Et si la  » customisation musicale  » était l’arme absolue pour lutter contre la copie illégale de CD ? Zoom sur une tendance en gestation.

Retrouvez Frédéric Brébant chaque lundi matin, vers 9 h 45, dans l’émission  » Bonjour quand même « , de Jean-Pierre Hautier, sur la Première (RTBF radio).

Andy Warhol sera-t-il le sauveur de l’industrie musicale ? Arrogante et surréaliste, la question vient pourtant d’être posée, à demi-mot, par une jeune entreprise belge. Certes, le pape du pop art (décédé en 1987) ne peut plus agir, à proprement parler, pour le bien-être des chanteurs démotivés, mais sa philosophie artistique risque bien d’apporter, à l’avenir, un peu de réconfort à un secteur miné par le piratage. Souvenez-vous : dans les années 1960, Andy Warhol lance le concept des variations chromatiques autour d’une seule photo de Marilyn Monroe. Chaque sérigraphie s’inscrit dans le même schéma de production industrielle tout en présentant l’incontestable avantage d’être bel et bien unique dans les couleurs qui la composent. En clair, l’artiste mélange les notions de reproduction et d’original au sein d’un paradoxe créatif censé satisfaire les foules. L’idée séduit ; les ventes explosent. Quarante ans plus tard, cette trouvaille audacieuse rejaillit sur l’industrie musicale par l’intermédiaire d’une PME bruxelloise aussi inventive qu’enthousiaste baptisée TrustMedia ( www.trust-media.net). Son constat : le marché du disque est en fâcheuse posture, confronté au nombre grandissant de copies illégales qui font chuter, par définition, les ventes d’albums en magasin. Pourquoi, dès lors, ne pas proposer aux internautes de télécharger, pour une somme modique, leur version unique et originale d’un seul et même morceau existant, histoire d’enrayer le piratage et de relancer les ventes on line ? En clair : les fans d’un groupe pop, rock ou électronique pourraient construire et acheter leur scénario idéal d’une chanson  » décortiquée  » pour l’occasion en choisissant telle ou telle voix, telle ou telle basse, telle ou telle guitare, etc. Utopie ? Pas vraiment. Pour l’inauguration de ce procédé révolutionnaire, les petits Belges de TrustMedia ont réussi à convaincre les grands Britanniques de Prodigy de jouer le jeu et le résultat a dépassé toutes les espérances : 300 000 demandes dès le lancement de l’opération sur le site officiel du groupe alors que l’objectif initial était fixé à 5 000 ! Depuis, l’idée du  » sur-mesure musical  » fait son chemin et le groupe belge Airlock a récemment emboîté le pas de ces variations sur le même thème : désormais, on peut créer et s’offrir sa propre version du morceau  » Shape of Light  » sur leur site www.airlock.be en payant 3, 4 ou 5 euros selon le format choisi. Mieux, le duo Soldout proposera lui aussi, dans quelques jours, son  » £uvre unique en série  » sur son site officiel, toujours avec la collaboration de l’entreprise TrustMedia qui nourrit d’ailleurs le même type de projet avec le fameux groupe Massive Attack. Novateur, ce concept original d’un morceau musical personnalisable à souhait s’inscrit, en définitive, dans l’air du temps. Depuis quelques saisons déjà, la customisation (comprenez la personnalisation de masse) a le vent en poupe dans le secteur de la mode, démontrant ainsi que chacun se plaît de plus en plus à apporter une touche personnelle aux produits vendus en série. Bref, c’est la grande illusion du  » Toi aussi, deviens artiste ! « , dans les vêtements comme dans la musique, afin de placer chaque consommateur sur un piédestal virtuel. Visionnaire, la grande prêtresse des tendances Faith Popcorn l’avait prédit : l’économie de marché est bien en train de se muer en une  » egonomie  » de marché où chacun peut espérer trouver, finalement, ce fameux quart d’heure de célébrité mondiale si cher à Andy Warhol.

Frédéric Brébant

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