles Szymkowicz, qui avait déjà fait annuler le choix du créateur représentant la Fédération à la Biennale de Venise de 2011. Contestation qui a fait prendre un retard conséquent au projet. Meessen pointe un système défaillant :  » L’appel d’offre public est une procédure inadaptée car elle peut être attaquée sur la base de calomnies difficilement vérifiables en procédure urgente par des non-experts, parfois hermétiques à l’évolution des acceptions terminologiques ou au régime de valeurs qui fondent les pratiques artistiques actuelles.  »

(*) Biennale de Venise, du 9 mai au 22 novembre prochains. www.labiennale.org

PAR MICHEL VERLINDEN

 » Etre artiste aujourd’hui consiste à produire de la différence et du différend. « 

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