Ils sont la preuve vivante que la musique classique, c’est pas gnangnan. Avec Le rêve d’Ariane, livre-CD et spectacle, les musiciens du quatuor Alfama jouent leur petite musique de chambre à hauteur d’enfant. Parents admis.

Tous pour un, un pour tous, le quatuor Alfama ne déroge pas à la règle. Dans la camionnette bleue, ils ont rangé les décors (un tapis de gazon synthétique), les accessoires (quelques fleurs et une perruque en carton blanc), les costumes (signés Laurence Hermant) et leurs instruments de musique. Le violoncelliste est au volant, la comédienne Ariane Rousseau est là aussi, ils s’apprêtent à prendre la route, direction Paris pour présenter Le rêve d’Ariane à la Cité de la musique, après l’Opéra de Dijon, de Bordeaux, la Philharmonie du Luxembourg, une tournée organisée par les Jeunesses Musicales de France dans 28 villes de l’Hexagone, et avant le studio 4 de Flagey, à Bruxelles. Les quatre musiciens – Elsa de Lacerda, Céline Bodson, Kris Hellemans et Renaat Ackaert – ont délégué l’une d’entre eux, Céline, second violon, pour évoquer en quelques mots lumineux leur aventure, leur spectacle, leur tout nouveau livre-CD et l’histoire du quatuor en version enfant, sans verser dans le gnangnan, le didactique pompier ou le cours de solfège qui vous dégoûte à jamais du classique. Au contraire, place à l’imaginaire, à la justesse, à la beauté, donc à l’émotion, Céline sait de quoi elle parle – à 5 ans, elle commençait le violon, méthode Suzuki.  » Elle est ma maison. Le fil d’Ariane de ma vie. Et ma mémoire. Il faut parler de musique aux enfants, parce qu’elle permet une connexion avec le genre humain, avec l’humanité entière de manière sensible.  » C’est donc l’histoire d’une petite fille, interprétée par Ariane Rousseau, blottie au creux d’un arbre qui entend des voix, celle d’Ariane Rousseau, comédienne, celle du Quatuor Alfama, deux violons, un violon alto, un violoncelle, avec invitation à les suivre –  » viens avec nous « . Car l’idée est de raconter en un joli ping-pong mots-partitions l’histoire du quatuor à cordes, de Joseph Haydn à Frédéric Devreese, de Vienne à ici, avec palettes de sentiments et décryptage subtil. D’abord spectacle, Le rêve d’Ariane est aujourd’hui incarné dans un livre-CD (auto-édité, grâce notamment au crowdfunding) qui parle harmonieusement le langage des petits (5-10 ans) et prend une belle dimension 2D avec les illustrations sensuelles de Madeleine Tirtiaux. Morceaux choisis.

Le rêve d’Ariane, l’histoire du quatuor à cordes racontée aux enfants, par Ariane Rousseau et le Quatuor Alfama. Un livre-CD et un spectacle, ce 8 février, à Flagey, studio 4. www.quatuoralfama.com

PAPA HAYDN

 » On l’appelle ainsi parce qu’il est le père de tous les quartettistes, rappelle Céline Bodson. Il a écrit 68 partitions pour le quatuor à cordes, lui a donné des possibilités infinies et a inspiré toutes les générations futures, dont Mozart. Tous les grands compositeurs se sont essayés au quatuor, c’est l’une des formations les plus prodigieuses… Nous avons suivi une masterclass avec Eberhard Feltz en Allemagne, il y a quatre ans, il nous montrait combien Haydn était plein d’humour. Cela fait du bien, en musique classique, de parler d’humour. Et les enfants le perçoivent, même si c’est de manière inconsciente. Avec la musique, on ne sait pas par où ça passe mais on sait que l’essentiel passe.  »

DE VIENNE À PARIS

 » La musique, c’est étendu géographiquement, on a choisi Ravel pour incarner la France, dit Céline Bodson. Sa musique a un côté frais, féerique, et je crois que l’idée du jardin est appropriée pour traduire cela. Il y a un pont stylisé, des lapins, des oiseaux et Ravel, dans son costume raffiné. C’est un jardin évocateur, plaisant et léger, même si la musique de Ravel ne se réduit pas à cela, son univers est grand ! Madeleine Tirtiaux a fait un travail incroyable.  »

LA PALETTE INTIME DES SENTIMENTS

Qui mieux que Beethoven pour traduire l’amour, la colère, la tristesse et la joie ? Le Quatuor Alfama et Arianne Rousseau rêvaient de fournir aux enfants un petit jeu de clés, celles qui permettent de mettre des mots sur les vibrations de l’âme, c’est fait, sans forcer la main, avec Beethoven, le trop-plein des émotions n’est jamais loin. Où l’on apprend par la même occasion que, petit, Ludwig était très malheureux, que son père le réveillait en pleine nuit,  » quand il rentrait du cabaret « , et qu’il le faisait travailler et jouer  » encore et encore  » pour en faire  » un génie « ,  » comme Mozart « . Où l’on comprend aussi pourquoi et comment, plus tard, la musique sera la seule échappatoire à sa solitude, à sa surdité terrifiante, oui,  » la musique guérit « .

LA MUSIQUE COMME LANGAGE UNIVERSEL

D’où l’idée de laisser libre cours aux émotions, ne rien dicter, que chacun se crée sa propre histoire, que l’imaginaire soit roi, pas de voies toutes tracées. Céline Bodson se souvient de Bach raconté aux enfants, le 33 tours qu’elle écoutait sur son tourne-disque, avec émerveillement. C’est exactement cela que le Quatuor Alfama et Ariane Rousseau aimeraient partager, avec légèreté. Pari tenu.

PAR ANNE-FRANÇOISE MOYSON / ILLUSTRATIONS : MADELEINE TIRTIAUX

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