C’est dans un de ces villages paisibles de Flandre Orientale, en pleine campagne, qu’a pris racine une villa inspirée, dans sa géométrie, des anciennes maisons romaines. Ce concept à l’italienne porte la griffe du bureau d’architecture gantois D&C Van Impe and Partners.

Suffisamment imposante pour ne pas passer inaperçue, mais relativement protégée des regards indiscrets, elle ne dévoile d’abord qu’une façade rectiligne et un  » drive » à l’américaine: les voitures passent sous le porche pour gagner l’aire de parking ou le garage. C’est l’imposant hall d’entrée qui donne la clef du lieu: circulaire, surplombé d’un dôme en verre, il donne accès aux trois ailes de l’habitation. A gauche, le bureau du maître de maison et le garage. A droite, la cuisine et la buanderie. En face, l’immense pièce de séjour, prolongée par la piscine, le hammam et la salle de fitness. Il n’y a aucun couloir, juste trois portes coulissantes en verre opaque et en koto, un bois africain réputé pour sa solidité.

 » Cette géométrie particulière, inspirée des anciennes maisons romaines, devait permettre de structurer l’espace extérieur en quatre petits jardins positionnés à l’ouest, à l’est, au nord et au sud. Ceux-ci se déclinent comme des patios ouverts « , explique l’architecte gantois Denis Van Impe, qui travaille en tandem avec son épouse Colette. Le premier étage se limite aux ailes avant, ce qui explique que l’habitation couvre 750 m2 au sol, mais seulement 950 m2 au total. Le plafond du living, comme celui de la piscine, est conçu comme un toit en pointe, avec sa fine charpente métallique. « Le corollaire de ce concept à l’italienne était de tirer le meilleur parti de la lumière du jour », souligne Colette Van Impe. Celle-ci irradie de partout, mais peut aussi être rapidement maîtrisée: un système de domotique commande la fermeture des stores, persiennes et tentures dans toute la maison.

Des ampoules ailées

Avec ses proportions de mini-salle de réception et son impressionnante verticalité (près de neuf mètres entre le sommet du dôme et le sol en pierre naturelle), le hall aurait une majesté un peu raide s’il n’y avait ce lustre d’Ingo Maurer dont les simples ampoules se muent en angelots grâce à des ailes diaphanes. Des appliques de même inspiration lui font écho sur le pourtour de la mezzanine. C’est une suggestion de Classo, société familiale de Lochristi qui a piloté l’ensemble de l’aménagement intérieur. Classo a privilégié le jeu des contrastes dans le choix du mobilier et des objets de décoration. Zoom avant sur la pièce de séjour où cohabitent, en parfaite harmonie, créations contemporaines et pièces anciennes. Pour séparer la salle à manger du living, les propriétaires ont fait le choix d’un ancien buffet chinois, dont les lignes ne sont pas sans évoquer celles des trois armoires identiques de Chi Wing Lo, poulain de l’entreprise italienne Giorgetti, qui occupent le mur adjacent. A côté de celles-ci trône, sur son piédestal, une sculpture en bois originaire de Bornéo, vieille de deux siècles. « Nous privilégions toujours la combinaison de beaux objets ethniques et d’antiquités orientales avec des pièces de design contemporain. Cela donne à un intérieur plutôt sobre, chaleur et personnalité », pointe Colette Bruggeman, cheville ouvrière de Classo.

La palette de couleurs se décline dans les gris et les beiges, avec une pointe d’orange vif. Encadrant deux tables basses qui se font écho dans le choix des matériaux – un mélange de wengé et d’acier chromé -, le salon a été choisi dans la collection Minotti. Deux fauteuils monoplaces de Cassina complètent l’ensemble. Plusieurs éléments de mobilier sont des créations propres de Casso, notamment la table de la salle à manger (éclairée par un autre luminaire impressionnant d’Ingo Maurer) et les consoles en pierre bleue qui masquent les radiateurs.

