La chute des feuilles va de pair avec une météo maussade et une baisse drastique de luminosité… Qui ont des conséquences négatives sur notre tonus. Vous avez le moral dans les chaussettes ? Le Vif Weekend vous livre ses idées pour garder la pêche.

Depuis quelques jours, vous broyez du noir. Vous êtes fatigué(e), anxieux/se, faible, vous n’avez envie de voir personne et vous subissez des fringales irrépressibles ? Nul besoin de biffer les mentions inutiles, vous manifestez les symptômes d’une dépression saisonnière. Une forme répétitive de la déprime, qui peut être plus ou moins marquée et réapparaît toujours à l’automne ou au début de l’hiver. Avant de disparaître au printemps, aussi soudainement qu’elle était venue.  » Le caractère récurrent est une indication, souligne le psychothérapeute Dimitri Haikin (www.psy.be). Il faut que cela se produise au moins deux années consécutives pour qu’on puisse poser un véritable diagnostic.  » Jérôme Vermeulen, psychologue clinicien et fondateur du site www.lepsychologue.be, précise :  » Elle se manifeste dès octobre et touche 5 à 10 % (NDLR : et même 15 %, selon Dimitri Haikin) des gens sous nos latitudes. Mais en réalité, la grisaille suscite un certain niveau de morosité et de ralentissement chez la plupart d’entre nous.  »

Le coupable ? Le soleil ! Ou plutôt son absence, qui prive notre organisme de la lumière naturelle dont il a besoin pour réguler sa chronobiologie.  » Des variations de la sécrétion de mélatonine sont liées à la luminosité ambiante, poursuit Jérôme Vermeulen. Le matin, la production de cette hormone diminue et le soir, quand la nuit tombe, elle augmente, pour nous préparer au repos.  »

L’hormone du sommeil, comme on l’appelle souvent, est un dérivé de la sérotonine, le neurotransmetteur connu pour inhiber l’action. En temps normal, c’est lui qui régule notre cycle circadien, c’est-à-dire notre horloge interne. Mais s’il est produit en excès, il peut provoquer du stress, des phobies et même une dépression. Or, entre les deux solstices, la durée quotidienne d’ensoleillement fond de moitié, de seize heures le 21 juin à huit heures le 21 décembre. Pire : du fait de l’inclinaison de la Terre, l’intensité lumineuse captée par notre hémisphère entre octobre et mars est exponentiellement plus faible.  » On évoque des variations allant de 100 000 lux durant une belle journée d’été à moins de 5 000 lux en hiver quand le ciel est dégagé. Imaginez ce que nous captons lorsqu’il fait gris, en novembre… « , assène Jérôme Vermeulen. Et comme notre société est mal adaptée, elle nous envoie au bureau dans la pénombre pour le quitter lorsqu’il fait déjà noir !

Voilà pourquoi on peut avoir à ce moment-là les idées aussi sombres que la couleur du ciel. Si certains sont plus sensibles que d’autres, complète Dimitri Haikin, c’est qu’ils offrent à la déprime un terreau favorable. Question de gènes, de tempérament, de prédisposition à la mélancolie ou tout simplement d’état d’esprit.  » 2 % de la population développent même des formes sévères de cette pathologie.  » Une prise en charge médicale s’avère alors indispensable.

UN SOMMEIL RÉPARATEUR

La saison froide n’a cependant pas qu’un impact psychologique. Elle a en outre des revers physiques – et les deux peuvent évidemment être liés. Passons sur la fragilité accrue de notre système immunitaire, d’autant plus sensible aux agressions microbiennes que notre organisme est affaibli. C’est la période des rhumes et rhinites, des grippes, des angines mais également des maux de dos, des douleurs articulaires, des cervicales bloquées, des crises de rhumatisme… A la fois kiné et nutrithérapeute, Catherine Brahy le constate tous les ans : sept à huit patients sur dix la consultent pour des soucis dont l’ampleur est majorée par le mauvais temps.  » S’ils partent une semaine vers le sud durant ces mois difficiles, ça va beaucoup mieux. Mais dès leur retour, les problèmes reviennent, constate-t-elle. Les gens ont du mal à accepter l’idée que l’été se termine et qu’il va falloir affronter le froid et la pluie. Cela se répercute sur leur humeur et ils ne font pas les efforts nécessaires, notamment vestimentaires. Au lieu de s’habiller chaudement et de protéger les parties sensibles, comme le cou, ils restent crispés et en subissent les conséquences.  »

C’est sur le plan du sommeil que l’adaptation semble pourtant la plus indiquée.  » On devrait laisser notre organisme suivre le rythme des saisons en dormant plus l’hiver, indique Jérôme Vermeulen. Nous en avons besoin pour faire face aux agressions extérieures. Mais au lieu d’aller se coucher plus tôt, on le trompe avec la lumière blanche des écrans sur lesquels on passe de plus en plus de temps en soirée. C’est totalement contre-indiqué pour notre chronobiologie.  » On connaissait la malbouffe, le psychologue use volontiers d’un nouveau syllogisme : la  » malpionce « . Si le sommeil répare, son absence dérègle. Et c’est encore plus vrai par temps maussade.

