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Guide des friperies avec une pro DR

Une journée dans les friperies bruxelloises avec une pro de la seconde main

Agencées différemment des enseignes traditionnelles, les friperies peuvent intimider. Au point que certains d’entre nous n’osent pas en pousser la porte… Une pro de la récup’ nous livre ses astuces pour chiner sans stresser.

Vendredi 11 heures, Marie Conscience, 25 ans, mieux connue de ses quasi 5 000 followers sous le pseudo consciencethriftshopper, nous donne rendez-vous dans la fameuse rue Haute, à Bruxelles. Un coin des Marolles particulièrement apprécié des adeptes de la seconde main, et pour cause: depuis plusieurs années, les friperies y poussent comme des champignons. La jeune femme nous rassure d’emblée: «Nous serons plus à l’aise pour nous y rendre un jour de semaine, surtout en matinée.»

Une affirmation rapidement vérifiée lorsque nous entrons chez Melting Pot Kilo, la première boutique de l’itinéraire concocté par notre accompagnatrice du jour. L’inscription à son entrée est sans équivoque: «Vintage au kilo». Ici, peu importe la marque ou l’origine de la pièce choisie, son prix est défini par son poids, un kilo de vêtements revenant ainsi à 15 euros.

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Melting Pot Kilo
Melting Pot Kilo © Niccola Van den Heuvel

Marie nous conseille de poser notre regard sur les vêtements les plus légers: «Dans ce genre de magasin, il est plus intéressant de chercher des fringues conçues dans des matières fluides et aériennes.» Pointant du doigt un bac rempli de foulards, elle poursuit: «C’est également un bon endroit pour se fournir en grandes étoffes que l’on utilise ensuite comme furoshiki», cette technique japonaise traditionnelle de pliage et de nouage du tissu utilisée pour l’emballage de cadeaux et le transport d’objets du quotidien. Plus loin dans les rayons, la spécialiste de la frip’ déniche une jupe rouge à 5 euros.

«Contrairement aux brocantes et marchés aux puces, ici, il n’est pas possible de marchander ni d’échanger, même si c’est de la seconde main.»

marie conscience

Ce qui n’est pas un point négatif en soi car, comme le souligne l’experte, un achat sans possibilité de retour est un achat mûrement réfléchi.

Mademoiselle l’ancien
Mademoiselle l’ancien © Niccola Van den Heuvel

L’art de la patience

Si les friperies au kilo ont gagné en notoriété ces dernières années, la deuxième boutique dans laquelle nous emmène l’influenceuse nous interpelle davantage. Celle-ci connaît bien Laura Blanco, la propriétaire des lieux, qui s’empresse de nous présenter le concept de son enseigne, bien que son nom nous laisse déjà présager les pépites que nous pourrons y trouver… Nous voici chez Mademoiselle l’ancien! «Ici, vous trouverez exclusivement des vêtements des années 40 à 70 qui ont été chinés par nos soins et minutieusement restaurés dans notre atelier.» Les pièces sont superbes, et semblent tout droit sorties de films d’époque: ensemble à fleurs des sixties, délicate robe de bal rose, vestes militaires…

Marie plaisante en nous voyant commencer à farfouiller parmi les cintres. «Vous voyez? Vous vous prenez au jeu, c’est la première fois que vous cherchez sans être à côté de moi!» (rires)

© Niccola Van den Heuvel

En effet, le magasin, d’apparence semblable à une enseigne classique, nous rassure et nous pousse à inspecter le contenu. «C’est un des meilleurs conseils que je puisse donner à mes clientes: apprendre à se connaître pour savoir dans quel type de friperies on se sent le plus à l’aise, comment on aime qu’elles fonctionnent, etc. Parfois, un feeling peut même s’établir avec les gérants.» Elle insiste cependant sur un point particulier: «Mais pour cela, il faut d’abord prendre le temps d’essayer! Chiner, c’est vraiment une activité qui demande de faire preuve de patience.» Inutile, donc, d’y faire un saut si on ne dispose que d’une dizaine de minutes…

