Manger couché,  » casqué  » ou dans l’obscurité : les nouvelles tendances gastronomiques privilégient la forme avant le fond (de l’assiette).

Retrouvez Frédéric Brébant chaque lundi matin, vers 9 h 45, dans l’émission  » Bonjour quand même « , de Jean-Pierre Hautier, sur La Première (RTBF radio).

A Paris, c’est la nouvelle  » place to be « . Certes, aucun client n’a encore vu, à proprement parler, les subtilités de son aménagement intérieur, mais, depuis deux mois, l’endroit attire massivement les branchés de tout poil. Vouant un culte démesuré aux ténèbres, le restaurant baptisé justement  » Dans le Noir ? » est, en effet, la dernière cantine parisienne à la mode. Le principe est simple, mais pas vraiment nouveau : il s’agit de partir à la découverte d’un menu gastronomique dans l’obscurité la plus totale, histoire d’aiguiser certains sens  » sous-développés « . A vous de retrouver verres, assiettes et fourchettes pour apprécier pleinement les saveurs et les parfums des aliments qui ne sont pas, pour une fois,  » affaiblis  » par la toute-puissance de la vue. Certes, un personnel non voyant est à votre disposition pour vous aider à relever le défi, mais l’expérience n’en est pas pour le moins angoissante et troublante ( www.danslenoir.com). Si ce genre de restaurant existe depuis quelques années déjà en Allemagne et en Suisse, le concept de dégustation à l’aveuglette est, en revanche, assez récent dans les contrées belges et françaises. Chez nous, une expérience similaire existe aussi à Anvers, bien qu’elle s’oriente davantage sur le principe de la rencontre entre des célibataires qui ne se connaissent pas ( www.dinnerinthedark.be). Bref, il y a donc un marché à prendre pour un repas à Bruxelles, en amoureux ou entre amis, dans le noir complet ! Car il s’agit bien, en définitive, d’un nouveau marché à explorer dans un domaine où la concurrence est rude. Pris au piège d’une économie où la recherche de l’originalité semble devenir la principale préoccupation commerciale, les restaurateurs n’échappent pas à la tendance ambiante et rivalisent désormais d’ingéniosité pour appâter le client exigeant. Repas picorés dans l’obscurité, menus dégustés en position couchée comme au temps des Romains (voir le site www.on-stage.be à Anvers), agapes savourées dans une vieille demeure dont chaque pièce est dédiée à un thème bien précis (voir www.lamaisonfolle.com à Jemeppe),… L’air du temps est à la surprise et aux nouvelles expériences gastronomiques. Souvent, l’établissement ressemble à un gadget censé attirer les foules, mais parfois l’initiative se révèle aussi étonnamment louable. Ainsi, le resto parisien  » Dans le Noir ? » se veut non seulement un espace ludique, mais aussi une passerelle de communication entre voyants et non-voyants. A ce titre, 10 % des profits sont reversés à des £uvres caritatives visant notamment à l’amélioration des conditions de vie des aveugles. C’est déjà ça. Et puis, il y a les idéalistes, les chevaliers du goût et autres Don Quichotte de la fourchette. Ceux qui veulent révéler des sensations inédites au c£ur de l’aventure culinaire comme, par exemple, Heston Blumenthal, l’un des très rares chefs britanniques à être honoré de trois étoiles au fameux guide Michelin. Passionné, le maître queux du restaurant The Fat Duck, à Bray, projette de doter bientôt ses clients d’un casque et d’un micro à placer juste en dessous de leur bouche pendant le repas. L’objectif de cet attirail incongru ? Exacerber la résonance de la mastication afin de plonger les convives dans une autre dimension gustative et de les faire entrer, un peu plus encore, en communion avec ses mets raffinés. Pourquoi pas, après tout ? Il ne reste plus qu’à tester la même expérience dans le noir, pour voir…

Frédéric Brébant

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