Le design emphatique est en passe de s’essouffler. Face à la crise, un style plus dépouillé s’impose. Pour un confort sans superflu.

« On a envie de calmer le jeu, de se délester des artifices du superficiel et de l’inutile.  » Tel était le constat dressé par le Salon Maison & Objet, à Paris, dans son dernier cahier de tendances, intitulé  » Essentiel « . Signe que l’heure est à la mesure et à la recherche de valeurs fondamentales. La preuve par trois.

LA PART BELLE AUX MATÉRIAUX DURABLES

Dans cette recherche de sobriété, le bois et le cuir sont incontestablement les plus plébiscités par les designers et les fabricants. Ces matériaux, symboles de pérennité et d’authenticité, prennent de nouveaux aspects. Et révèlent leur nature profonde. Le bois affiche sa complexité (l’armoire en bois de rose de Massimo Morozzi pour Edra) ou sa blancheur naturelle (le banc Holzbank de Thomas Schnur, aux pieds en forme de rondin, ou la Bead Chair de Front Design pour Moroso, dont les billes de bois évoquent les sièges des chauffeurs de taxi). Le cuir aussi inspire. Chez Moroso, les Suédoises de Front (encore elles) ont créé le canapé Doodle à la manière du cuir de Cordoue, avec des dessins en relief. Le designer Toan Nguyen a travaillé également le cuir avec simplicité et élégance : le Soho Sofa, édité par Fendi Casa, est simplement ponctué de sangles. Par cette mise en avant des matières authentiques,  » durables « , le design met surtout l’accent sur une envie d’essentiel.  » La tendance est à un confort sans superflu qui nous permettrait de « décélérer » un peu « , analyse Hélène Huret, directrice de la Fondation Bernardaud, à Limoges.

DES FORMES SIMPLES

En juillet dernier, à Hyères, au festival Design Parade, le designer François Azambourg dévoilait la ceinture à un trou pour la marque petit h (groupe Hermès) : une simple bande de cuir naturel percée d’un unique orifice en fonction des mensurations de l’acheteur. C’est bien de cette ultrasimplicité qu’il est également question aujourd’hui dans les formes de la déco. Le mobile de François Azambourg pour l’Atelier d’exercices – des hélices en bois de santal montées sur des cordes à piano – participe aussi de cette idée de simplicité, voire de décroissance. Signe des temps, le spécialiste de la mosaïque Bisazza a demandé au studio japonais Nendo (lire aussi Le Vif Weekend du 19 octobre dernier) de créer des meubles de salle de bains aux lignes épurées . Le résultat : une collection en bois de mélèze dans le pur esprit zen, sans aucune tesselle. La coiffeuse Chandlo du duo britannique Doshi Levien (éd. BD Barcelona) est composée d’une table où sont posés deux miroirs (un rond, un carré) et une boîte à bijoux. Comme les bases d’une nouvelle géométrie sans chichi. La lampe Gifu, créée par Maria del Pilar Velasco (Equateur) et Pau Stephens (Mexique) ne tient que par cinq morceaux de bois assemblés par deux vis papillon. Un câble électrique apparent et une ampoule sphérique complètent le dispositif. Tout se passe comme si un allégement, un dépouillement, s’opérait pour revenir au strict nécessaire.

UNE QUÊTE D’AUTHENTICITÉ

Si les matériaux comme les formes reflètent un engouement pour des objets plus  » lents « , le fond n’est pas en reste. Le travail de la main et de l’artisanat se trouve de plus en plus valorisé. Unique en son genre par ses métiers à tisser du XVIIe siècle, la Manufacture des tapis de Cogolin, rachetée en 2011 par le fabricant chinois de tapis Tai Ping, vient d’ouvrir un showroom en plein centre de Paris. Au même moment, les jeunes éditeurs d’objets militent pour une nouvelle éthique. Pour Édition sous étiquette, la traçabilité et l’authenticité sont capitales. Ses  » étiquettes  » sont  » une £uvre originale du designer qui signe l’objet, son certificat d’authenticité. Elles portent le récit du projet et dessinent le lien entre la maison d’édition et son public « . Face à la flambée du luxe et des éditions limitées, de plus en plus d’entreprises renouent avec une approche démocratique du design. La société Petite Friture, lancée en 2009, ambitionne de créer des objets simples, élégants et… accessibles à tous. Le tout nouvel éditeur italien Discipline affirme, lui, haut et fort vouloir rendre la vie plus pratique et chercher la justesse. Sa première collection, créée à partir de matériaux renouvelables (bois, verre, liège…) et vendue à prix doux, semble tenir la promesse.

1. Canapé Doodle, en cuir repoussé, Front Design, éd. Moroso. 2. Vases Minimal, éd. Discipline. 3. Coiffeuse Chandlo, design Doshi Levien, éd. BD Barcelona. 4. Tables basses Oreka, éd. Alki. 5. Lampes Gifu, design Maria del Pilar Velasco et Pau Stephens. 6. Élément de rangement pour salle de bains, design Nendo pour Bisazza.

PAR YVES MIRANDE

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