Du salon, les occupants ont vue sur la piscine grâce à une double baie vitrée. Dallage écru, mosaïques bleu nuit dans les douches et structure portante du toit rappelant celle du living, avec un chapeau de lumière en son sommet. Le plus étonnant, dans cet environnement, est la fresque vibrionnante de couleurs qui ceinture la piscine et le jacuzzi. Son auteur, Ives Ingelaere, spécialiste des peintures murales, y est allé de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Ce Flamand désormais installé en Wallonie s’est inspiré de sept minuscules carrés noirs incrustés dans le dallage pour bâtir une histoire totalement onirique autour de sept femmes, « qui sont comme sept muses représentant les différents stades de la vie ». Dans cette histoire interviennent les inévitables Adam et Eve, mais aussi un évêque, une bonne soeur, un clown, un représentant de commerce, le maître de maison en costume de chasse (c’est sa marotte), son épouse sensuellement assise sur une Vespa (elle ne comprend pas bien pourquoi) et leurs deux enfants. Le tout compose un tableau un peu kitsch et franchement humoristique. « Mes compositions tentent de faire le lien entre l’architecture, les occupants du lieu et ce qui me parle en eux », confie Ives Ingelaere.

L’art du rangement

La maison dispose de formidables espaces de rangement, tous plus invisibles les uns que les autres, extrêmement bien pensés aussi: dans le vestaire, on a prévu de simples crochets pour les vestes et manteaux des enfants, des cintres pour les parents. « C’est plus facile pour eux; sinon, ils ne rangent pas », sourit la maman. Dans la cuisine, la porte menant à la buanderie-salle de repassage fait partie intégrante des armoires murales: une fois fermée, elle passe totalement inaperçue. Créée sur mesure, la cuisine (Bulthaup) forme un carré parfait autour de son bloc central: armoires en érable et en bois laqué bleu, plan de travail en granit, appareils électroménagers dernier cri – avec le top du top pour la cuisson vapeur. Imaginée comme un lieu fonctionnel, mais aussi convivial, on peut y manger à l’aise, avec vue directe sur le jardin.

Alors que le rez-de-chaussée est conçu comme un lieu semi-ouvert, avec ses portes coulissantes qui cloisonnent ou non l’espace, le premier étage respire l’intimité. Au sol, le teck a remplacé le wengé. C’est un couloir converti en dressing qui mène aux chambres des deux enfants. Celles-ci se présentent en miroir: mobilier bleu et tentures blanc cassé pour l’un, mobilier blanc cassé et tentures bleues pour l’autre. Les chambres sont reliées entre elles par une salle de douche commune. Un petit salon télé-vidéo-Playstation, convertible en chambre d’ami, leur est adjacent. La chambre des parents, elle, surplombe l’entrée de la maison. De dimensions plus qu’appréciables, elle se mue en cocon protecteur grâce à l’existence de deux murets: le premier, placé au pied du lit, garantit l’intimité à ses occupants ; le second, qui s’arrête juste sous le plafond, en tête de lit, isole la chambre de la salle de bains. Deux colonnes dorées diffusent vers le plafond une lumière douce tandis que, d’une même pression sur l’interrupteur, les tentures se ferment. Cette lumière mordorée, que l’on doit à un habillage de cuivre à l’intérieur des colonnes, se conjugue avec la chaleur du bois clair (lit et armoiresPoliform) et les teintes grisées du tapis (création Casso).

Avec sa forme semi-circulaire et sa baignoire encastrée dans une estrade de bois, la salle de bains est un havre de quiétude. Astuces: la patine des murs donne l’illusion d’avoir affaire à une pierre marbrée, les persiennes sont enchâssées dans le double vitrage. Comme partout dans la maison, les armoires se fondent dans l’espace quand elles ne disparaissent pas purement et simplement derrière un miroir. S’il n’y avait ce réveil ostensiblement narquois, bien en vue près de la baignoire, on aurait tendance à croire qu’en ce lieu, le temps suspend son vol.

Chantal Samson, Photos: Sven Everaert [{ssquf}], Carnet d’adresses en page …

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