Il est à l’affiche des Yeux de sa mère, de Thierry Klifa, et de La Fille du puisatier, de Daniel Auteuil. Deux rôles loin des bad boys qui lui collent à la peau. Intense et réservé, l’acteur s’est confié au Vif Weekend.

Quand on relit de vieux articles consacrés à Nicolas Duvauchelle, on trouve :  » Du muscle, du nerf, des tatouages  » (Le Parisien) ou  » Il a la figure d’un ange et l’attitude d’un sauvageon  » (Le Figaro). C’était en 2006 et, cinq ans plus tard, si l’enveloppe est sensiblement la même, c’est un mélange de réserve polie et de bouillonnement intérieur qui se dégage de ce comédien plutôt taiseux. Repéré par Érick Zonca, qui lui offre son premier rôle, à 18 ans, dans Le Petit Voleur, mangé par une Béatrice Dalle cannibale dans Trouble Every Day, de Claire Denis (pour qui il jouait les têtes brûlées dans White Material, l’an dernier), corps impatient chez Xavier Giannoli… Le voici, à bientôt 31 ans – et une trentaine de films au compteur -, assagi dans la vie et qui change de registre à l’écran, d’un jeune écrivain tout en blessures rentrées dans Les Yeux de sa mère, de Thierry Klifa, à un fils de bonne famille séduisant Astrid Bergès-Frisbey, La Fille du puisatier, de Daniel Auteuil (sortie ce 20 avril).

Dans Les Yeux de sa mère, vous interprétez un romancier en mal d’inspiration, qui fouille la vie de Catherine Deneuve et de Géraldine Pailhas, et qu’on découvre inconsolable du décès de sa mère. Un personnage plus introverti et ambigu qu’à l’habitude ?

C’est un rôle très intérieur et sensible, alors que j’ai souvent interprété des personnages aux nerfs à vif. Je suis reconnaissant à Thierry Klifa d’avoir vu ça en moi. Le boxeur, dans le film, ce n’est pas moi, cette fois ! C’est un personnage dans la souffrance et, en même temps, il fallait qu’il soit vivant et charmeur. Il est en quête d’argent facile, plus que dans l’envie de vivre la vie des autres. Il se fait prendre à son propre piège, en entrant sans s’y attendre dans une histoire qui le touche.

Au quotidien, vous avez de l’indulgence pour les gens qui font commerce de la vie des autres ?

Pas pour le côté fouille-merde. On a déjà publié des photos floutées de ma fille avec des légendes atroces et j’ai trouvé ça dégueulasse. Je ne suis pas quelqu’un qui m’expose beaucoup, alors quand on se sert de mon image, ça m’agace.

Comment se sont passées les scènes avec Catherine Deneuve, qui interprète une journaliste star ?

J’avais déjà eu une scène avec elle dans La Fille du RER, d’André Téchiné, et on s’était bien entendus. Catherine est très humble, très directe, et elle met à l’aise. C’est une machine de guerre, elle envoie. C’est dur d’être mauvais en face d’elle, on oublie presque qu’on joue, c’est assez incroyable. Elle n’est pas là à voler les répliques, comme certains peuvent le faire. Une grande demoiselle.

Quelle anecdote retenez-vous du tournage avec elle ?

À un moment, elle devait me dire au revoir sur un quai de gare et elle m’a fait un petit bisou, ce n’était pas écrit. J’ai rougi comme un enfant de 6 ans !

Et comment s’est passé le tournage de La Fille du puisatier, premier long-métrage de Daniel Auteuil ?

Je l’avais rencontré sur Le Deuxième Souffle, d’Alain Corneau, où il a été comme un père de tournage. Je suis le premier à qui il a proposé le film, ça m’a beaucoup touché. Il a su me regarder autrement en me donnant le rôle d’un fils de bonne famille, en 1939. Pour les tatouages, je porte des manches longues… Lui aussi, à ses débuts, a été catalogué avec Les Sous-Doués, et il a prouvé, ô combien, qu’il pouvait jouer avec tout le monde.