Au-delà de cette nécessité de chérir son lit, voici six autres pistes concrètes pour garder la forme… jusqu’aux premiers bourgeons !

1. UNE CURE DE LUMINOTHÉRAPIE

Pour compenser l’exposition réduite aux rayons du soleil, rien de tel que la luminothérapie. Il s’agit de profiter d’une lumière artificielle blanche à large spectre imitant celle de l’astre et produite par des lampes à diodes électroluminescentes. Ce traitement médical reconnu est à ne pas confondre avec les lampes UV, qui n’ont aucune incidence sur notre horloge biologique interne.

En pratique. On trouve ces appareils dans le commerce ainsi qu’en pharmacie, à l’achat ou à la location. Leur prix, compris entre 150 et 300 euros, dépend de la marque, du modèle et de l’intensité (2 500 à 10 000 lux). Ils s’utilisent idéalement le matin pendant 15 (enfants) à 45 minutes (adultes), tout en vaquant à d’autres occupations comme lire, étudier, travailler ou… petit-déjeuner. Plus l’intensité est forte, moins longue doit être la séance. Les bienfaits se font sentir après une à deux semaines. Lucimed, une start-up de l’université de Liège, a mis sur pied une version inédite du produit qui permet une utilisation 100 % mobile. La Luminette, qui coûte de 200 à 250 euros, se porte comme une paire de lunettes. La source lumineuse est constante pendant toute l’exposition, même si l’on bouge. Une alternative : le simulateur d’aubes, un réveille-matin qui reproduit les conditions d’un lever de soleil… en chambre. Programmée sur 7 heures, la machine s’illuminera doucement dès 6 heures et atteindra son maximum au moment de se mettre debout. L’intensité n’est pas si élevée qu’avec la luminothérapie, mais l’effet sur le raplapla de fin d’année est prouvé.

2. UNE INITIATION À LA COURSE À PIED

C’est prouvé, la pratique régulière d’une activité physique a un effet reboostant et anxiolytique. Elle stimule la sécrétion des endorphines qui ont un impact sur le cerveau émotionnel, elle augmente le taux de sérotonine et diminue celui du cortisol, souvent appelé l’hormone du stress. Le Dr David Servan-Schreiber affirmait qu’une marche vive de 30 minutes trois fois par semaine équivaut à la prise d’antidépresseurs ! Se lancer dans le running constitue donc un excellent antidote aux idées noires.

En pratique. L’opération Je cours pour ma forme permet à chacun de se mettre au jogging à son rythme. Le principe ? On constitue des groupes de néophytes dans les communes (www.jecourspourmaforme.com/belgique). Sous la direction d’un animateur, ceux-ci se réunissent une ou plusieurs fois par semaine pour des séances conçues pour permettre la progression de tous. Au début, on ne parcourt qu’une courte distance. Après 12 semaines, chacun pourra réaliser un 5 kilomètres sans s’arrêter. L’Adeps (www.adeps.be) a également conçu une grille de progression pour les débutants, qui balise précisément les différentes étapes de cette reprise en main. Cette grille prévoit 25 contrats d’entraînement qui aident à progresser pour arriver à tenir la cadence durant 25 minutes.

3. UNE MARCHE MÉDITATIVE

A ceux qui ne veulent ou ne peuvent pas courir, Catherine Brahy suggère la marche lestée :  » Se déplacer avec des poids de 750 grammes accrochés aux chevilles rend la progression plus tonique et permet au coeur de pomper plus. On trouve du matériel adapté dans les magasins de sport.  » Avec ou sans poids, les psys recommandent également une demi-heure de marche quotidienne dans la nature en hiver pour maintenir son humeur au beau fixe, en donnant à son organisme la lumière naturelle dont il a besoin, en l’oxygénant et en l’aidant à éliminer les acides volatils (détox), tout en profitant du caractère apaisant de la nature.

En pratique. Pour allier marche et introspection, le psychothérapeute Dimitri Haikin pratique régulièrement le Walk & Talk avec ses patients, à savoir l’entretien thérapeutique en se baladant dans la nature. Une alternative ? La marche méditative ou méditation active (kinhin), qui conjugue les bienfaits physiques de cette activité aux effets positifs de la méditation sur les émotions et l’esprit. Il existe plusieurs techniques à la portée de tous, notamment celle de calquer ses pas sur le rythme de sa respiration, de décomposer mentalement chaque mouvement du pied ou de répéter des sons ou des mots qui ont du sens pour la personne qui les énonce.

