Banderas en haut de l’affiche! Le bel Antonio s’offre un film pour enfants avec « Spy Kids 2 », avant de débuter à Broadway et de retrouver Pedro Almodovar. Interview.

Chez les Banderas-Griffith, on voyage en famille. Alors qu’Antonio donne des interviews, Melanie et les enfants s’adonnent aux joies du tourisme. L’acteur espagnol installé aux Etats-Unis est venu à Paris faire la promotion de « Spy Kids 2 », la suite loufoque à souhait d’un succès du cinéma d’aventure pour jeune public. Dans ce film, écrit et réalisé par le délirant Robert Rodriguez (celui-là même qui attira Banderas en Amérique pour « Desperado »), il fait équipe avec Carla Gugino. Les deux complices incarnent à l’écran des agents secrets parents de deux espions en herbe (Alexa Vega et Daryl Sabara) qui les entraîneront vers une île mystérieuse et une série de péripéties pimentées d’effets spéciaux. Pas moins heureux de défendre un spectacle pour kids qu’il ne l’est à commenter ses rôles les plus importants, le bel Antonio n’a rien perdu de sa sympathie, de son sens de l’auto-dérision, de ce charme et de cette accessibilité qui en font une des stars les plus agréables de tout le showbiz.

Weekend Le Vif/L’Express: Vous semblez décidément bien aimer vous moquer de votre image . Dans « Spy Kids 2 », vous mettez en boîte celle du « latin lover »…

Antonio Banderas: … que je ne suis pas, quoi qu’on puisse en penser ( rire)! Le cliché a la vie dure, mais il n’a rien de vrai dans mon cas. Je suis un acteur éclectique. Je tourne les trucs les plus différents possibles, du film d’horreur à la comédie musicale en passant par le film de cape et d’épée, le polar et le film pour enfants. Je travaille sans cesse, je néglige les plans de carrière au profit du seul plaisir de découvrir, d’expérimenter des choses que je n’ai pas encore faites. « Eclectique » est le mot qui s’applique à moi, pas celui de « latin lover ». Je n’ai jamais incarné un seul « latin lover » dans un film américain, mais dès que se pointe un acteur hispanique pas trop moche, on ressort le cliché! Aux Etats-Unis, vous n’imaginez pas avec quelle fréquence cela revient dans les questions qu’on me pose. J’ai beau répondre que je ne suis pas un « latin lover », cela me poursuit. Quand je serai vieux, barbu, avec un gros bide, on me montrera du doigt en disant: « Regarde-le: quand tu penses que c’était un « latin lover!… » Il faudra que je m’y fasse. De toute façon, se moquer de soi-même est une chose très saine.

Mais sex-symbol, vous l’étiez bel et bien en Espagne…

Exactement! Et pas seulement dans les films d’Almodovar (j’en ai fait cinq, et nous devrions de nouveau tourner ensemble en 2003). Dans tous mes films espagnols, j’avais chaque fois au moins deux scènes de lit! Nous n’avions pas de budget pour des effets spéciaux, des grandes figurations, des décors spectaculaires. Mais on trouvait toujours assez d’argent pour un lit ( rire)… Au bout d’un moment, tout en trouvant certes la chose agréable, j’ai commencé à en avoir un peu marre. Imaginez que vous jouiez le rôle d’un pompier dans un film, puis dans un second. Au troisième, vous commencerez à avoir envie d’autre chose. Et au dixième, d’un rôle de pyromane! C’est paradoxalement Hollywood qui m’a tiré des emplois d’amant torride. J’ai eu très peu de scènes de lit, là-bas. Il y a même eu quelques films où je n’avais aucune relation érotique ou sentimentale! Du reposant, quoi… On ne m’en ressort pas moins le cliché du « latin lover ». Les gens ont besoin de mettre des étiquettes sur tout. Au fond, je ne vais pas trop me plaindre. Mieux vaut encore « latin lover » que « pervers psychotique » ou « faux jeton congénital »… Mais je ne me refuse aucune liberté de choisir. Quand je pense à celles et ceux dans mon métier qui se limitent, qui « pourne pas désorienter mes fans », qui « pour ne pas altérer mon image ». Vraies conneries que tout ça! Moi, je suis aussi libre aujourd’hui qu’au temps où je n’étais… personne, et où je courais – avec déjà beaucoup de plaisir – de cacheton en cacheton. Cette liberté fait de moi une bête curieuse à Hollywood!

Cela fait maintenant une dizaine d’années que vous vivez aux Etats-Unis. L’Espagne ne vous manque-t-elle pas parfois?

