Parfums en bande

© PHOTOS : SDP

Inspirées par les codes esthétiques de la parfumerie de niche, les collections de fragrances abordables se multiplient. Leur approche décomplexée du produit séduit surtout la jeune génération, motivée par la quête du juste prix.

Sur l’étagère immaculée de sa chambre à coucher, Emma a aligné cinq flacons colorés. Un petit arc-en-ciel vivifiant qui donne si bien sur Instagram et dans lequel elle aime à puiser le matin, au gré de ses envies. Sa petite bande de senteurs lui a coûté moins de 60 euros pour 250 ml de jus, elle peut même les superposer si ça l’amuse pour rendre son sillage unique. A 17 ans, la jeune fille n’est pas en quête du parfum de sa vie, elle préfère s’initier le nez sans se ruiner. L’époque d’ailleurs est au papillonnage, toutes générations confondues. Un constat qui explique sans doute le succès de ces nouvelles collections de fragrances à prix doux. On les retrouve même hors les murs des parfumeries, jusque chez H&M et Zara, dernièrement, qui propose depuis la fin de l’année dernière huit références créées par Jo Malone, l’un des pionniers de la parfumerie de niche ( lire par ailleurs).

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 » Toutes ces collections semblent d’ailleurs en avoir intégré les codes, pointe Lionel Pailles, journaliste spécialisé dans le secteur et auteur de l’ouvrage Esprit de synthèse : du parfum, des molécules. Le fait de sortir non pas un mais plusieurs jus à la fois, tous présentés dans un même flacon au design épuré de manière à installer très vite une identité forte, c’est la niche la plus haut de gamme qui a commencé à le faire, il y a une vingtaine d’années, suivie de près par toutes les grandes maisons qui ont depuis créé également leurs lignes exclusives.  » A ceci près que le prix du concentré – et par extension du produit final en magasin – est au minimum cinq fois moins cher que celui d’un jus d’une marque de luxe. Des coupes rendues possibles par la quasi-inexistence de coûts de pub et marketing et par l’absence assumée d’égéries.

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Un flacon simple

Lancée par l’enseigne Ici Parix XL au début de cette année, la gamme The Perfumist propose ainsi à ce jour six parfums inspirés par des souvenirs olfactifs – une sieste en bord de mer, une nuit endiablée, une balade dans les champs… – à la manière de la collection Replica signée Maison Margiela, emballée elle aussi dans une boîte en carton blanc flanquée d’une photo évoquant l’instant rapporté. Chez Planet Parfum, la collection I Wanna Have d’April, mise en rayon fin 2019, s’est bâti, elle, un univers sur le thème de la romance, déclinée en cinq jus aux couleurs acidulées à moins de 20 euros les 50 ml. Des gammes qui auront bien sûr vocation à s’étendre si le succès est au rendez-vous.  » Nous avons mis en compétition les mêmes maisons de compositions que les grandes marques, souligne Fanny Aimetti, directrice marketing de la marque propre de la chaîne qui propose aussi des soins et du make-up. Elles ont bien sûr été challengées sur les prix car nous ne sommes pas dans les mêmes budgets de concentrés. Mais le plus gros des économies a été fait ailleurs, dans le choix d’un flacon simple, unique et d’un étui de carton ajusté, ce qui rend, en plus, le packaging plus écologique. Nous n’avons fait aucune concession sur la qualité des jus : nous voulions qu’ils soient construits, facettés, qu’ils aient de la tenue aussi.  »

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Comme pour la collection lancée par H&M en 2018 – signée Nisrine Grillé et Olivier Pescheux de chez Givaudan – mais également les nouvelles variations des Cologne Bien-Etre que l’on doit au maître parfumeur Michel Almairac de chez Robertet, des nez réputés s’enorgueillissent désormais d’apposer leur nom sur ces créations. Une forme de caution pour le consommateur qui peut découvrir, d’un simple clic sur la Toile, qu’on leur doit aussi des sillages prestigieux qui remplissent encore aujourd’hui les linéaires des parfumeries.  » Sans doute a-t-on trop voulu nous faire croire, ces dernières années, que la qualité d’un parfum dépendait d’abord de la rareté de ses matières premières, note Lionel Pailles. Alors que c’est d’abord le talent du parfumeur qui compte. De la même manière, on a tort d’opposer ingrédients naturels et molécules de synthèse qui peuvent être aussi coûteuses et nobles et qui participent à l’architecture de la fragrance, qu’elle soit très chère… ou non.  » Corinne Cachen, à qui l’on doit la version Fruity Crush de la collection I Wanna Have, se définit comme une parfumeuse  » cross catégorie « , habituée à jongler entre la parfumerie alcoolique haut de gamme et le parfumage de crèmes ou de bougies. Une agilité qui lui confère la maîtrise d’une palette qui contient plus de 1500 matières premières.  » Qui dit petit budget ne veut pas dire grignotage des coûts sur la facette olfactive, insiste-t-elle. Je vais bien sûr devoir sélectionner les ingrédients avec lesquels je peux travailler mais ce n’est pas parce que vous utilisez des produits chers que votre parfum sera réussi. On ne va pas se contenter de proposer un petit  » sent bon  » bon marché ! La jeune génération qui consomme ces fragrances aime pouvoir en changer souvent, pour elle, c’est essentiel. Mais on ne peut pas la tromper. Elle veut des jus qui aient une identité forte, qui soient à la fois accessibles et puissants, dans lesquels elle se sente bien immédiatement.  »

