Concentré des différentes facettes de la femme, les bijoux expriment plus que jamais la sensualité. A mesure que le deuxième sexe s’émancipe, ils s’affranchissent des codes.

Tout le monde se souvient de la robe dos nu de Guy Laroche portée par Mireille Darc dans Le grand blond avec une chaussure noire, dont la coupe extrêmement échancrée laissait apparaître la naissance de ses fesses. A y regarder de plus près, on remarquait une chaîne de taille dorée, qui soulignait d’un trait de lumière ses courbes. Aujourd’hui, les bijoux sensuels des années 70 brillent à nouveau sur la peau. Ear cuff soulignant le contour de l’oreille, vu notamment chez Piaget ou Mellerio dits Meller, dessous de lobe, chaîne de main, bijoux de corps, les versions précieuses de ces accessoires, d’abord réintroduits par le monde de la mode, se multiplient. A l’opposé d’un joli caillou serti, qui attire surtout l’attention sur lui-même, ces nouvelles façons de porter le bijou mettent en valeur les creux et les arrondis naturels de l’anatomie, réveillant la dimension charnelle de l’objet.

 » Les bijoux sont non pas un accessoire mais un prolongement secret de notre être, ils caressent notre corps et deviennent une partie de nous « , déclarait la joaillière espagnole Cristina Ortiz lors du lancement de sa marque.  » Le piercing et le tatouage, très en vogue depuis plusieurs années, emprisonnent le corps de façon définitive ou contraignante, analyse le sociologue français David Le Breton. Le détournement des codes autour du bijou permet aujourd’hui de garder celui-ci comme un élément de révélation de soi sans être à sa merci.  » Même si ce détournement passe parfois par des formes  » corset « , comme la ligne Berbère, aux anneaux multiples, de Repossi, dont le succès ne se dément pas depuis son lancement, en 2010. Ainsi, pour réveiller le potentiel sensuel des bijoux, rien de plus efficace qu’un petit tour vers d’autres cultures.  » L’Occident est à bout de souffle, affirme Bérénice Geoffroy-Schneiter, spécialiste du bijou ethnique. Il va chercher des inspirations chez des populations qui expriment beaucoup par le corps.  »

A d’autres époques, les femmes n’hésitaient pas à mettre en avant leurs atouts avec audace.  » Au XVIIe et au XVIIIe siècles, on arborait des devants et des traînes de corsage qui soulignaient les décolletés pigeonnants et venaient se loger entre les seins « , raconte Emilie Bérard, responsable du patrimoine pour Mellerio. Personne, aujourd’hui, ne porterait ces bijoux massifs, mais d’autres ornements coquins, plus au goût du jour, se trouvent sur Internet, en version accessible sur les sites Asos ou Etsy ou bien, plus haut de gamme, sur Cocotte Shop. Allusion aux prostituées de luxe du second Empire, cette e-boutique, lancée en 2013, propose des harnais en or fins qui se portent avec un maillot de bain, pour jouer les Rihanna ou les Beyoncé sur les plages de Californie ou, plus discrètement, sous une robe de soirée.  » Aux Etats-Unis, les femmes achètent facilement ce genre de bijou. Chez nous, le marché est encore timide, mais les habitudes commencent à changer « , assure Olivia Mignot, la fondatrice. C’est un fait : plus les femmes s’émancipent financièrement, plus elles s’affranchissent des significations symboliques et sociales de l’objet pour s’offrir ce qui leur plaît.

SECRETS BIEN GARDÉS

Douceur d’une matière, arrondi d’une finition, souplesse d’un mouvement, la sensualité joaillière se loge partout. Jusqu’aux endroits qu’on ne voit pas, comme dans les bijoux signés par la designer belge Nedda El-Asmar pour Diamanti Per Tutti où seul le propriétaire voit le diamant incrusté. On pourrait aussi évoquer l’intérieur de la bague dessinée par Samuel Gassmann pour le concept store parisien Colette à l’occasion de la Saint-Valentin. Héritée de la Renaissance, elle s’ouvre et ses deux anneaux forment un huit pour laisser apparaître de minuscules diamants taille rose.

 » Une alliance se fait toujours à trois, explique le créateur. Les deux personnes du couple et le petit « truc en plus » qui fait qu’elles s’attirent et restent ensemble. C’est ce jardin secret que j’ai voulu évoquer.  » Symboles moins romantiques mais très efficaces, les Menottes de Dinh Van, système utilisé par Jean Dinh Van, en 1976, pour créer un porte-clés, n’ont cessé de faire des petits, dont le dernier en date est une large manchette.

Dans un autre esprit, le bestiaire propose lui aussi ses objets de désir. La figure du serpent, présente en joaillerie depuis l’Antiquité, reste un incontournable pour des marques comme Boucheron ou Bulgari, qui continuent de la décliner. Chez Cartier, c’est l’intemporelle panthère qui a fêté ses 100 ans en 2014.  » Elle incarne une sensualité dangereuse par une sorte de glissement de la personnalité que l’on prête à cet animal vers la personne qui le porte « , souligne Pierre Rainero, directeur du patrimoine. Elle fait d’ailleurs scandale lorsqu’elle apparaît pour la première fois dans sa forme figurative, en 1948.

Pas d’animal dans la dernière campagne du joaillier Messika, mais le regard félin du top-modèle Malgosia Bela, qui pose dénudée, parée d’un collier de la ligne Silk,  » une sorte de cotte de mailles très fine qui épouse les lignes « , note Valérie Messika, présidente de la maison. Un bijou comme une seconde peau, quoi de plus sensuel ?

PAR LOUISE PROTHERY

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