Le talent rend-il sympathique ? Et bien oui, comme témoigne Pierre Leclercq, le designer belge qui a relooké avec brio la BMW X5.

Malgré une journée promotionnelle bien remplie, Pierre Leclercq, jeune designer de 34 ans, affiche un large sourire. Une bonne humeur associée au plaisir évident de présenter la nouvelle ligne de la BMW X5. Ce premier modèle qu’il a finalisé et qui sillonnera nos routes dès ce 24 mars lui a pris cinq ans. Il le connaît désormais par c£ur et en est… très fier. Avec cet opus, son nom, il est vrai, entre dans l’histoire de la grande aventure automobile… En attendant d’entrer au Panthéon des designers stars, ce nouveau petit génie belge retrace en toute simplicité son parcours qui a débuté voici 34 ans à Bastogne…

Weekend Le Vif/L’Express : Dans votre CV, vous faites preuve d’une réelle humilité quand vous déclarez  » qu’après vos études à l’Ecole supérieure des Arts de Saint-Luc vous êtes entré chez BMW « … J’imagine que ce poste n’est pas si facile à décrocher et doit être convoité par des milliers de jeunes designers….

Pierre Leclercq : Il n’y a pourtant rien de bien sorcier dans mon parcours ! J’ai commencé des études d’esthétique industrielle à l’Ecole supérieure des Arts de Saint-Luc à Liège. Dès ma première année, mon choix d’orientation était le secteur automobile mais mes parents m’ont conseillé de d’abord finir mes quatre années à Liège. Après celles-ci, j’ai présenté mon CV auprès d’une école suisse spécialisée en design automobile et j’ai été reçu. Manque de chance, après trois mois l’école a fermé ! C’est ainsi que je me suis retrouvé en avril 1996 dans une école américaine pour suivre un cycle de trois ans. Trois mois avant la fin de mes études, j’ai fait un stage chez BMW. A la fin de ma scolarité, BMW n’engageait pas. C’est ainsi que j’ai commencé à bosser pour Ford. Mais je n’aspirais qu’à travailler pour BMW. Un jour, Adrian Van Hooydonk, le chef du design chez BMW, m’a téléphoné. Suite à cet appel, j’ai envoyé mon CV et j’ai été engagé.

Difficile de parler de soi mais, d’après vous, quelles sont les qualités requises pour être engagé par BMW ?

Une attitude au travail… et une adéquation entre mes aspirations et le profil recherché par BMW…

Comment procède-t-on au sein du studio design de BMW pour travailler à l’évolution d’une voiture à succès comme la BMW X5 ?

Au studio design de BMW nous sommes une trentaine de designers dont trois Belges. Pour chaque nouveau projet, un long et laborieux processus de sélection des collaborateurs est mis en place. La responsabilité du projet ne peut en aucun cas être portée par un seul designer. Nous avons donc tous £uvré pendant quatre mois à nos ébauches et nous comparions nos travaux. Contrairement à d’autres marques, chez BMW, nous ne travaillons pas selon le concept du Lego : un créateur pour l’avant et un autre pour l’arrière. Ici, chaque designer est tenu de concevoir l’ensemble du prototype en se référant à un thème central. Dans ce cas-ci une voiture qui existe et où l’on va tout changer ! Petit à petit, des projets sont éliminés par le chef designer puis par le directoire du groupe BMW jusqu’à ce qu’il n’en reste plus qu’un. En l’occurrence le mien pour la X5 ! Un processus qui aura pris cinq ans !

Il y avait toutefois un cahier des charges à respecter qui limitait les interventions sur ce  » best-seller  » ?

Quand on voit la voiture, on peut imaginer qu’il y ait un tel cahier. C’est faux ! Quand on a commencé à envisager cette seconde génération pour la X5, on ignorait dans quelle direction on allait s’engager. Chaque proposition était très différente et au fur à mesure de son évolution, le projet a acquis sa forme actuelle. Notre chef n’impose aucune directive. Chacun s’y essaie comme il l’entend.

