Envie de tester avant de l’adopter un écran plasma XXL, un lit à double matelas ou une douche chromatique douce comme une pluie tropicale ?

Les hôtels design sont à l’affût des nouvelles tendances de demain.

Qui désormais riment aussi avec nos envies de lenteur et d’authenticité.

D’abord il y a ce lit en majesté de 2 mètres de large sur 2,10 mètres de long, en plein centre de la pièce, face à la baie vitrée qui offre une vue à tomber sur la Seine, la bibliothèque François Mitterrand et la tour Eiffel, au loin. Adossée à la tête de lit, la douche – on y tient à deux à l’aise – est équipée de parois opacifiantes à la demande et d’un rainshower permettant d’alterner jets tonifiants et  » pluie tropicale « , dans une ambiance rose, jaune, verte ou bleue. Dans le cabinet de toilette, un mitigeur cascade inonde d’eau le lavabo en pierre naturelle. Mais le clou du spectacle reste sans hésiter l’écran de verre placé devant la fenêtre sur lequel se projettent les programmes de télévision ou les films à la demande. Avec de part et d’autre, à la nuit tombée, le scintillement magique d’un Paris illuminé.

Conçue par Natacha Froger, la 1014 Paris Bercy de l’hôtel Pullman est l’une des 4 concept rooms développées depuis 1997 par le groupe Accor. Des chambres souvent réservées des mois à l’avance par des clients avides de tester grandeur nature le meilleur des innovations domestiques susceptibles d’être un jour adaptées aux intérieurs particuliers.  » Nous avons été les premiers à installer des écrans plasma, des claviers infrarouges, des téléviseurs dans le miroir de la salle de bains, des diffuseurs olfactifs, sans oublier un accès biométrique aux chambres, par simple détection des empreintes digitales, énumère Michel Gicquel directeur de la cellule Innovation & Design du géant français de l’hôtellerie. Mais ces propositions ne sont pas gratuites : elles sont le résultat d’une observation et d’une analyse des comportements de notre société. C’est cette dernière qui induit la mutation de l’habitat. A la maison comme à l’hôtel. La seule différence, c’est que nous osons aller plus loin tout simplement parce que le cycle de renouvellement d’une chambre est d’environ huit à dix ans. Contre vingt ans dans l’habitat privé. « 

Comme le rappelle Gérard Laizé, directeur général du VIA (Valorisation de l’innovation dans l’ameublement) à Paris, coauteur du rapport Domovision 2008-2013 consacré à l’évolution du secteur des cafés, hôtels et restaurants, l’époque où l’on pouvait placer les individus dans des catégories socioprofessionnelles ou de revenus est révolue.  » Depuis 1968, les gens sont devenus des enfants rebelles qui refusent d’être enfermés dans des petites boîtes, développe-t-il. Si je suis riche, cela ne veut pas dire que je ne m’offre que des trucs de riches et si je ne suis pas très aisé, de temps en temps je vais me faire plaisir. Plus la crise s’installe, plus le contexte sociétal est anxiogène, et plus on a envie et besoin d’expériences marginales. Et l’hôtel est l’endroit parfait pour cela. On ose y faire des choses que l’on ne ferait pas chez soi.  » Face à l’offre haut de gamme en pleine expansion ces dernières années, les chaînes cherchent à se diversifier en surinvestissant dans l’équipement technologique et la décoration. Certains optent pour une signature et des meubles de designers stars. Une aubaine pour les éditeurs qui peuvent ainsi, comme Giulio Cappellini, tester en life la réponse d’un marché potentiel ( lire encadré en page 50) avant de lancer une production de masse. D’autres, comme les dirigeants de la minichaîne Ace Hotel ont choisi a contrario d’équiper leurs chambres – toutes différentes – d’objets chinés dans les brocantes ( lire encadré en page 48).

