Un regard candide couleur émeraude, une bouche adorable et un talent qui a fait fondre Daniel Auteuil et Hollywood. La sirène Astrid Bergès-Frisbey nage désormais dans le grand bain du cinéma.

Son vingt-cinquième printemps – elle en paraît presque dix de moins – est sans doute le plus beau. En robe d’été dans La Fille du puisatier, en parure d’écailles dans Pirates des Caraïbes. La Fontaine de jouvence, ou tout simplement en jean slim et sweat à capuche dans cette brasserie de la place de Clichy, à Paris, où elle accorde ses rendez-vous, Astrid Bergès-Frisbey est la jolie fleur de ce printemps. Elle est arrivée avec cinq minutes de retard et des phrases au kilomètre. Cela tombe bien : on a plein de questions à lui poser.

Qu’y a-t-il de plus inhibant pour une jeune actrice ? Remplacer au pied levé Mélanie Laurent dans le rôle principal de La Fille du puisatier ou tourner dans une superproduction hollywoodienne avec Johnny Depp ?

La seule chose que je peux mal vivre dans un casting, c’est de ne pas avoir la possibilité de le passer… Sinon, je commence à comprendre comment cela fonctionne, à accepter tous ces paramètres sur lesquels on n’a aucune prise. On est souvent trop ceci ou pas assez cela, il faut parfois attendre des mois… J’essaie d’en prendre mon parti et de donner le meilleur de moi-même. Pour La Fille du puisatier, j’y suis même allée avec joie, car le texte de Pagnol est le premier que j’ai joué au cours Simon. C’était un clin d’£il à mes débuts. Lorsque j’ai rencontré Daniel Auteuil, il m’a ouvert les bras et m’a souhaité la bienvenue. J’ai vu dans ses yeux qu’il m’avait vraiment choisie et cela m’a donné une immense confiance.

Les choses ont été plus laborieuses pour Pirates des Caraïbes ?

Oui, j’étais plus stressée, car je ne maîtrisais pas la langue. Je n’avais que quelques jours pour me préparer avant de filer à Los Angeles. À ce moment-là du casting, nous n’étions plus que trois filles : deux Anglaises et moi-même. Je n’y croyais pas vraiment, car la production me trouvait trop jeune. Ça me semblait tellement irréel… Quand j’ai rencontré Rob Marshall, bizarrement, tout le stress s’est dissipé. C’est un homme très doux, très gentil, très loin de l’image du requin de Hollywood. Je suis rentrée à Paris convaincue d’avoir fait le maximum, mais sûre, également, que ça ne marcherait pas, d’autant que les dates du tournage chevauchaient celles de La Fille du puisatier. Et puis j’ai dû filer à Londres pour de nouveaux essais. Le soir même de mon arrivée, mon agent m’a appelée pour me dire que le rôle était à moi. J’ai cru que c’était une blague !

La première personne que vous avez appelée pour annoncer cette nouvelle ?

Ma mère et mon amoureux. Le pire, c’est que j’étais toute seule et que je ne pouvais faire la fête avec personne ! Je ne pouvais même pas crier dans ma chambre d’hôtel, car tout le monde dormait !

Le mannequinat, que vous avez brièvement exercé, constitue-t-il une bonne école pour affronter ce genre de casting ultrasélectif ?

Mais je ne fais pas de mannequinat !

Il n’y avait pas de mal non plus. N’avez-vous pas prêté votre visage pour une campagne publicitaire de la marque britannique French Connection ?

Ils cherchaient une comédienne française et c’est pour cela que j’ai tourné ce petit film mais je ne passe pas ma vie à courir les castings pour des pubs. Pour revenir à votre question, je crois que ce qui m’aide, c’est d’avoir très souvent déménagé durant mon enfance et d’avoir pris mon indépendance très jeune. J’avais besoin d’air et je voulais devenir ostéopathe. À 17 ans, j’ai quitté ma province pour m’installer à Paris. J’en ai gardé une grande faculté d’adaptation.

Vous faites tout assez jeune, en fait.

[Sourire.] Oui, j’ai une vie assez remplie, pour mon âge. Sauter dans un avion au dernier moment ne me pose aucun problème.

Vous faites aussi beaucoup plus jeune que votre âge. On vous le dit souvent ?

Tout le temps. Sur les castings, à l’entrée des boîtes de nuit… Il m’est arrivé d’être refoulée d’une fête de fin de tournage parce que je n’avais pas mes papiers d’identité.

Comment passe-t-on de l’ostéopathie à une carrière de comédienne ?

En traversant des événements bouleversants comme la mort d’un papa… Ça vous remue tellement. J’ai toujours eu le théâtre en moi, mais j’étais dans le déni. J’en venais presque à insulter ceux qui me parlaient de la comédie, qui ne me semblait pas un vrai métier. La mort de mon père, alors qu’il n’avait que 46 ans, m’a autorisée à écouter mon c£ur, à me donner les moyens de faire ce dont j’avais vraiment envie. Bien sûr, le facteur chance est très important dans ce métier, mais ce qui compte, c’est de se donner les moyens de réussir. Si je meurs demain, je veux être heureuse de ce que j’ai accompli, du chemin que j’ai choisi.

Pas de regret d’avoir interrompu vos études ?

Non, car je m’étais fixé comme objectif de passer mon bac et je l’ai obtenu. Je l’ai passé par correspondance, l’année qui a suivi la mort de mon père. Je me suis prouvé à moi-même que je pouvais avoir cette rigueur-là.

Votre papa était espagnol. Qu’y a-t-il d’espagnol en vous ?

Sans doute une certaine ouverture aux autres et aux situations. Les Français sont parfois plus distants, plus craintifs que les Espagnols. Et puis, je parle fort ! J’ai vécu à Barcelone jusqu’à l’âge de 5 ans mais j’ai passé toutes mes vacances en Espagne, enfant. Je parlais espagnol et catalan avec ma famille, je connais Barcelone mieux que Paris, je viens d’y tourner un film…

Le plus dur et le plus émouvant de ces cinq mois à jouer les sirènes ?

Le plus dur, c’était de tourner dans l’eau chlorée parfois des journées entières. C’était éreintant. Le moment le plus émouvant, ma dernière scène. Je pleure chaque fois que je quitte un tournage, mais cette fois-ci j’étais dans l’eau, fatiguée, heureuse, entourée d’une équipe qui reconnaissait mon travail.

PAR GÉRALDINE CATALANO

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