J’ai fait ma vie aux Etats-Unis parce que c’est là que j’y ai trouvé ma femme, et qu’elle avait déjà deux enfants qui ont leur père respectif là-bas. Je ne pouvais pas emmener ces gosses en Espagne et les couper d’un de leurs parents. Ma vie en Amérique, c’est ma vie en famille. Ca pourrait tout aussi bien être en Indochine, pourvu que les miens soient là! Par ailleurs, c’est vrai que certaines choses me manquent. Nous vivons à Los Angeles, une ville dure, pressée, où personne ne marche, où tout le monde roule en voiture. Je regrette de ne pouvoir descendre le matin pour marcher dans la rue, saluer les gens du quartier, acheter mes cigarettes, mon journal, et discuter un peu avec le boutiquier. Ce sens de la communauté, ce plaisir presque sensuel du temps qui se déguste, je ne les ai plus. Un jour, probablement, nous déménagerons pour New York où ces choses précieuses sont encore de mise, une ville un peu européenne où il y a plus de culture. Dakota a 13 ans. Ce n’est pas le moment de la couper de son environnement. Lorsqu’elle en aura 17 ou 18, nous ferons le pas, sans doute.

Votre vie privée reste sous la constante pression de certains médias. Est-ce la rançon de la gloire?

La pénible rançon d’un système. Un système abusif, dangereux, mais qu’on accepte par crainte des représailles, comme au temps de la mafia. Je n’imaginais pas que cela puisse créer autant de tension jusque dans votre rapport de couple. Et dans la famille. L’autre jour encore, ma mère m’a appelé depuis l’Espagne pour s’inquiéter d’articles qu’elle avait lus et qui annonçaient que nous allions divorcer, Melanie et moi. Je lui ai dit: « Maman, c’est au moins la seizième fois que tu lis une chose pareille! Ne t’en soucie pas! » On pourrait se rebeller, entamer des procès, mais on préfère laisser passer. Parce qu’à la tête du capital des groupes possédant ces médias se trouvent des gens qui sont aussi propriétaires des studios. Alors tu te dis qu’il vaut mieux la fermer, parce qu’il pourrait y avoir des représailles. Dur, parce que ça rappelle ce qui se passait au temps d’Al Capone. Juste en moins violent ( rire)… Mais on s’habitue à tout, mon ami. On fait le gros dos, on finit par ne plus faire attention. Même quand on fabrique carrément de faux documents en mettant votre tête sur le corps d’un autre, chose très simple avec un logiciel comme Photoshop…

Ne disposez-vous pas pourtant d’un certain pouvoir dont vous pourriez jouer?

Le pouvoir que donne le succès? N’allez surtout pas le surestimer! Voici deux ans, Eddie Murphy était au sommet. En 2002, il a sorti deux films. Un qui a coûté 160 millions de dollars et en a rapporté 6. Et un autre qui a coûté 130 et rapporté 15… Rien n’est jamais garanti, si vous n’avez pas un bon film. Le plus populaire des acteurs peut se retrouver à terre du jour au lendemain ou presque! Kevin Costner aussi a connu les sommets…

Cela vous tracasse-t-il?

Non! Si vous y pensez, vous devenez paranoïaque. Quand je vois ces acteurs anxieux se précipiter sur les journaux professionnels pour scruter les chiffres du box-office, les sondages de popularité, je les plains. L’anxiété est le pire ennemi. Moi, je ne vais pas déprimer parce qu’un de mes films est un flop. Pas plus que je ne vais jeter des confettis en l’air parce qu’il y en a un qui est numéro un! Mon but n’est pas de m’accrocher aux sommets, où seulement 4 ou 5 acteurs tels Tom Cruise, Mel Gibson, ont leur place, mais de faire le yoyo dans une zone pas trop basse, dans laquelle je peux continuer à travailler comme je l’aime.

Quel genre de père êtes-vous?

Un père aimant mais qui sait être ferme, poser les limites nécessaires. Chez nous, à 21 h 30, tous les enfants sont au lit! Je ne les bassine pas avec des règles assommantes, mais il leur faut une certaine discipline. Qui se concrétise souvent dans des choses toutes simples, comme le fait de manger tous ensemble, le soir, à la table familiale. C’est devenu rare, croyez-moi, dans les familles d’aujourd’hui! Mais chez nous, c’est une exigence. Les problèmes? On s’emploie à les résoudre un par un, en prenant le temps nécessaire. En ce moment, il y a l’aîné qui a 17 ans, qui n’est pas encore tout à fait un homme mais qui n’est déjà plus un enfant. Il est malheureux, se révolte contre tout, il nous trouve stupides, sa mère et moi. Il cherche des réponses à ses nombreuses questions sur lui-même, mais la seule chose que je puisse lui dire, c’est que je suis passé par là moi-même ( rire). Je ne suis pas certains que ça l’aide beaucoup. Mais c’est la vie! Mon seul regret par rapport à ma famille, c’est d’être trop souvent absent pour cause de travail. Je vais bientôt monter sur les planches à Broadway, et cela m’excite formidablement. Mais cela signifie aussi que je serai loin des miens. Le soir, après le spectacle, même si le succès est au rendez-vous, je m’en voudrai un peu, c’est sûr…

Propos recueillis par Louis Danvers [{ssquf}]

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