4. UNE ACTIVITÉ BÉNÉVOLE

C’est une étude britannique parue dans le très sérieux journal BMC Public Health qui l’affirme : les bénévoles vivent plus heureux et plus longtemps. Comparés à ceux qui ne pratiquent aucune activité de ce type, ils ont un risque de mortalité et de dépression plus faible ainsi qu’un niveau d’estime de soi et de bien-être mental renforcé. Toutes les B.A. sont les bienvenues. Mais celles qui consistent à aider des personnes en difficultés – handicapés, réfugiés, nécessiteux… – procurent une satisfaction supplémentaire et contribuent à donner du sens à la vie, tout en renforçant le tissu et les liens sociaux. Mais attention : le bénévolat n’est pas une thérapie ni la solution à des problèmes personnels. Si le fait d’aider les autres n’est pas dans notre nature, on n’en retirera rien et, au bout du compte, eux non plus. Pour le psychologue Jacques Lecomte (La bonté humaine : altruisme, empathie, générosité, éditions Odile Jacob),  » c’est un cercle vertueux : plus on est heureux, plus on a tendance à se tourner vers les autres. Et plus on se tourne vers les autres, plus ça nous rend heureux « .

En pratique. Pour trouver une activité à sa mesure, rendez-vous sur la Plate-forme francophone du volontariat : www.levolontariat.be

5. UNE ALIMENTATION REVUE ET CORRIGÉE

 » Les plats roboratifs en hiver, c’était bien dans le temps, mais plus dans nos sociétés sédentaires où l’on dépense moins d’énergie, prévient la nutritionniste Catherine Brahy. Attention par ailleurs aux excès d’alcool qui fatiguent le foie.  » C’est scientifiquement prouvé : notre alimentation joue un rôle fondamental dans notre bien-être mental, comme l’explique la neuropsychiatre Veronica Van der Spek, dans son livre Nutrition et bien-être mental (De Boeck).

En pratique. Nous avons avant tout besoin de protéines qui stimulent la production d’adrénaline, l’hormone qui nous maintient actifs. Parmi les acides aminés qu’elles contiennent, la tyrosine est un précurseur des neurotransmetteurs pour la dopamine et la noradrénaline, qui ont un rôle antidépresseur.

Notre corps est aussi demandeur de vitamines et de minéraux, qu’il faut aller chercher dans les fruits et les légumes de saison – agrumes, pommes, poires, choux, courges, etc. La vitamine B est importante pour le fonctionnement du cerveau. La vitamine C, le fer et le zinc protègent notre système immunitaire. La vitamine D intervient dans l’absorption du calcium et du phosphore par l’organisme mais sa carence induit une faiblesse générale, des douleurs musculaires, un accroissement des risques de maladie cardiovasculaires et des variations de l’humeur. Sa production étant liée à notre exposition à la lumière du soleil, il peut être utile d’en compenser le manque avec des compléments alimentaires.

Les probiotiques, eux, sont des micro-organismes vivants présents dans certains produits laitiers et utiles pour l’entretien de notre flore intestinale. Or, un système digestif défaillant peut favoriser l’apparition de phénomènes dépressifs. En cause, la sérotonine, molécule localisée essentiellement dans l’intestin et impliquée dans la régulation de différentes fonctions comme le sommeil, l’agressivité, l’activité sexuelle… Enfin, deux études importantes ont montré un lien direct entre moral à zéro et manque d’oméga-3, présents en masse dans les poissons gras. Ils facilitent la transmission d’information entre les neurones et agissent sur l’humeur de façon positive.

6. DES PETITS RITUELS DE BONHEUR

Professeur à Harvard, auteur du best-seller L’apprentissage du bonheur (Poche), Tal Ben-Shahar considère que le bonheur n’est pas un état permanent qu’on atteindrait comme une sorte de nirvana. Mais il propose quelques recettes et exercices pour nous rendre plus heureux au quotidien.

En pratique.. L’étape 1 consiste à lister chaque soir cinq événements que l’on a appréciés pendant la journée. Cela permet d’avoir une meilleure image de soi et de se montrer plus généreux avec les autres. L’étape 2 : bosser mieux et non pas plus longtemps. Au lieu de se laisser distraire au détriment de notre productivité, mieux vaut se ménager des plages de travail efficace d’une à une heure et demie, entrecoupées de longues pauses pour voir des gens, se promener, méditer… Enfin, étape 3, on instaurera des rituels sympas avec nos proches comme des moments de rencontre périodiques où l’on se consacre pleinement l’un à l’autre plutôt que de se croiser entre deux portes, l’esprit ailleurs.

PAR PHILIPPE BERKENBAUM / ILLUSTRATIONS : CAROLE WILMET

On connaissait la malbouffe, le psychologue use volontiers d’un nouveau syllogisme : la  » malpionce « . Si le sommeil répare, son absence dérègle.

 » Les plats roboratifs en hiver, c’était bien dans le temps, mais plus dans nos sociétés sédentaires où l’on dépense moins d’énergie.  »

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