Carla Sozzani, éminence grise de la mode italienne

Carla Sozzani. © dave Yooder/Sara Scanderebech

Depuis plus de trente ans, Carla Sozzani est l’une des éminences grises de la mode italienne. Portrait en ombre et lumière de cette pasionaria farouchement indépendante.

Blonde comme sa soeur Franca, rédactrice en chef de Vogue Italie depuis plus de vingt-cinq ans, Carla Sozzani cache sous sa frêle silhouette élancée une inépuisable énergie. « Je ne m’interromps jamais de travailler, je ne saisis guère les limites entre sphères privée et publique, avoue-t-elle. Ma vie m’a fait franchir toutes ces lignes. » Et du boulot, Carla Sozzani en a beaucoup depuis l’ouverture de 10 Corso Como, en 1990. Un garage, à l’origine, plein d’huile, de voitures, situé à l’écart des quartiers du luxe milanais comme la via Monte Napoleone. Depuis, son petit empire a donné vie aux boutiques et commerces alentour et le principe s’est exporté au Japon, pour une première collaboration en 2002 avec Comme des garçons, à Séoul, et récemment, à Shanghai. Voilà un concept store qui fut peut-être le pionnier du nom : « C’est en écrivant un article sur Corso Como en 1991 que le sociologue italien Francesco Morace a trouvé le terme concept shop », affirme la femme d’affaires. On connaît les héritiers de cette idée : Colette, à Paris, ou Dover Street Market, à Londres…

L’antre fashion italienne est rapidement devenue le refuge de créateurs que Carla défendait mordicus. Certains sont toujours en activité et n’ont cessé de crier leur indépendance, comme Azzedine Alaïa, son ami de toujours, ou Rei Kawakubo (Comme des garçons), présente dès l’ouverture de la boutique. D’autres ont disparu de la scène, comme Yves Saint Laurent, dont elle aimait tant photographier les vêtements, alors qu’elle était rédactrice pour le Elle italien – édition qu’elle lança dès 1987, avant de quitter ce versant de la mode, occupé depuis avec succès par sa soeur Franca. Ou Courrèges.

La mode, donc, est venue, non par obligation héréditaire, mais par la passion des images. De la presse à sa concrétisation en 3D, une idée prend forme avec le 10 Corso Como.  » J’avais envie d’un magazine en réel, de pouvoir non seulement tourner les pages d’un shopping virtuel, mais d’aller aussi de corner en corner. A l’époque, l’art avait infiltré sérieusement la mode. Le mot d’ordre était :  » Do not touch !  » Les boutiques devenaient des galeries remplies de créations qu’on pouvait à peine approcher », raconte Carla Sozzani. Corso Como est donc un contre-pied bucolique, avec son café en plein air entouré d’arbres et d’oiseaux et son vaste hangar de canapés et de chaises qui invitent le visiteur à s’asseoir pour prendre son temps.  » Le concept de slow-shopping naissait alors qu’émergeait à Rome l’idée de la slow-food, en réaction à l’installation de McDonald’s, place d’Espagne », ajoute-t-elle. Contestataire, Carla ? Visionnaire surtout, avec ses choix si radicaux qui définissent une éthique sérieuse de la création, qu’il s’agisse de mode, d’art ou de photographie.

Par Fabrice Paineau

10 Corso Como, à 20 154 Milano. www.10corsocomo.com La galerie Carla Sozzani expose jusqu’au 8 juin prochain les clichés des lauréats du World Press Photo.

10 Corso Como : A to Z, Ed. Rizzoli, 300 pages.

Pour tout savoir sur la mode italienne, son histoire, son actu, son avenir, rendez-vous dans Le Vif Weekend Spécial Italie du 23 mai 2014.

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