En matière de sous-vêtements, les hommes, c’est bien connu, ne font pas dans la dentelle. Face à l’hégémonie du boxer fédérateur, le bon vieux kangourou monte pourtant aux barricades.

Pour Adam comme pour Eve, tout a commencé par une feuille de vigne. Mais loi de l’offre et de la demande oblige, le budget lingerie des femmes est désormais de deux à trois fois plus important que celui que les hommes consacrent chaque année à leurs dessous (1). Autre constat sans appel : le boxer, qui remporte 67 % des suffrages en matière de formes, squatte 57 % des tiroirs, suivi de près par le slip, présent quant à lui dans 45 % des dressings – il n’est en effet pas interdit d’avoir les deux – contre à peine 3,3 % pour les strings. Alors que seuls 53 % des hommes achètent eux-mêmes leurs sous-vêtements, les motivations des femmes qui shoppent pour le reste d’entre eux répondent davantage à un besoin de renouvellement du stock existant qu’à l’envie de faire un cadeau affriolant à leur partenaire. Des achats par lots (76 % contre 24 % seulement à la pièce unique) expédiés la plupart du temps dans la foulée des courses de la semaine au supermarché du coin.

La tendance pourrait toutefois s’inverser grâce à l’arrivée sur le marché de petites marques de niche distribuées principalement via Internet – 14 % des hommes choisissent déjà ce circuit pour se fournir en sous-vêtements, là où l’ensemble du marché de l’habillement atteint à peine les 8,6 %. Ces nouveaux labels vont peut-être modifier la proportion boxer/slip auprès des jeunes générations. Guillaume Gibault, fondateur du Slip Français, croit en tout cas dur comme fer au retour en force de ce bout de tissu qui, il y a quelques années encore, atteignait – aux yeux des moins de 50 ans en tout cas – des sommets de beaufitude.  » Quand on s’appelle Le Slip Français, c’est sûr que l’on va forcément en vendre en moyenne plus que le reste du marché, constate celui qui n’a pas hésité à donner à sa marchandise des noms de navires de guerre. Le slip, c’est le choix du mec qui s’assume, qui n’a pas peur de dire :  » le patron, c’est moi.  » Ce sont plutôt les filles qui les ont bannis de la garde-robe masculine et qui leur préfèrent les boxers. C’est d’ailleurs ce qu’elles achètent pour leurs copains ou leurs maris. Mais le type qui décide de se prendre en main va avoir envie de se faire plaisir, de se démarquer aussi. En baptisant nos produits  » Le Triomphant « ,  » L’Intrépide  » ou  » Le Redoutable « , on a poussé la logique jusqu’au bout, en imaginant le gars plutôt content de lui adoptant une posture guerrière après avoir enfilé son slip et qui se dit :  » Là, je me sens plutôt vaillant ce soir.  » Le tout bien sûr avec une bonne dose de second degré.  »

L’image du Gros Dégueulasse de Reiser a donc cédé la place à celle du hipster aussi à l’aise dans son kangourou moulant que dans ses baskets.  » Le slip a quelque chose de rassurant, concède Brigitte Govignon, auteure de l’essai Caleçons, Culottes & Compagnie(2). Et par les temps qui courent, cela ne fait pas de mal de pouvoir s’appuyer sur ce qui a fait ses preuves par le passé.  » Cet hier où la virilité et la place dominante de l’homme au sein de la famille et de la société n’étaient pas remises en cause comme elles peuvent parfois l’être aujourd’hui.  » Regardez Batman et Superman, poursuit Brigitte Govignon, tout slip dehors par-dessus leur collant. Comme s’il s’agissait là d’une garantie à toute épreuve. Une sorte de bouclier capable de maintenir et de protéger leur appareil sexuel. Et par là même de garantir à l’humanité tout entière qu’ils seront capables de faire face à tous les dangers et de la protéger.  »

Apparu en 1906 à la page 563 du catalogue Manufrance, le bon vieux kangourou n’a pas beaucoup changé depuis sa création. Si variantes il y a, c’est plutôt au niveau des couleurs – et encore… – et des matières que ça se joue.  » Cela reste un produit pour homme, ce qui implique qu’il est relativement neutre, car même si vous proposez des tons plus vifs ou des motifs à vos clients, en fin de compte, ce sont encore les modèles bleu marine, gris ou noirs qui se vendent le mieux « , constate Guillaume Gibault.

 » Contrairement à la femme, l’homme n’est pas dans une démarche glamour quand il s’achète des sous-vêtements qui, de toute façon, ne se verront jamais et ne se laisseront même pas deviner au grand jour, reconnaît Brigitte Govignon. Les vêtements qu’il porte par-dessus ne lui permettent d’ailleurs pas ce genre de fantaisie. Ce dont il a besoin, c’est d’être bien calé dans son boxer ou dans son slip, d’abriter son sexe aussi confortablement et discrètement que possible. On est loin du temps où les pantalons se dotaient dans l’entre-jambes d’un étui en cuir ou en métal, symbole d’une sexualité triomphante. Ce que l’on appelait braguette sous François Ier pouvait contenir aussi bien le sexe que de l’argent, un mouchoir ou même un fruit ! Ce n’est qu’en 1830 qu’elle disparaît au profit de la fente verticale dans le pantalon masculin que l’on connaît aujourd’hui.  »

Depuis lors, si l’on excepte l’émergence de quelques collections ludiques aux imprimés improbables issus de l’univers geek et destinées aux moins de 30 ans, la sobriété reste donc de mise. Même lorsque David Beckham joue les stylistes pour H&M, lui aussi regarde dans le rétro.  » Je me suis inspiré des longs caleçons que l’on portait il y a cent ans, confesse la star du PSG. J’avais envie de créer quelque chose que les hommes aimeraient porter et qui plairait à leur femme aussi.  » Rien de très aguichant finalement, si l’on excepte la plastique plus que parfaite du footballeur le mieux payé du monde. Mais même lorsque l’on tente d’adopter sous la ceinture un profil bas, un sous-vêtement en dit souvent plus sur soi que ce que l’on croit…

(1) Selon une étude Kantar Worldpanel réalisée en janvier dernier à l’occasion du Salon de la lingerie, à Paris.

(2) Caleçons, Culottes & Compagnie, par Brigitte Govignon, éditions de La Martinière, 160 pages.

PAR ISABELLE WILLOT

 » L’HOMME N’EST PAS DANS UNE DÉMARCHE GLAMOUR QUAND IL S’ACHÈTE DES SOUS-VÊTEMENTS.  »

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