Mais, comme le souligne Michel Gicquel, le recours à des pointures comme Philippe Starck ou Andrée Putman n’a de sens que s’il s’appuie sur un savoir-faire hôtelier sans faille.  » Le design, oui, s’il n’est pas gratuit, ironise-t-il. A l’inverse de ces hôtels où le client ne descend que pour se montrer et se fiche du confort. Car il fait la fête toute la nuit, ne rentre qu’à 4 heures du mat et quel que soit le lit, à cette heure-là, de toute manière il dormira bien. « 

Pour ce marchand de sommeil haut de gamme, ce n’est pas de la couleur des tentures ou de la forme d’une chaise que viendra la révolution dans la chambre à coucher.  » Ce que veulent vraiment nos clients, ce n’est ni un grand dressing – souvent, ils ne défont même pas leur valise -, ni un grand bureau – les études attestent qu’ils y travaillent 7 minutes par jour et ceux qui vous disent le contraire sont des menteurs ou de rares mutants qui sortent de la moyenne – mais un très bon lit, une douche et de la connectivité. « 

L’espace tant souhaité hier a cessé d’être un luxe.  » Aujourd’hui, 1m2 au sol, c’est 3 m3 à climatiser, à chauffer, ajoute Michel Gicquel. Il est là, le vrai défi face à la crise énergétique irréversible qui se profile. Ajoutez à cela le fait que nous sommes de plus en plus nombreux sur cette Terre et que notre morphologie évolue.  » La fin de l’habitat à pièces dédiées, comme on le connaît depuis l’essor de l’ère industrielle, est annoncée. La salle à manger s’est déjà ouverte sur la cuisine. C’est aujourd’hui au tour de la salle de bains de sortir des 4m2 sans lumière dans lesquels on l’avait longtemps confinée.

 » Nous sommes nettement moins pudibonds qu’au xixe, commente Gérard Laizé. Même si l’on a encore besoin de temps en temps de sauvegarder son intimité. Même en couple, il reste des gestes que l’on n’a pas envie de partager.  » Chez les particuliers aussi, les portes sont remplacées par des cloisons mobiles, des vitrages capables de s’opacifier par simple impulsion électrique. La place gagnée est occupée par un dressing ou un espace gym.  » Là aussi, le constat est venu de l’hôtellerie, poursuit le patron du VIA. Les spas, les salles de sport et les piscines qu’on avait installés à grands frais sont le plus souvent déserts. Croyez-vous que les gens aient réellement envie de se promener en peignoir dans les couloirs d’un 5-étoiles ou de transpirer à côté de parfaits inconnus ? Résultat : on rapatrie tout cela dans les chambres.  » Et pour répondre à la demande du marché – ces équipements aussi se doivent d’avoir un certain style -, des éditeurs comme Technogym ou Alias font appel à Philippe Starck – encore lui – ou Antonio Citterio pour imaginer des tapis de course ou des haltèresà

 » Il faut savoir se projeter dans le futur, insiste Michel Gicquel. On nous dit aujourd’hui que l’interactivité est essentielle. Quand ils voyagent, nos clients veulent rester connectés avec leurs proches. Mais je vous prédis que le gros problème que nous aurons demain ce sera le Wi-Fi. Comme ils ont exigé des chambres non-fumeurs, les gens vont bientôt demander des chambres  » propres  » sans ondes. Ma réponse : dès que l’on refait une chambre, câbler et installer le Wi-Fi est obligatoire. Il sera toujours plus facile de le supprimer que d’exploser la déco pour y poser des fils dans cinq ans. « 

En coulisse, c’est tout le secteur qui planche sur des solutions durables – et nettement moins symboliques que le carton vous invitant à ne pas faire changer vos serviettes de bain tous les jours – pour limiter la consommation d’eau.  » Toutes les nouveautés dans ce domaine seront testées dans les hôtels, assure Gérard Laizé. Que l’on parle de robinet à débit réduit, de douche à brumisateur ou de machines à ultrasons pour entretenir le linge nécessitant un verre d’eau tout au plus, au lieu des 40 litres dont on a besoin aujourd’hui pour une lessive. « 

Après les lits – que les chaînes comme Sofitel, Hyatt, Westin commercialisent d’ailleurs sur des sites dédiés à cet effet -, les draps aussi sont en passe de devenir le nouveau gadget en vogue. Over le coton d’Egypte. La mode est désormais aux fibres de bambou, aux mousses à mémoire de forme, au microcapsulage des tissus enrichis en actifs hydratants ou rafraîchissants…  » Vous imaginez, le bien que cela ferait sur une peau qui se serait pris un coup de soleil « , conclut Michel Gicquel. Techniquement, ce serait déjà réalisable. Economiquement ? Pour demain, c’est promisà

Par Isabelle Willot

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content