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D’autant que nous pouvons parfois y entendre de drôles d’histoires. Comme celle que raconte Brendy, l’associée de Laura Blanco, dans un podcast de la série La société de minuit. Alors qu’elle est à la recherche de nouvelles pièces, la jeune femme tombe sous le charme d’une robe de soirée des années 30. «C’était un superbe modèle dos nu, en satin bleu marine. Le genre de robe où tout est fait pour séduire. Quand on voit quelqu’un la porter, la première chose dont on a envie, c’est de lui arracher!», évoque-t-elle. Une vraie tenue de femme fatale… et pour cause, elle aurait appartenu à une mystérieuse madame Busine. Une épouse adultère qui, lors de la Seconde Guerre mondiale, aurait demandé à son amant d’abattre son mari. C’est d’ailleurs son complice qui la dénoncera quelques années plus tard. «C’est étrange de constater comme certains habits peuvent, presque un siècle plus tard, être encore habités d’une certaine manière par leur ancien propriétaire», confie Brendy.

Nectar
Nectar © Niccola Van den Heuvel

Après ce bref plongeon dans le passé, nous poussons les portes du troisième commerce renseigné par Marie, Isabelle Bajart. Plus encore que le précédent, celui-ci n’a rien à voir avec les friperies que nous nous étions imaginées. L’atmosphère qui y règne et l’agencement du magasin esquissent les contours d’une enseigne de luxe. Elle propose en effet un large panel de pièces de créateurs: Christian Dior, Saint Laurent Paris, Dries Van Noten… Les vêtements sont de belle facture, conçus dans des matières nobles et présentent des modèles recherchés. Mais comment s’assurer de leur qualité? «Regardez leur étiquette, non pas celles avec les matières ou les indications de lavage, mais celle où est écrit la marque, précise la jeune femme en nous montrant l’une d’elles. C’est un excellent indice ; quand le vêtement est un vrai «beau» vintage, celle-ci est généralement d’époque et donc très travaillée.» Comme l’illustre ensuite l’experte à l’aide de différents hauts, n’hésitez pas à vérifier que les coutures soient de qualité, régulières et solides. L’épaisseur du tissu et sa composition sont aussi de bons indicateurs ; préférez des matières épaisses ou naturelles comme le coton, le cachemire ou encore la soie. «Je pars du principe que tout y est intéressant, même si certains achats restent plus laborieux. Trouver une paire de chaussures est moins évident, car elles présentent souvent un degré d’usure important», remarque-t-elle.

Isabelle Bajart
Isabelle Bajart © Niccola Van den Heuvel

Comme un caméléon

La dernière adresse est Nectar, un magasin vintage de style streetwear. Un nom qui sonne comme un joli présage. Survêtements, vestes, jeans et sweats de marques s’agglutinent sur les étagères. Nous remarquons immédiatement un hoodie jaune estampillé du célèbre logo tricolore de la marque Tommy Hilfiger. Le prix affiche 38 euros ; une bonne ou une mauvaise affaire?

«Un vêtement neuf acheté à 30 ou 40 euros a souvent été produit dans de mauvaises conditions sociales et environnementales, et est donc de qualité moindre. C’est un choix personnel ; certains préfèrent désormais investir dans une pièce vintage de haute qualité qui va tenir des années plutôt que dans une pièce neuve qu’il va falloir racheter quelques mois plus tard à cause de son usure.»

marie conscience

Et la jeune femme d’ajouter: «Certaines acquisitions de seconde main ont parfois été tellement chéries par leur ancien propriétaire qu’on pourrait croire qu’il s’agit de vêtements neufs!»

Mademoiselle l’ancien
Mademoiselle l’ancien © Niccola Van den Heuvel

Après cette journée riche en découvertes textiles, nous interrogeons Marie quant aux avantages du style 100% chiné. «J’ai un look très éclectique, j’aime me dire que je suis comme un caméléon! S’habiller en friperies, c’est s’assurer de se composer une garde-robe entièrement originale et personnelle, loin de toutes ces copies proposées par le monde de la fast fashion. Vous ne verrez personne habillé de la même façon que vous!» Dernier argument avancé par la jeune femme: la valeur accordée à l’objet.

«Quand on porte un habit qu’on a pris le temps de chercher soi-même, on se sent encore plus fier de sa tenue car on a mérité son achat. C’est une relation au vêtement tout autre que si on l’avait simplement décroché d’un rayon de dix pièces identiques.» Un achat de seconde main, avant d’être une bonne affaire, est donc avant tout synonyme d’échange, de partage et de souvenir. Un acte hautement plus symbolique qu’un simple passage en caisse.

© Niccola Van den Heuvel

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