Un bouquin qu’il connaît par coeur lui suffit pour se laisser aller. Même si rien ne vaut, aux yeux du directeur artistique maquillage de Givenchy, la contemplation d’un jardin de pierres japonais.

Nicolas Degennes fait partie de ces gens qui se posent peu, le privilège de ceux qui mènent une vie plus grande que leurs rêves, sans doute parce qu’ils ne se sont jamais laissé brider. L’homme n’est pas non plus arrivé en ligne droite là où il est. Entre France et Etats-Unis, il se forme au théâtre, à la musique, à la photo et au dessin aussi, c’est d’ailleurs comme ça qu’il trouve sa voie : maquilleur il sera. Au cinéma d’abord, sur Canal + ensuite, tout en assurant le make-up des shows de Thierry Mugler, Jean Paul Gaultier et Alexander McQueen. En 1999, la maison Givenchy lui fait de l’oeil, il en devient le directeur artistique Maquillage et Couleurs, apprivoise la marque et crée en 2004 la ligne Givenchy Le Makeup parfaitement à son image. En près de quinze ans, ce sont plus de 10 000 tonalités imaginées, quatre collections lancées dans le monde chaque année, sans parler des révolutions cosmétiques – le mascara à brosse sphérique Phenomen’Eyes en est le parfait exemple – devenues best-sellers.

Face à une journée rien que pour lui, ce créatif insatiable aura donc tendance à revenir vers les fondamentaux, un réflexe assez sain finalement lorsque les exigences du quotidien vous empêchent de vous écouter comme il le faut.  » J’aime reprendre en main un livre que je connais par coeur, note Nicolas Degennes. Parce que cela réveille toujours en moi des émotions. Ce qui est particulièrement bénéfique dans des moments de repos où l’on peut se redécouvrir, se laisser aller, redevenir un peu humain en fait. En ce sens, pour lâcher prise, la solitude est essentielle.  » Jamais bien loin de ses crayons, notre amoureux des couleurs se donne le droit de se défouler sur une page blanche  » quitte à tout jeter ensuite « , simplement pour le plaisir de laisser divaguer sa plume et son esprit.  » Ce qui a été posé sur cette feuille a été posé, et même si c’est pour ne rien en faire au final, c’est toujours intéressant.  » S’il est en France, dans son atelier, loin de Paris, il en profitera sûrement pour faire courir ses chiennes –  » la grande a besoin de se défouler en permanence, sourit-il, la plus petite traîne toujours à l’arrière !  » – dans cette nature où les obligations sont loin et où il aime reprendre pied. Ne lui proposez pas de massage mais plutôt une séance d’acupuncture –  » ça m’aide à évacuer mon stress complètement et comme je sais que ça marche, j’en accepte toutes les contraintes, même l’idée de me faire piquer avec des aiguilles  » – ou une manucure-pédicure.  » On en ressort tout propre et la tête vidée par le simple fait de se concentrer sur les différentes étapes de ce rituel, ajoute-t-il. D’ailleurs, la lumière est aussi essentielle pour moi quand je veux me ressourcer. Celle du Japon, de Kyoto en particulier, me rassure et m’envoûte même car elle est plus bleue que chez nous. Entourée par elle, je me sens tout de suite mieux.  » Fan des jardins de pierres –  » j’avoue, j’ai la rock attitude « , lâche-t-il – qui invitent aux voyages immobiles, Nicolas Degennes ne dit jamais non à une balade le long du célèbre Chemin des Philosophes bordé de cerisiers, où il laisse son esprit s’abandonner à la sérénité qui se dégage des lieux.  » Quand je suis là, plus rien ne vient me perturber, pointe-t-il. Je prends juste du plaisir dans ce que je vois. Ce sont des moments rares.  » A l’image de cet instant improbable vécu dans un ryokan sur les hauteurs de Kyoto.  » Lorsque je suis sorti pour prendre un bain chaud, il s’est mis à neiger au milieu des montagnes. Le temps s’est comme arrêté. J’avais le sentiment d’être seul au monde. Je me suis dit que j’étais béni des dieux.  » Et que cela valait sacrément la peine d’être vécu.

PAR ISABELLE WILLOT

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