Les plus grands noms du monde de la mode filent désormais le parfait amour avec le secteur de la décoration. Attention les yeux, les accessoires griffés haute couture envahissent nos intérieurs.

Des tapis moelleux ornés de motifs exubérants signés Jean-Charles de Castelbajac chez Ligne Roset. Des coussins en velours de soie brillant chez Emporio Armani Casa. Des verres aux couleurs chatoyantes chez Christian Lacroix ou encore des serviettes éponges somptueuses et des plaids invitant à la paresse allurée chez Ralph Lauren Home… Pas de doute, une impressionnante vague  » fashion  » déferle sur nos intérieurs. En effet, non contents de souffler le vent des tendances sur nos tenues vestimentaires, les créateurs de mode s’accaparent aussi les espaces les plus intimes de nos foyers, de la chambre à coucher à la salle de bains en passant par la cuisine et le salon.

En parcourant les différents salons de décoration qui font autorité en la matière, on s’aperçoit que les frontières entre la planète mode et la galaxie décoration deviennent de plus en plus ténues. Un mouvement que les gourous des tendances se plaisent déjà à décortiquer.  » La décoration comble son retard et se nourrit d’influences complémentaires et transversales. Avant, les deux mondes vivaient dans des boîtes étanches qui se rejoignent désormais sous le signe de la perméabilité et de la complémentarité « , explique Vincent Grégoire du bureau de style Nelly Rodi à Paris (1). Complémentarité? Sans aucun doute puisqu’il est enfin possible d’assortir le tissu de sa nappe à celui de son polo ou de son chemisier. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder du côté du Conran Shop (Londres et Paris, entre autres) où l’on trouve carrément une nappe en forme de chemise pour égayer les plaisirs de la table.

Bien évidemment, on veillera à opérer des choix judicieux pour ne pas endosser à son insu le rôle vite pathétique de la  » fashion victim « . Eh oui, la limite du mauvais goût, voire du ridicule est vite franchie… Rappelons-nous le film  » Le Père Noël est une ordure  » où le costume de Thierry Lhermitte se confond avec le revêtement du canapé sur lequel il s’allonge. Mais sans arriver à cet extrême, il est possible de surfer sans s’y noyer sur la vague de la  » déco-mode  » en introduisant des petites notes trendy dans son intérieur. Les amateurs de fourrure peuvent, par exemple, se pelotonner dans les fauteuils  » Gatsby  » de Roche-Bobois. Ce sympathique clin d’oeil à l’ambiance feutrée des fameux clubs anglais et au moelleux de nos couvre-lits d’enfance annonce des soirées placées sous le signe du confort et de la douceur.

Chez Cappellini, le designer français Patrick Norguet n’a pas hésité à recouvrir un fauteuil contemporain de tissu aux motifs psychédéliques signé Emilio Pucci, le créateur italien qui connut ses heures de gloire dans le courant des années 1960 et qui fait actuellement fureur auprès des mordus de mode  » vintage « . A Paris, le créateur Stéphane Plassier tisse des liens étroits entre ses différents domaines de prédilection: la mode, la scénographie et le design. Après avoir lancé des collections de vêtements pour hommes et femmes, il s’attaque désormais au marché de la décoration par le biais d’une série d’objets en porcelaine. Cette première ligne conçue pour la maison Raynaud met en exergue la fascination du styliste pour l’épure que rompt le détail d’ornementation. Stéphane Plassier envisage d’ailleurs ces deux champs créatifs selon un même schéma. Dans les deux cas, il travaille des prototypes en blanc afin de mieux maîtriser la forme et le volume. Une approche novatrice de la couture et de la décoration qui permet vraiment d’accorder son intérieur à sa mise vestimentaire. Une démarche également adoptée par Sophie Helsmoortel, créatrice de la marque  » Cachemire, Coton & Soie « , qui propose désormais, tout comme elle pare les femmes de matières subtiles et raffinées, d’habiller nos intérieurs de tissus somptueux intimement liés à l’univers de ses collections.

Plus anedoctique mais tout aussi sympathique, la nouvelle création du Belge Christophe Coppens introduit, à sa manière, une note très  » mode  » dans nos chaumières. Le papillon en feutre coloré qui orne les chapeaux de ce modiste aux talents magiques s’est envolé en catimini pour se poser délicatement sur nos rideaux et tentures en version résine. Chez Gianni Versace, c’est tout l’univers glam’rock de la célèbre marque de haute couture italienne qui s’invite à la maison. Tout comme dans les défilés de prêt-à-porter, les fameux imprimés inspirés de la mythologie gréco-romaine et du baroque italien des XVIIe et XVIIIe siècles s’épanchent sur les services en porcelaine, les plaids, les couvre-lits et les coussins pour nous permettre de créer des décors hauts en couleur.

La maison Hermès, elle, interprète la décoration avec le raffinement extrême qui imprègne ses collections de vêtements. Ici, pas question de luxe ostentatoire, chaque objet se  » contente  » d’être réalisé avec un soin minutieux dans les matières les plus nobles. Le cuir, bien sûr, est l’apanage de cette vénérable enseigne. On le retrouve, par exemple, sur le fauteuil et le petit tabouret pliants de la ligne Pippa, dessinée par l’architecte d’intérieur Rena Dumas. Chaque année, Hermès aborde également un thème qui se décline à travers toutes les collections. Pour la saison 2001-2002, dans le contexte des  » Rencontres avec les beautés de la Terre « , les couverts en acier massif argenté  » Onde  » introduisent l’univers Hermès dans notre salle à manger.

Cette complicité nouvelle qui s’installe tout doucement entre la mode et la déco fonctionne selon le principe des vases communicants. Chez Cacharel, par exemple, c’est la fameuse toile de Jouy, un tissu peint et imprimé dont on tapissait les sièges, les coiffeuses et les cabinets des élégant(e)s au XVIIIe siècle ( lire aussi pages 20 à 23) qui affiche ses motifs porteurs d’Histoire sur les chemisiers, les escarpins, voire même les sacs à main. Bref, un couple moderne au sein duquel  » Madame Mode  » et  » Monsieur Déco  » se respectent et s’enrichissent mutuellement.

(1)  » Fashion Daily News  » du 5 octobre 2001.

Serge Lvoff

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content