Barbara Witkowska Journaliste

L’ordinateur et le courrier électronique ont certes changé nos habitudes d’écriture. Mais le stylo à plume n’a pas dit son dernier mot. Synonyme d’un plaisir à la fois tactile et spirituel, il se hisse aujourd’hui au rang de bel objet de luxe.

Carnet d’adresses en page 80.

Savez-vous que les plus beaux stylos du monde sont fabriqués, à la main, à Bassano del Grappa, petite ville au charme fou qui se déploie le long du fleuve Brenta, à 80 km de Venise ? L’histoire commence il y a presque un siècle. A l’époque, la frontière avec l’Autriche est à deux pas. C’est donc une famille autrichienne qui fonde, en 1912, une manufacture de plumes, la plus ancienne manufacture italienne du stylo. Dès le début, on fait appel aux matières les plus nobles : le celluloïd, matériau naturel fabriqué à partir de la cellulose de coton, au toucher et à la brillance inégalables ; la galalithe, d’un sobre très chic ; l’or et l’argent.

Peu de temps après la création de la manufacture, la Première Guerre mondiale éclate. La région de Bassano est au c£ur du front italo-autrichien. Un hôpital militaire s’installe juste à côte des ateliers. Il devient vite célèbre grâce à deux ambulanciers volontaires de renom : Ernest Hemingway et John Dos Passos. Selon la légende, les deux écrivains américains avaient poussé la porte de l’usine pour y acheter quelques stylos…

A la fin des hostilités, la manufacture poursuit ses activités, sous la houlette de différents propriétaires. Sa spécialité ? Les éditions limitées, raffinées et admirablement ouvragées. Le nom Montegrappa est bien connu des collectionneurs passionnés. En 1995 est lancé le modèle Dragon. Le corps en celluloïd est habillé avec une sculpture en relief, représentant un décor stylisé de l’animal mythologique. Imposant, impressionnant et un peu théâtral, le Dragon est un objet rare qui fait la fierté de son propriétaire.

En 2000, Montegrappa tombe dans l’escarcelle du groupe de luxe Richemont (propriétaire, notamment, de Cartier, Piaget, Baume & Mercier, Van Cleef & Arpels, etc.) Depuis, le destin de l’usine de Bassano est bien tracé, sa philosophie est repositionnée. Montegrappa, synonyme du luxe suprême, peaufine des éditions (très) limitées qui font appel au savoir-faire séculaire des artisans mais, surtout, aux techniques joaillières du groupe Richemont, tels la cire perdue, le sertissage, le guillloché ou encore l’émail à chaud ou à froid.  » L’esprit de Montegrappa s’inscrit dans un univers émotionnel, sensoriel et culturel, souligne Sergio Le Bon, PDG de la société. Nos éditions limitées s’inspirent des civilisations classiques, telles la Grèce ou l’Egypte, évoquent des voyages extraordinaires ou commémorent des événements importants.  »

Quelques exemples ? Le capuchon en argent massif du modèle Grèce Antique interprète les lignes cannelées des colonnes de temple. Le somptueux décor du stylo White Nights célèbre le 300e anniversaire de la ville de Saint-Pétersbourg. Il est réalisé avec une gravure en bas relief et l’émaillage à froid aux couleurs symboliques de la Russie : blanc, rouge et bleu. Le premier exemplaire de cette série a été réservé à Vladimir Poutine, originaire de la ville. L’édition limitée Vatican 2000 Papal Pen, elle, célèbre le Jubilée de 2000, avec des images finement gravées, inspirées de l’iconographie chrétienne. Living Harmony est dédié à la ville de Singapour, à l’occasion du 40e anniversaire de sa fondation. La gravure sur le corps représente quatre lieux de culte : une mosquée, une pagode chinoise, un temple hindou et une église chrétienne. Une façon symbolique de montrer la coexistence pacifique entre ces quatre religions. Le modèle The Journey on the River Rhine raconte un voyage le long du Rhin. Quant au Peace Pen, dédié à la paix dans le monde, il est habillé de platine massif, de diamants et de cristal. Edité à un seul exemplaire, il vaut 900 000 euros.

A côté de ces éditions limitées et prestigieuses, collections permanentes offrent le plaisir d’écrire au quotidien. Réalisées avec le même soin et le même savoir-faire, elles utilisent les mêmes matériaux : le celluloïd, l’or, l’argent et l’ébonite (qui sert à fabriquer le conduit ou le  » moteur  » du stylo, situé juste en dessous de la plume). L’ébonite et l’encre forment un mariage parfait qui garantit une écriture propre et nette, sans bavures. Le modèle Micra, avec sa forme octogonale bien originale, est le plus demandé. Il existe aussi en version plus petite, pour plaire aux femmes. Les couleurs sont belles, joyeuses et très italiennes. Il y a du rose, du bleu ciel, du jaune, de l’orange et du blanc. Pour le printemps, on nous annonce un vert raffiné. Certains modèles sont sertis de diamants. L’autre produit phare, la collection Miya, séduit par son corps arrondi, ses courbes sensuelles et ses coloris lumineux bleu nuit, rouge, jaune et turquoise. Dans la déclinaison Miya Argento, le capuchon est en argent massif, décoré d’incisions raffinées dans l’esprit italien. Les collections  » prêtes-à-écrire  » de Montegrappa sont disponibles également en roller, en stylo bille et en porte-mine.

Et aussi…

Les marques qui nous sont plus familières ne cessent également d’innover et de nous surprendre. Montblanc, serti de son emblématique étoile blanche, poursuit ses séries limitées dédiées aux écrivains et aux personnalités célèbres. Le centenaire de la naissance de Greta Garbo (née le 18 septembre 1905) a inspiré trois modèles aux lignes inédites. Les courbes sont souples mais vigoureuses et affirmées, pour souligner la forte personnalité de la star. Le corps est de couleur noir jais, tandis que le capuchon existe en version couleur crème ou en argent avec des incrustations rectangulaires de laque noire. Le modèle le plus prestigieux, édité à 100 pièces, brille de son or massif rose, de nacre éclatante qui habille le capuchon et de diamants qui se posent sur le capuchon et le corps du stylo. Côté littérature, un hommage à Miguel de Cervantes s’imposait car, cette année, on célèbre le 400e anniversaire de la publication de  » Don Quichotte « . Le design est une interprétation libre et stylisée des ailes des légendaires moulins à vent, réalisé en laque d’un marron marbré, rythmé par des anneaux d’or. Stylo à plume et stylo à bille.

S.T. Dupont emboîte le pas de la tendance  » customisation  » et propose le modèle D-Link. Le stylo, en finition laque noire ou platine guilloché, est personnalisé par une bague, placée à l’endroit de la rencontre du corps du stylo avec le capuchon. On la retire facilement. Envie de changer ? Chaque stylo est fourni avec deux bagues, l’une décorée d’une frise, l’autre animée de traits de métal platine. La ligne comporte déjà 12 modèles différents où l’on remarque, notamment, le motif à pointes de diamant, décor fétiche de la marque et des bagues incrustées de pierres en cristal.

Enfin, Waterman innove par la forme. Le stylo Exception joue sur le contraste inattendu entre le corps quadrangulaire et sa section arrondie. Ce bel objet de forme carrée s’habille de laque noire, tantôt brillante, tantôt satinée, rehaussée, parfois, de finitions or. Plume et roller.

Barbara Witkowska

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