Histoire et politique, mais aussi folle passion entre deux exilés chiliens dans le Barcelone des années 80, rythment le récit de l’écrivaine française. Un roman magnifique sur la recherche de soi, l’amour, la malédiction et l’espoir.

Quel mot vous fait trembler ?

Le frémissement, qui porte en lui l’ombre et la lumière, l’effroi et le bonheur.

Est-ce à l’écrivain de  » prendre en charge l’ombre du monde  » ?

Tout comme mon héroïne, je pense que c’est à l’écrivain de la dévoiler. La mettre en lumière est une façon de la combattre, de la désamorcer. Écrire va de pair avec forer, creuser, donner du sens.

Vous connaissez-vous vous-même ?

Chaque fois que j’écris un livre, j’apprends quelque chose sur moi et sur l’autre. Il est de notre responsabilité d’accoucher de nous-mêmes. En cela, l’écriture incarne un outil majeur de la connaissance.

Écrire, aimer et vivre, est-ce compatible ?

Telle est la question du roman. L’auteur François Cheng affirme qu’il s’agit  » d’aimer et de se brûler ou de vivre et d’écrire « . Moi, je désire aimer, créer et vivre. Même si c’est dur d’être vivant, je ne veux renoncer à rien !

L’amour est-il  » assassin  » ?

Non, c’est la passion qui est meurtrière. Roberto et Unica, mes deux héros, sont profondément liés. Elle est peut-être une part de lui, à laquelle il renonce pour pouvoir vivre et écrire. Cette femme insupportable donne pourtant une intensité à son existence.

Devenir mère, c’est…

Accompagner l’autre dans un don totalement gratuit. On ne le devient pas en mettant un enfant au monde. Je me suis métamorphosée en mère avec mon deuxième bébé.

De quoi ne peut-on pas protéger les enfants ?

Il ne faut pas les protéger, mais les accompagner en leur donnant les outils et les armes pour comprendre et se battre. La souffrance est nécessaire pour qu’ils grandissent. C’est en affrontant la perte, les ténèbres, la solitude, le néant et la mort, qu’ils deviennent eux-mêmes.

La mort : votre plus grande peur ?

Au contraire, c’est l’une des aventures les plus extraordinaires de la vie ! Elle représente une porte, un passage vers autre chose. J’espère mourir debout et dans la joie.

De quoi avez-vous honte ?

J’ai longtemps eu honte d’être née. Ça a constitué le noyau originaire de ma vie, mais ce n’est plus le cas.

Quand vous sentez-vous  » vivante  » ?

C’est le thème même du livre. Il ne suffit pas de naître pour être vivant. À chacun de le sentir, de trouver sa place, d’éprouver un sentiment de liberté et de bonheur. C’est en écrivant que je me sens vivante.

Grâce leur soit rendue, par Lorette Nobécourt, Grasset, 451 pages

KERENN ELKAÏM

MOI, JE DÉSIRE AIMER, CRÉER ET VIVRE.

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