« Les villes dotées d’une nature vivante sont cruciales pour notre avenir »: rencontre avec l’architecte Stefano Boeri

© Aaron Lapeirre

Stefano Boeri (64 ans) prône la reforestation urbaine: horizontalement, avec des parcs, mais aussi verticalement, par le biais de gratte-ciel résidentiels plantés comme son Bosco Verticale à Milan. Début octobre, il a présenté à Anvers le Palazzo Verde, une tour d’habitations dont les jardins de la cour et des toits, ainsi que les terrasses, abritent plus de 2 000 arbres et plantes.

Comme nous, les arbres appartiennent à des familles et établissent des liens entre eux, mais ils sont aussi tous différents, chacun a son propre parcours de vie et ses propres caractéristiques. Ils me fascinent depuis mon enfance. Ils existent depuis des millions d’années, alors que nous sommes au bord de l’extinction après une période bien plus courte. Si la vie extraterrestre veut un jour entrer en contact avec l’espèce la plus intelligente de la planète, ce ne sera pas avec nous.

J’ai longtemps évité l’architecture. Ma mère ( NDLR: Cini Boeri) était une architecte et une designer réputée et ne manquait pas de personnalité. Les yeux rivés sur mon indépendance, je voulais tracer ma propre voie. Comme les meilleures formations en océanographie se donnaient hors de l’Europe, j’ai finalement choisi l’architecture, mais dans une perspective d’urbanisme, pour me distinguer de ma mère.

La ville est le problème et la solution. Les villes produisent les trois quarts des émissions de CO2 et sont en grande partie responsables du changement climatique, mais il est illusoire de penser que nous pouvons nous en passer. Pour notre prospérité économique, culturelle et sociale, nous avons besoin de la densité de la ville, de la proximité des autres et des échanges. Les forêts verticales qui favorisent la qualité de l’air et la biodiversité ne peuvent pas remplacer les vraies forêts et les bois, mais les villes dotées d’une nature vivante sont cruciales pour notre avenir et la lutte contre le réchauffement climatique, c’est un fait.

Les idées ne reposent jamais sur un unique individu. Vous pouvez réaliser quelque chose, mais il y aura toujours quelqu’un qui le fera mieux que vous. Dans la lutte contre le changement climatique, cette dynamique est essentielle. Nous avons délibérément rendu publiques toutes nos connaissances sur les forêts verticales, car c’est ainsi qu’on progresse: en partageant nos idées. Notre contribution est que nous n’abordons pas la nature vivante comme un ornement ou un outil esthétique, mais comme un élément de base de l’architecture.

‘J’aime l’idu0026#xE9;e d’une u0026#xE9;cole de l’u0026#xE9;chec: un lieu ou0026#xF9; l’on u0026#xE9;tudie l’u0026#xE9;chec et ou0026#xF9; l’on cherche u0026#xE0; en tirer des enseignements.’

Je fais de la politique sans la politique. Etudiant, j’étais très actif dans le mouvement de gauche. Plus tard, j’ai arrêté de travailler comme architecte pendant quelques années pour concourir à la mairie de Milan et devenir conseiller pour la culture, la mode et le design. J’ai pu mettre en place quelques projets, mais la politique ne me manque pas. Quand je vois les secteurs et les partenaires que je peux réunir autour de Forestami, un projet visant à planter trois millions de nouveaux arbres à Milan d’ici 2030, je me dis que c’est plus efficace et d’une plus grande portée que ce que permettent les compromis et les médiations en politique.

Les architectes ne sont pas habitués à reconnaître l’importance de l’échec. Nous avons l’habitude de parler de nos carrières comme d’une succession de réussites et de victoires, alors que les erreurs et les leçons apprises sont tout aussi importantes. J’aime l’idée d’une école de l’échec: un lieu où l’on étudie l’échec et où l’on cherche à en tirer des enseignements.

Seul, je ne fais rien. Mon plus grand mérite en tant qu’architecte, commissaire d’expositions et de festivals et président de la Triennale de Milan est que je m’entoure des bonnes personnes. C’est aussi ce qui m’a permis de créer des magazines d’architecture, de devenir consultant, de lancer des réseaux de recherche et d’autres initiatives, et d’être le commissaire du dernier Salone del Mobile. Je n’ai pas peur de vieillir. J’ai plus d’énergie aujourd’hui qu’il y a trente ans, probablement parce que je tire aussi plus de satisfaction de mon travail.

Il faut cultiver nos obsessions. Dans mon cas, il s’agit de réunir la nature vivante et l’architecture, mais c’est tout un apprentissage: chaque projet est une occasion d’expérimenter des systèmes et des matériaux de construction, afin que les forêts verticales deviennent plus abordables, plus durables et plus belles. A Eindhoven, par exemple, nous venons d’achever une tour résidentielle verte comprenant 125 logements sociaux. A la maison, j’ai toujours conseillé à mes deux fils de ne pas disperser leur énergie, mais de se concentrer sur leur véritable passion. En italien, il existe un lien intéressant entre le fait d’être « radical », de ne pas faire un travail bâclé, et le fait d’avoir des « radici », des racines. La persévérance et le fait d’avoir les pieds bien sur terre: il faut les deux dans la vie.

stefanoboeriarchitetti.net et palazzo-verde.be

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