On ne peut pas toujours réinventer la roue. Ni le manteau camel, les carreaux, la maille jacquard, encore moins le tailleur. Alors pour remporter cette course au jamais-vu qu’est la mode, il est une méthode simple mais efficace : faire du neuf avec du vieux. Ou, dans le jargon,  » twister  » un vêtement, oser le  » mix & match « , parier sur l’  » urban recycling « . Prenez Viktor & Rolf ( interview en pages 50 à 54). En 1993, les deux créateurs néerlandais n’ont pas encore laissé tomber les Horsting et Snoeren juxtaposés à leurs prénoms pour en faire un label mais savent déjà que rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. Aussi raflent-ils les trois prix du Festival d’Hyères, révélateur de talents depuis vingt-cinq ans ( pages 112à 115), avec des pièces classiques dont les volumes ont été enflés, les proportions chamboulées, les tissus détournés – on se souvient de leurs robes de princesses taillées dans des jupes vintage. Depuis lors, dans leurs shows aussi, ces Gilbert et George de la fashion misent sur le décalage et le remake. Pour présenter leur vestiaire automne-hiver 10-11, ils font donc venir les coulisses sur le podium et rejouent un scénario imaginé en 1999, dans lequel les tops sont habillées-déshabillées selon une scénographie cousue à petits points.

Jean Paul Gaultier, lui, propose cette saison une collection faussement foutraque où fraient chapkas, fez et bibis mongols. Ne pas en déduire trop vite qu’il s’égare : le métissage fait partie de ses codes, au même titre que la marinière portée par les hôtesses chargées ce soir de mars dernier d’accueillir la presse et les people dans l’ancien palais de l’Avenir du prolétariat, maison mère du couturier. Des rayures qui s’invitent naturellement, avec le satin façon corset et les imprimés tatouages, dans la première ligne de meubles signée Gaultier ( pages 68 à 70).

Et quand Marc Jacobs boude les mannequins stars pour présenter sa collection sur des anonymes repérées dans les rues de New York ( pages 24-25 et 92 à 95), il crée sans doute le buzz mais pas la révolution ; ces girls next door ne sont, au final, que les avatars des mademoiselles Tout-le-monde que Charles Frédéric Worth, père de la haute couture, eut un jour l’idée de faire défiler pour présenter ses modèles. C’était quelque part dans la seconde moitié du xixe siècle, la date n’a pas d’importance. Cela aurait pu être aussi bien hier que demain.

Delphine Kindermans – Rédactrice en chef

Une méthode simple mais efficace : faire du neuf avec du vieux.

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