Rien n’est trop beau pour la 100e boutique Longchamp, qui vient d’ouvrir ses portes dans le quartier de Soho à New York : un aménagement confié au designer londonien Thomas Heatherwick et une soirée d’inauguration qui mariait  » French Touch  » et glamour new-yorkais. Weekend y était.

De notre envoyée spéciale

Mardi 23 mai, 19 heures : des photographes aux objectifs démesurément longs et des gardes de sécurité arborant discrètement une oreillette s’agitent, tandis qu’Uma Thurman, Isabella Rossellini, Eva Mendes, Lucy Liu ou encore Susan Sarandon gravissent les marches. Pourtant, en dépit des apparences, nous ne sommes pas au Festival de Cannes, mais à l’ouverture de la nouvelle boutique Longchamp à New York.

Le tout Manhattan s’est déplacé pour l’inauguration de la Maison Unique (en français dans le texte, mais prononcé avec l’accent américain) et le cocktail organisé au premier étage n’a rien à envier aux réceptions new-yorkaises les plus glamour. Vers 20 h 30, l’immeuble est bondé :  » La sortie des serveurs étant située au milieu du premier étage, le temps d’arriver en haut des marches, il n’y avait plus de coupes de champagnes pour les VIP, confie Christophe Hermet, directeur artistique de Reflexevent, l’agence française chargée de préparer cette soirée.  » La parade est simple : les serveurs déambulent au milieu des 160 invités avec des coupes vides, qu’ils remplissent au fur et à mesure.  »

La maison familiale et artisanale Longchamp est donc devenue une marque de réputation internationale (1 300 employés et 2 millions de pièces vendues chaque année), loin de l’hippodrome parisien emblématique et de la fabrique de pipes fondée en 1948 par Jean Cassegrain. Pourtant, les traditions se maintiennent, la famille Cassegrain ayant tenu à une soirée à l’étiquette très  » française « , comme en témoigne le dîner servi au deuxième étage. Au menu : napoléon de betteraves au fromage de chèvre, coquilles Saint-Jacques truffées à la purée de choux-fleurs et au vin et macarons à la lavande. De l’art de la table au service, aucun détail n’a été négligé :  » Les Américains servent à gauche, or la tradition française veut que le service se fasse à droite. Il a donc fallu former le personnel à cette fin « , confie encore Christophe Hermet.  » On a même poussé le respect de la tradition jusqu’à servir Madame Cassegrain en dernier, car c’est elle qui recevait.  »

La boutique à l’honneur ce soir est l’£uvre de l’architecte britannique Thomas Heatherwick, qui a réalisé le Rolling Bridge, un pont-levis qui se ferme en s’enroulant sur lui-même, devenu une attraction touristique à Londres. L’architecte avait aussi dessiné un sac pour la marque Longchamp en 2004 : le sac Zip qui double de volume et change de couleur une fois ouvert, et qui fut un best-seller. Mais la force de la boutique repose avant tout sur la complicité de l’architecte et de Jean Cassegrain, directeur général de la maison et petit-fils du fondateur :  » Jean a supervisé tout le processus, jusqu’au moindre tour de tournevis, plaisante Thomas Heatherwick. Je me demande même s’il ne serait pas un architecte frustré.  » À les voir côte-à-côte, les deux partenaires semblent pourtant bien dissemblables : l’un est en costume et l’autre en pantalon large ; le premier tout aussi réservé que le second est volubile. Stimulante, leur rencontre a donné naissance à une réalisation fascinante déployée sur quelque 800 m2.

Le site choisi pour la boutique Longchamp à New York présentait pourtant un défaut majeur : avec un espace de vente principal situé au premier étage, sa présence sur la rue était très modeste. Comment inciter dès lors les gens à y entrer ? Après une longue journée de shopping à New York, monter un escalier est un effort pour le moins dissuasif. Mais c’était sans compter sur la créativité et l’imagination de Thomas Heatherwick qui a décidément plus d’un tour dans son sac (Longchamp). Avec pour référence les rizières thaïlandaises étagées en terrasses, il parvient à transposer cette topographie aux marches mêmes de la boutique. Il aura fallu six mois pour inscrire à l’entrée ce  » paysage  » de rubans d’acier stratifié.

Comme Zorro

Audacieux, Thomas Heatherwick a aussi quelque chose d’enfantin.  » Comme Zorro, je me suis amusé à fendre le plafond du premier étage « , jubile-t-il, lui qui a eu aussi l’idée de replier vers le bas les lattes de bois en guise de présentoirs pour les sacs à main. L’homme redoute surtout l’ennui :  » Le verre, c’est joli, estime-t-il. Il y en a partout, mais c’est ennuyeux « , estime-t-il. Il conçoit alors spécialement pour l’occasion une machine  » toaster  » qui fond le verre destiné à la balustrade, grâce à une technologie utilisée pour la fabrication des pare-brise d’avion. Cette technique donne aux panneaux des formes fluides comme du tissu, chacun étant légèrement différent du suivant,  » comme des portes de slalom sur une piste de ski « . Ces excentricités n’empêchent pas l’architecte de laisser transparaître par endroits la structure du bâtiment en briques datant de 1936.

Le nom de Thomas Heatherwick vient donc s’ajouter à la liste des prestigieux architectes qui ont réalisé l’aménagement d’un magasin à Soho. Ce quartier situé à la pointe sud de Manhattan est le berceau de ce type d’architecture. Le designer Rem Koolhaas y avait d’ailleurs fait fureur avec le Prada Store.  » New York est l’une des rares métropoles où le shopping est aussi un plaisir architectural, écrit l’auteur américaine Karin Mahle. Dans la plupart des magasins, les vendeurs ont compris entretemps, que lorsqu’un client dit  » I am just looking « , il peut aussi bien regarder les articles que la décoration  » (1). Si l’aménagement des espaces est souvent aussi important que la qualité des produits destinés à la vente, un bon design ne suffit pas forcément à faire une bonne boutique. Heureusement, celui proposé par Thomas Heatherwick pour Longchamp sert davantage à mettre en valeur ses articles de maroquinerie. Ici, le design n’est qu’un écrin qui invite à les contempler comme s’il s’agissait de véritables objets d’art. A l’image des actrices de cinéma citées plus haut, les stars de la soirée s’appellent donc Idole, Soho et Garden Foo.

23 h 30 : les invités de Madame Cassegrain commencent à partir. La musique continue. Le nom des trois DJ françaises choisies pour la soirée : Les Putes à Franges.  » Ce n’est pas du tout en décalage avec la marque, conclut Christophe Hermet. Elles commencent à avoir beaucoup de succès et sont bien dans leur époque.  » Novateur comme Longchamp.

(1) Cool shops New York,

Teneues, Berlin, 2005.

Laure Guilbault

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