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Des jus à combiner

Solinotes, petite marque du sud de la France qui travaille exclusivement avec des parfumeurs grassois, a réussi au fil des ans à tisser une relation de complicité avec ses consommatrices sur les réseaux sociaux. La gamme qui comporte à ce jour dix-neuf références se compose, comme son nom le laisse supposer, de notes construites autour d’un ingrédient phare. Des compositions à porter seules ou en layering en mêlant jusqu’à trois fragrances.  » Nous sommes à l’écoute de leurs suggestions et nous leur proposons même de voter pour la note qu’elles souhaitent voir arriver dans notre portefeuille, détaille Jérémy Bénisvy, directeur marketing de Solinotes. Nous prônons des valeurs positives de créativité, une philosophie  » feel good  » du parfum qui doit avant tout vous ressembler.  »

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Un discours décomplexé que l’on retrouve également chez 100Bon qui, avec ses 35 fragrances vendues à partir de 17 euros les 15 ml, prône une parfumerie  » clean « , construite à partir de matières premières naturelles et proposée dans des flacons ressourçables. La marque lancée par Christophe Bombana en 2017 entend même s’affranchir des canaux de distribution traditionnels en installant à l’avenir ses stations de recharge dans des lieux aussi improbables qu’un fleuriste ou un salon lavoir. Un positionnement parfaitement en phase avec les valeurs de la génération Z motivée par la quête de la bonne trouvaille… au juste prix.

– The Perfumist, 16,95 euros les 50 ml (disponible chez Ici Paris XL).

– I Wanna Have, April, 16,96 euros les 50 ml (disponible chez Planet Parfum).

– H&M, à partir de 5,99 euros les 20 ml.

– Cologne 1477 éditions spéciales, à partir de 22,50 euros les 50 ml.

– 100Bon, 29,99 euros les 50 ml (disponible chez Di).

– Solinotes, 11, 99 euros les 50 ml (disponible chez Di).

– & Other Stories, 30 euros les 50 ml.

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3 questions à Jo Malone

Pourquoi cette collection pour Zara ?

J’ai tout de suite su que je devais saisir cette occasion pour vraiment créer à nouveau. J’ai pensé :  » C’est le moment où tu vas changer le monde.  » La planète n’a pas besoin d’une énième bougie ou fragrance mais de créativité.

Vous faites tout de même ici le grand écart entre la fast fashion et vos parfums de niche…

J’ai trouvé suffisamment de similitudes pour que la coopération soit un succès. Zara m’a également proposé un contrat à long terme. Je ne voulais pas seulement imaginer quelques fragrances. Je voulais participer à un projet de longue haleine, et établir une véritable relation créative, c’était ça ou rien. En fin de compte, c’est l’accord le plus facile que j’ai jamais conclu.

Vous avez perdu votre odorat pendant un certain temps après un traitement contre le cancer. En quoi cela a-t-il changé votre vie ?

Je ne pouvais plus rien sentir, donc je ne pouvais plus créer. J’ai démissionné de ma marque, mais le même jour, j’ai réalisé que j’avais fait la plus grosse erreur de ma vie. Six semaines plus tard, j’avais retrouvé l’odorat. C’était intense, comme un tigre qui se réveille dans une cage. Quelques années plus tard, j’ai lancé Jo Loves, un terrain de jeu créatif. C’était merveilleux de composer à nouveau des parfums.

Les huit fragrances sont disponibles sur zara.com et en boutiques, lorsqu’elles seront réouvertes, de 5,95 euros pour 10 ml à 25,95 euros pour 90 ml.

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