Signé Brigitte de Villenfagne et Michaël de Villegas, ce jardin en bord de Lys séduit par son décor raffiné et ses superbes compositions florales. Poussez la porte d’un petit paradis…

La botaniste et dendrologue Brigitte de Villenfagne se promène dans la jungle des noms de plantes comme d’autres le feraient dans les oeuvres complètes d’un compositeur, avec la gourmandise de l’érudition. Elle qui aime rappeler qu’elle fut un temps peintre-portraitiste se définit d’abord comme un des deux éléments du tandem qu’elle constitue avec son fils, le paysagiste Michaël de Villegas.

C’est à Michaël de Villegas que revient l’inscription des lignes dans le paysage, le dessin des perspectives ou l’ancrage dans le sol des massifs et volumes à planter. Dans un de ses jardins préférés, qui longe cette Lys  » plate comme une mer d’huile « , il a implanté un double alignement de Robinia pseudoacacia  » Frisia « . Sans la moindre brise, les multiples folioles jaune clair ondoient comme des masses cotonneuses, à un point tel que  » même par un jour de pluie, on a l’impression de recevoir un rayon de soleil ».

Les arbustes, rosiers, vivaces, grimpantes que choisit Brigitte de Villenfagne ont d’autant plus de mérite à ses yeux qu’ils fleurissent longtemps. Elle songe, par exemple, aux hellébores qui foisonnent deux mois durant, avant même que le printemps n’apparaisse. Ensuite, elle fait appel aux bulbes pour  » semer la folie dans le jardin au moment de la fête de Pâques ». Avec l’arrivée de l’été, les roses – surtout les formes buissonnantes – ont sa préférence. Le rosiériste Louis Lens l’a compris en lui dédiant une de ses créations: la  » Brigitte de Villenfagne « , un hybride de Rosa moschata, très résistant et sain.  » Je la place dans tous mes jardins. C’est ma signature végétale, qui n’est jamais facturée au client ! « 

Brigitte de Villenfagne ne développe pas d’a priori en faveur des roses anciennes ou anglaises.  » Toutes les roses m’intéressent, toutes les couleurs, pour autant qu’elles aient une longue floraison, qu’elles soient remontantes. J’accorde beaucoup plus d’importance à leur qualité sanitaire, c’est-à-dire à leur résistance aux maladies et aussi à la manière dont elles se fanent. Il faut qu’elles supportent bien la pluie. Je n’emploie pas de roses dont les pétales brunissent et restent accrochés en boule sur la tige durant un été mouillé, ce qui est souvent notre lot en Belgique. En fait, je recherche des touffes de fleurs qui s’autonettoient. « 

Alors qu’ils paraissent généralement démodés, les conifères – notamment les petits formats – trouvent grâce à ses yeux.  » Je n’aime pas les borders à l’anglaise qui ressemblent, dès la fin de l’automne, à un champ de patates. Comme je recherche une certaine structure en hiver, je dispose dans mes arrangements de petits conifères que les Anglais, eux, cantonnent dans le jardin de bruyères. « 

On trouve bien entendu la griffe de Villenfagne dans le jardin du bord de Lys. Ce petit paradis a été créé en trois étapes, séparées chacune par quelques années, et succédant à l’achat de nouvelles parcelles. Les propriétaires souhaitaient disposer quelques belles sculptures: il fallait donc aménager des points de vue. D’autre part, leurs affaires ayant longtemps prospéré dans l’industrie du fer, ils désiraient intégrer au décor l’enclume de l’ancienne forge familiale. Quant à la Lys, elle imposait son rythme, son cours et son paysage.

La première option fut de délimiter le jardin de feuilles et de fleurs par une haie basse en ifs. Seules de petites danseuses en tutu enlacées dans un pas de deux ont le privilège d’approcher de l’eau et de jouir d’une petite aire rectangulaire, sorte de scène qui leur est réservée. La rive est colonisée par des plantes à l’allure sauvage comme de grands Heracleum mantegazzianum, des Aruncus sylvestris ou des Lysimachia punctata.

Le jardin lui-même est principalement centré sur l’axe de la maison. Y échappent une collection nouvelle d’érables japonais et d’Hosta et un mini-jardin blanc de bienvenue, où les roses sont à la fête comme cette  » Alba Medilland « , très solide, dont la floraison commence en juin et termine en septembre. D’autres plantes apportent aussi leur tonalité, comme des Macleya, des Geranium sanguineum  » Album  » et au printemps, des narcisses blancs.

L’espace étant tout petit, Brigitte de Villenfagne a employé pour l’agrandir des formes fastigiées,  » à l’image des cyprès de Toscane qui sont comme des traits de crayon sur les collines « . Comme ceux-ci ne résistent pas à notre climat, elle a choisi l’extraordinaire Juniperus scopulorum  » Sky Rocket « , un cultivar nord-américain, effilé comme une aiguille.  » Malheureusement, c’est un arbre très sensible à tous les parasites comme l’araignée rouge. Il est indispensable que les propriétaires surveillent son évolution et pulvérisent, sous peine de voir la plante se dessécher en un clin d’oeil. « 

Mais l’intervention la plus pertinente, qu’elle soit dans les lignes ou dans les habillages de floraisons et de feuillages, se remarque au fil de cet axe qui semble sans fin, jusqu’à atteindre l’extrémité de la double allée de Robinia pseudoacacia  » Frisia « . Les propriétaires avaient pour objectif de créer un contraste de couleurs en associant un arbre aux feuilles jaunes avec de la lavande. Le feuillage clair est bien approprié pour rapprocher cette longue enfilade qui autrement se serait enfoncée dans une ombre inquiétante. La lavande, en revanche, n’était pas adaptée au sol.  » Alors nous avons pensé à toutes sortes de plantes bleues dont Salvia nemerosa « Amethyst », ou Salvia x sylvestris « Blauhügel » et « Mainacht ». Il y a aussi de nombreuses Achillea. « 

La séparation entre ce deuxième jardin et celui plus proche de la maison est marquée par une haie flanquée d’une grille. Elément central du premier espace, une petite pièce d’eau au dessin classique accueille en son centre l’enclume transformée en fontaine. Tout autour, feuillages et fleurs affichent une luxuriance des formes et des couleurs et donnent des mois durant un festival d’émotions. Les roses comme la jaune  » Graham Thomas  » s’épanouissent au milieu des vivaces, parmi lesquelles des Campanula, des Salvia sclarea, des Astilbe. Sans oublier Viola cornuta ou Achillea millefolium  » Lilac Beauty « .

Plus tard dans la saison, des Aster côtoient des Sedum spectabile et des arbustes comme les Hydrangea. Ils restent décoratifs longtemps, jusqu’aux premières gelées et davantage, tandis que les petits conifères prennent le relais durant l’hiver.

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Texte et photos: Jean-Pierre Gabriel

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