Fanny Bouvry

On a testé: assister à un opéra à La Monnaie

Fanny Bouvry Journaliste

Sur la liste des choses qu’à mon âge respectable, je n’ai encore jamais réalisées, figurent entre autres: faire du roller, sauter à l’élastique, toucher un serpent, manger du caviar, bronzer sur une plage naturiste, regarder L’exorciste, fumer, voler, mentir (je vous promets)… et aller à l’opéra!

Pour cette rubrique destinée aux journalistes n’ayant pas froid aux yeux, j’aurais donc pu dérober une soupe à la cantine ou tenter la pause clopes avec mes chers collègues. Mais j’ai toutefois préféré m’adonner à une activité ô combien plus vertueuse: je suis partie à la découverte de l’art lyrique, renonçant aux classiques que sont La Flûte enchantée de Mozart et Nabucco de Verdi pour l’iconoclaste Jeanne d’Arc au bûcher d’Arthur Honegger monté par Romeo Castellucci, une pièce jugée « pornographique » par des associations catholiques qui ont récolté plusieurs milliers de signatures en faveur de sa déprogrammation. C’est que voir la Pucelle d’Orléans nue sur scène, chevauchant un faux cheval couché sur le flanc, peut choquer les âmes un peu trop bien pensantes. Mais c’est un autre débat.

On a testé: assister à un opéra à La Monnaie
© JEANNE D’ARC AU BUCHER / A. BONNET B.UHLIG

Pour ma part, en matière de chocs, je fus également servie, mais pas à cause des seins à l’air d’Audrey Bonnet, la phénoménale actrice principale, véritablement habitée par le rôle. La première surprise fut pour moi de pousser la porte du théâtre de la Monnaie – désolée d’avoir attendu quarante-deux ans – et de prendre place dans le parterre de cette salle fastueuse, tout d’or et de velours vêtue… A ma droite, un jeune homme installé dans une loge avait déjà dégainé ses jumelles de poche et regardait le rideau noir abaissé – je n’ai pas trop bien compris – tandis qu’un peu plus loin, deux vieilles dames discutaient des dernières soirées maaagnifiiiiiques passées dans ce temple bruxellois de la culture. Lever de rideau et re-surprise pour moi, pas l’ombre d’un choeur ou d’une cantatrice sur scène. Seule la sainte patronne fit son apparition sous les projecteurs, déguisée en homme, avant de péter littéralement les plombs et de casser tout le décor soigneusement aménagé, tout ça dans un silence plombant faisant écho à ma sidération. Où étaient passés les musiciens et les chanteurs?

Après de longues minutes, les notes explosèrent enfin sous la coupole, me rassurant sur la nature du spectacle en cours. Je compris alors que le chef d’orchestre et toute son équipe étaient cachés dans la fosse devant la scène. Je me plongeai corps et âme dans cette oeuvre à couper le souffle alors que l’héroïne, toujours seule ou presque, se roulait dans la terre, s’aspergeait d’eau et démontait ce qu’il restait de la scénographie, sur fond de nébuleuses paroles où il était question de  » roi de France « , de « Jésus Marie » et de… « manger du flanc ». Après 1h30, le rideau tomba. Ovation. On m’avait prévenue: à l’opéra, il faut s’attendre à tout. Fondre en larmes, pouffer de rire ou… ne pas comprendre grand-chose mais avoir tous ses sens en ébullition. Bref, j’ai envie d’y retourner. Eh dis, tu me prêtes tes jumelles?

On a testé: assister à un opéra à La Monnaie
© JEANNE D’ARC AU BUCHER / A. BONNET B.UHLIG

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content