Peu connu des Européens, le pays offre pourtant la possibilité d’alterner plaisirs balnéaires et tourisme à la campagne. Visite guidée dans l’autre patrie des gauchos.

Immenses plaines dans un pays de poche, plages de rêve classées monuments naturels, villes inscrites au patrimoine de l’humanité par l’Unesco… Coincé entre les géants brésilien et argentin, l’Uruguay défend ses particularités : stations balnéaires sur la côte atlantique, tourisme rural dans les pittoresques estancias (ranchs à l’architecture coloniale), écologie dans les dunes de Cabo Polonio, richesses architecturales de Colonia del Sacramento.

Cette ville constitue, sans doute, la meilleure porte d’entrée du pays. Située sur les rives du Rio de la Plata, à 200 kilomètres à l’ouest de Montevideo et à quarante-cinq minutes de bateau de Buenos Aires, Colonia del Sacramento, 20 000 habitants, fondée par les Portugais en 1680 au coeur des zones d’influence espagnole, fut l’enjeu, un siècle durant, de duels acharnés entre les deux colonisateurs. La petite cité est devenue le lieu de villégiature privilégié des citadins argentins, attirés par le charme de ses rues pavées et l’ombre apaisante des terrasses de restaurant installées au bord du fleuve. Conscients de la valeur historique de leur patrimoine, les habitants entretiennent avec soin façades et patios qui ne sont pas sans rappeler ceux de Cordoue l’Andalouse. Témoins de la présence des deux grandes nations ibériques, les musées espagnol et portugais abritent, notamment, de somptueux meubles d’époque. L’Unesco a logiquement déclaré  » Patrimoine de l’humanité  » le quartier historique de Colonia.

Tourné vers la mer, l’Uruguay concentre sur son littoral plus des trois quarts de ses 3,5 millions d’habitants. Montevideo, la capitale, en abrite la moitié. Villle aussi ancrée que Valparaiso ou Zanzibar dans l’imaginaire du voyageur, Montevideo est d’abord une cité populaire. Pour s’en rendre compte, il suffit d’aller au Mercado del Puerto : dans ce marché couvert, ouvriers, pêcheurs, notables et ménagères se pressent dans une multitude de restaurants qui offrent des spécialités locales de poissons ou des parilladas (grillades de viande) gargantuesques à déguster accoudé aux longs comptoirs. Symboles d’une démocratie profondément ancrée dans les mentalités, malgré la douloureuse parenthèse de la dictature de 1966 à 1985, ces établissements offrent les meilleures occasions de rencontrer les gens.

Chacun y va alors de son anecdote pour évoquer la douceur de vivre de la ville et conseille de flâner sur la Plaza Independencia, véritable coeur de la cité; de visiter le Palacio Taranco, le musée des Arts décoratifs, ou celui del Gaucho y de la Moneda, évoquant la vie rurale si chère au coeur des Uruguayens; de siroter un café con leche dans l’un des nombreux bars avant d’arpenter les ruelles de la Ciudad Vieja (vieille ville). Montevideo offre le visage nonchalant d’une ville de province, calme et décontractée, une sorte de répit avant les plages.

Car, avec 650 kilomètres de côtes, du Rio de la Plata à l’Atlantique, le littoral fait partie intégrante des loisirs. On y court après le travail, on s’y rend le week-end en famille. Du quartier de Carrasco, banlieue résidentielle de Montevideo, jusqu’à Punta del Este, à 130 kilomètres, les plages, plutôt propres et bien entretenues, s’étendent à perte de vue, à peine entrecoupées de pointes rocailleuses qui font le bonheur des pêcheurs. Sur cette partie de la côte, la ville de Piriapolis offre un décor un peu désuet dû à son imposant hôtel Argentino, centre d’hydrothérapie datant des années 1920. Une halte plutôt familiale avant Punta del Este la flamboyante.

Cette station balnéaire de notoriété internationale, la plus chic du pays, fait la fierté des Uruguayens. Composé d’immeubles modernes, ce lieu de prédilection des touristes argentins aisés bruit, en été, d’une foule friande de plages bondées d’où émergent, ici et là, quelques sculptures d’artistes contemporains. Rendez-vous de la jet-set de Buenos Aires, surtout, Punta del Este rappelle la Côte d’Azur en pleine période estivale. Les amateurs de littoral sauvage préféreront s’y rendre hors saison. Ou opteront pour Cabo Polonio, l’un des lieux mythiques de la côte atlantique.

Déclaré monument national, ce petit village de pêcheurs a, en effet, été relativement épargné par l’afflux du tourisme grâce aux dunes qui l’isolent du reste de la côte. Fief des hippies dans les années 1970, la bourgade n’est accessible qu’en 4 x 4 ou à cheval, ce qui lui a permis de garder un cachet authentique. Les petites maisons, construites de manière anarchique, respectent cependant un littoral peuplé de colonies de phoques et de lions de mer. C’est l’ultime halte au bord de l’Atlantique avant de s’enfoncer à l’intérieur des terres.

 » L’Uruguay, se plaisent à dire ses habitants, est comme un être humain. Pour le connaître, il faut atteindre son coeur.  » Le coeur, ce sont ces pampas qui s’étendent du département de Rocha à celui de Treinta-y-Tres, de la Florida à Durazno. On découvre l’âme du pays en sillonnant les plaines vallonnées où paissent vaches et chevaux sauvages. Dans les estancias, des ranchs qui ont su conserver leur architecture coloniale, les gauchos racontent leur existence simple et dure, en sirotant le maté, la boisson chaude nationale à base d’herbes. En plein essor depuis une dizaine d’années, les séjours de tourisme à la ferme permettent aux amoureux des grands espaces de partager, quelques jours durant, la vie des cow-boys. Ces gauchos veillent sur des milliers de moutons qui font de l’Uruguay l’un des premiers exportateurs mondiaux de laine. Celle-ci favorise le développement d’un fleuron de l’artisanat : regroupées en coopératives, les femmes de Manos del Uruguay tricotent exclusivement à la main pulls, écharpes et ponchos qui sont exportés dans le monde entier. Motif de fierté pour toute une partie de la population qui a choisi de lutter contre l’exode rural, Manos del Uruguay incarne également la lutte des femmes pour faire évoluer les mentalités dans un pays encore marqué par le machisme.

Cette émancipation sociale et économique symbolise parfaitement l’Uruguay d’aujourd’hui. Siège du Mercosur, le marché commun sud-américain, le pays a pris, ces dernières années, une nouvelle dimension sur le continent. Et, s’il ne constitue par encore une destination très prisée des Européens, il pourrait bien devenir un lieu de prédilection pour tous ceux qui aiment alterner plaisirs de la mer et tourisme rural, océan et pampa.

Jean-Claude Gerez

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content