Il y a pourtant des exigences techniques ?

Oui, la voiture devrait être plus grande. Mais à part le diamètre des roues et la taille de l’essieu, on peut toujours bouleverser les données techniques au fur et à mesure que le projet progresse. A Munich, nous sommes confrontés à ces exigences en permanence. J’aime d’ailleurs travailler avec les ingénieurs et tenter de trouver des compromis entre les considérations techniques et l’aspect artistique.

L’introduction des sept places… un effet de mode ?

Je ne pense pas que les 7 places soient un phénomène de mode. Je dirais plutôt que c’est une obligation si BMW veut attaquer le marché américain. En offrant des véhicules à 7 places, Volvo a enlevé beaucoup de clients potentiels pour la X5. On devait donc absolument offrir cette possibilité. C’est un atout dont les utilisateurs veulent disposer… même s’ils n’en ont pas l’utilité ! A ce niveau, il n’y a plus de compromis.

Quand peut-on parler d’un design réussi ?

Il est toujours très subjectif de parler d’un design  » réussi « … Moi je penche davantage pour un certain goût universel. Il y a des voitures qui sont très peu critiquables et d’autres carrément ratées. D’autres encore qui sont à mi-chemin, ni exceptionnelles, ni laides. Pour l’un, une voiture sera magnifique, et pour l’autre, elle sera moche : tous les goûts sont donc dans la nature !

Actuellement, j’aime ce que l’on fait chez BMW où le design se veut très futuriste. J’apprécie aussi le travail du designer belge Luc Donckerwolke chez Lamborghini. Il y a insufflé une vision toute personnelle et très moderne.

Quelles sont vos sources d’inspiration ?

Je dessine tout le temps, en pensant continuellement au modèle que je peaufine jusqu’à ce qu’une nouvelle forme émerge. Certaines me plaisent davantage.

Y a-t-il une voiture que vous auriez aimé créer ?

Le deuxième modèle que j’ai dessiné et qui sortira prochainement chez BMW ! Il représente pour moi la concrétisation d’un rêve de gamin car c’est une voiture qui n’existe pas encore. C’est un crossover se situant entre un coupé et un SAV. Il n’y a pour le moment rien de comparable sur le marché.

Quel métier auriez-vous voulu faire si vous n’aviez pas été designer ?

Cuisinier ! J’adore cuisiner, apprendre et confectionner de nouvelles recettes. Ma spécialité n’est pas très originale mais je réussis particulièrement bien les pâtes. Si un jour le design ne me fait plus rêver j’adorerais ouvrir un petit restaurant !

Quelles sont les prochaines tendances à venir ?

En cuisine ? ( Rires.) Disons qu’il existe des constructeurs qui, il y a quelques années déjà, ont créé de nouvelles tendances au sein du design automobile. Ils jouaient sur le minimalisme et des formes très géométriques. Des formes tellement pures qu’elles ont très vite lassé. J’estime, en revanche, que le côté  » sculpturel  » que BMW explore actuellement laisse encore présager de belles années d’innovation. Quand je parle de  » sculpturel « , cela veut dire que l’on fait une sculpture d’une voiture. Le sujet est donc bien vaste…

Que conseilleriez-vous à un jeune qui veut se lancer dans votre profession ?

De faire des études appropriées ! Trop de jeunes suivent une formation d’ingénieur en dessinant des voitures sur le côté. Ce n’est pas ainsi que cela fonctionne. Pour un jeune Belge qui veut se lancer dans ce métier où il y a encore de l’avenir, je conseillerai de partir en Allemagne dans une école comme celle de Forchheim. Les études s’étendent sur quatre ans. Elles sont gratuites et offrent par ailleurs aux étudiants l’immense avantage de beaucoup travailler avec l’industrie automobile allemande. C’est également le cas pour les écoles californiennes où il n’y a pas moins de 19 studios de design… Forchheim reste toutefois l’école la mieux organisée !

Trois adjectifs pour la nouvelle X5 ?

Elégante, musclée et dynamique !

Propos recueillis par Chantal Piret

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