Le designer français est devenu incontournable. Alors qu’une monographie sort sur son travail (1), il nous reçoit pour une conversation où il est question du métier et des objets.

Que faisaient vos parents ?

Mon père était électricien sur des lignes à haute tension avant de faire les marchés et ma mère était vendeuse. Ils étaient d’un milieu fort modeste. Je ne peux pas dire que j’étais bien avec eux, cela ne passait pas. J’ai d’abord été élevé par ma grand-mère, je suis ensuite parti en pension puis je suis revenu vivre chez elle. C’était une maîtresse femme géniale : elle mettait tout le monde au pas et en même temps, c’était la crème des crèmes.

Êtes-vous un boulimique de travail ?

Gros mangeur oui, mais pas boulimique. Je sais prendre mon temps. J’aime produire mais, à chaque fois que je me suis précipité, j’ai commis une erreur.

Vous gagnez beaucoup d’argent ?

Non ! Bien sûr, si je dois changer ma machine à laver je fais un chèque et ce n’est pas un gros problème, mais je n’en gagne pas beaucoup. Le seul qui en gagne beaucoup en France, c’est Philippe Starck.

Vous avez pourtant aménagé les boutiques de Chantal Thomass, de Castelbajac et les restaurants Gagnaire.

Des projets comme ceux-là ne se refusent pas, mais ils demandent beaucoup de travail. Ce n’est pas facile pour moi.

C’est quoi, un design réussi ?

Des objets dans lesquels il n’y a rien et tout à la fois. Un peu, toutes proportions gardées, comme un monochrome de Klein. C’est un design incompressible, à ne pas confondre avec le minimalisme. Il me semble que j’y suis arrivé avec le fauteuil Butterfly Kiss. Par ses dimensions, il n’est pas minimaliste, mais il est incompressible : deux pieds et deux planches.

Vous doutez beaucoup de vous ?

Oui. Dessiner une assiette ou une tasse à café pertinentes, cela n’a l’air de rien, mais c’est extrêmement difficile. Que puis-je faire pour que mon assiette soit mieux que toutes les autres ? Même les designers que j’admire énormément, comme Ron Arad ou Marc Newson, n’ont pas réalisé que des chefs-d’£uvre.

Vous vivez au milieu de vos créations ?

J’ai très peu de meubles que j’ai créés. Il y a tant de designers extraordinaires que cela vaut le coup de s’intéresser aux autres. Je vais vous raconter une anecdote : il y a quinze ans, ma femme désirait changer de canapé. Ravi, je lui propose d’en dessiner un rien que pour nous, une pièce unique, mais elle m’a répondu :  » Oh non ! J’ai envie d’être bien assise.  » Bon… Depuis, le regard que l’on porte sur les designers a quand même changé, heureusement.

(1) Design by Christian Ghion, par Pierre Doze et Barbara Poirette, Bernard Chauveau, 184 pages.

CÉCILE PIVOT

Le seul qui gagne beaucoup d’argent en France, c’est Philippe Starck.

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