Au début de votre carrière, vous avez failli tout arrêter…

Après Le Petit Voleur, j’ai joué des petits rôles, mais il n’y avait plus rien. Je me suis dit que le cinéma, c’était fini pour moi. Vers 21-22 ans, j’ai fait des enquêtes sur l’autoroute. Ça a duré six mois. Avec Les Corps impatients, de Xavier Giannoli, c’est reparti. Claire Denis m’a fait confiance aussi. Mes parents n’ont jamais voulu m’assister, je leur en suis reconnaissant. Je suis parti très tôt de chez moi, à 16 ans ; à l’époque, je traînais. En 1998, j’ai repris un CAP d’employé en pharmacie et je faisais de la boxe. C’était soit la boxe, soit le cinéma.

Beaucoup de réalisateurs vous ont fait vivre à l’écran par le corps. Vous êtes conscient de cette présence physique ?

Je n’ai jamais pris de cours et être dans le physique a été mon arme au début, parce que je n’avais rien d’autre. Des gens ont repéré ça en moi, mais ce n’est pas quelque chose de conscient. La boxe m’a donné une aisance dans l’espace et on apporte aussi son vécu. Être comédien implique de tout faire à fond : on lit les scénarios, on ne se fait pas duper. Le costume compte aussi beaucoup. Pour Les Yeux de sa mère, j’ai quitté mon uniforme jeans, tee-shirt, baskets. Ça m’a beaucoup aidé dans la gestuelle, dans la façon de me tenir.

Dans la préparation de vos rôles, l’aspect physique vient en premier ?

Oui. Et puis, dans la vie, je ne suis pas très bavard. Je ne pense pas avoir beaucoup de points communs avec Fabrice Luchini, même si j’adore ce qu’il fait ! Je viens d’une famille du Nord – je suis picard par mon père et normand par ma mère -, où les choses passent plus par les regards que par la parole. On n’est pas démonstratifs.

Le sport est important pour vous ?

C’est essentiel depuis que je suis petit. Pour le film de Thierry Klifa, on tournait en Bretagne et j’allais courir sur la plage tous les matins. Ça fait du bien à la tête de s’oublier un peu. Je ne suis pas allé boxer depuis six mois, mais je vais retourner prendre des cours, et des coups !

Quels sont vos livres de chevet ?

J’aime beaucoup John Fante et Steinbeck pour la satire sociale. Je m’intéresse à l’histoire, en particulier au Moyen Âge. Ça m’a pris très tôt et mon père, qui travaillait à France Télécom, a toujours été passionné par cette discipline. Je viens d’acheter une biographie de Du Guesclin. Je lis aussi beaucoup de choses à ma fille de 6 ans, Bonnie. En ce moment, c’est Le Petit Prince.

On vous retrouvera bientôt dans Polisse, de Maïwenn. Dans l’avenir, avec qui aimeriez-vous tourner ?

Entre autres, avec Jacques Audiard et Xavier Beauvois, que j’ai adoré bien avant le carton Des hommes et des dieux, ou avec un comédien comme Tahar Rahim. C’est ce cinéma d’auteur, indépendant, qui me fait aimer ce métier et me donne l’impression de respecter le public.

Qu’est-ce qui a le plus changé entre le Nicolas Duvauchelle du Petit Voleur, en 1998, et celui des Yeux de sa mère, en 2011 ?

J’ai gardé les mêmes amis et je n’ai jamais tourné le dos à personne : je n’ai pas changé de mentalité. Professionnellement, à un moment, j’avais l’impression de passer pour un imposteur, qu’on allait me démasquer, et maintenant, à force de rôles, je me sens plus légitime. J’ai envie de réussir, sans être carriériste. Ma vie est moins tumultueuse, j’ai réglé pas mal de trucs. La paternité m’a énormément apporté, c’est incroyable comme j’ai mûri. Merci, ma fille ! Je me sens bien dans mon rôle de père, dans mon métier, dans ma vie. Ça fait un peu  » Regardez mon bonheur ! « , mais, c’est vrai, je suis heureux !

PAR ANNE-LAURE QUILLERIET

Je n’ai jamais pris de cours et, au début de ma carrière, être dans le physique a été mon arme.

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