Comment devenir styliste

Nathalie Marchal, rédactrice en chef de Technikart Mademoiselle, nous explique sans langue de bois les ficelles d’un métier qui fait rêver mais reste méconnu.

En France, le mot styliste prête à confusion tant il regroupe des métiers différents. Pouvez-vous nous éclairer?

La dénomination est floue, c’est vrai. Avant, on parlait des « rédactrices de mode ». Un terme impropre, puisqu’en fait, leur rôle n’était pas d’écrire mais de créer des looks. Plus récemment, on a adopté le terme de stylist, qui désigne en anglais celui qui ne travaille que sur les images, contrairement au designer, qui crée les vêtements. Sauf qu’en France, styliste désigne souvent aussi bien le stylist que le designer!

Un styliste peut intervenir dans des domaines très variés: au cinéma, auprès des célébrités, sur des publicités… Personnellement, je travaille sur les séries photographiées dans la presse mode, je suis donc une styliste « magazine ».

Quel est votre parcours?

Je suis diplômée d’ESMOD. Au départ, je voulais dessiner des vêtements, mais la presse de mode est rapidement devenue mon principal centre d’intérêt. A 20 ans, j’ai commencé par un stage chez Marie-Claire Bis. C’était en 1985. A l’époque, ce magazine était « la bible » du milieu. Je faisais les shoppings [demandes de vêtements et d’accessoires aux marques de mode], le thé, les photocopies. Le premier shooting sur lequel j’ai travaillé était pour Sarah Moon. Ca m’a tout de suite plu.

J’ai été embauchée au bout de trois mois comme assistante. J’ai réalisé les pages shopping en fin de magazine pendant trois ans, puis on m’a confié mes premiers vrais sujets. J’ai travaillé là-bas pendant dix ans, jusqu’à ce qu’à la disparition du magazine. J’ai ensuite collaboré en free-lance à 20 ans, du temps d’Emmanuelle Alt [aujourd’hui rédactrice en chef du Vogue Paris], à Vogue, à Biba, L’Officiel.

Aujourd’hui, je suis rédactrice en chef du supplément féminin de Technikart. Je fais aussi du conseil, et j’assure le stylisme des défilés féminins de Paul Smith.

En quoi cela consiste-t-il?

Le conseil auprès d’une marque de mode, c’est donner son avis dans l’élaboration d’une collection, du choix des matières à la sélection des pièces. Il s’agit d’une tâche très concrète, où il n’est pas tant question d’aider à la construction d’une identité que de repérer les tendances chez la concurrence.

Superviser le stylisme sur un défilé, c’est s’assurer que les idées du créateur prennent bien forme sur le podium. Il y a donc une part d’editing -la sélection des tenues parmi toutes celles que comporte une collection- mais ça peut aussi aller jusqu’à la direction artistique -casting, coiffure, maquillage, attitude et vitesse de marche des filles, musique…

Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui souhaite faire votre métier?

D’abord, mieux vaut faire une école de stylisme. Seule l’expérience sur le tas vous apprendra vraiment le métier, mais l’école vous apportera une connaissance approfondie du vêtement et vous permettra de décrocher plus facilement des stages.

Ensuite, rester humble. Ne jamais oublier que la mode est un secteur où la hiérarchie semble gommée. Tout le monde se tutoie et a l’air très cool, mais les relations hiérarchiques existent bel et bien. Les débutants ont donc plutôt intérêt à jouer profil bas, même lorsque les tâches les plus ingrates leur incombent: aller chercher les vêtements chez les marques, les accrocher, les repasser, les épingler, les replier, les renvoyer, le tout sans se tromper et parfois sous la pluie. Les premières années, un assistant styliste n’est ni plus ni moins qu’une bête de somme.

Il est également important d’apprendre à se détacher du « j’aime/j’aime pas ». Certes, on demande à un styliste que sa personnalité transparaisse, mais il doit surtout s’adapter au style du magazine et à la tendance de la saison. Si c’est la saison du tweed, vous trouvez du tweed, point!

Enfin, garder l’esprit ouvert. Quand un shooting s’annonce ennuyeux, avec des annonceurs imposés, c’est au styliste de faire marcher sa créativité pour rendre le projet intéressant. A lui également de ne pas se contenter de choisir parmi les collections les pièces que tout le monde veut.

Dans la presse féminine, on parle souvent de conflits d’intérêt entre la publicité et la rédaction. Y avez-vous été confrontée?

On y échappe rarement. Technikart Mademoiselle est un magazine indépendant. Les moyens sont limités, mais au moins, on ne doit rien aux annonceurs. Ailleurs, c’est plus compliqué. Les renvois d’ascenseur sont systématiques. Pour travailler sur une publicité par exemple, un styliste sera choisi pour son talent, mais également pour son réseau. Sur le shooting d’une publicité pour une banque, on appréciera sa capacité à se faire prêter des vêtements par les grandes griffes. Sur une publicité pour une marque de sacs, la rémunération de la styliste dépendra en partie de son aptitude à placer les produits de la marque en question dans une future série mode du magazine pour lequel elle a l’habitude de travailler… Tout est politique!

Dans ces conditions, vaut-il mieux être embauché ou travailler de manière indépendante?

Dans un magazine, un styliste a un double rôle: il doit à la fois faire de belles images et satisfaire les annonceurs qui paient pour être dans ses pages. Etre salarié, c’est prendre le risque que cette dernière fonction devienne trop contraignante, l’obligeant notamment à brider le photographe. Pour avoir connu les deux statuts, je peux dire que je me sens plus libre en étant free-lance.

Géraldine Dormoy

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